Les membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir au Burundi, les Imbonerakure, agissant souvent de concert avec des représentants des autorités locales, ainsi que le Service national de renseignement (SNR) et la police, ont perpétré des violations généralisées des droits humains pendant toute l’année 2019, y compris des exécutions extrajudiciaires, des disparitions, des arrestations arbitraires, des violences sexuelles, des passages à tabac et des actes d’intimidation à l’encontre de présumés opposants politiques. Ils ont souvent ciblé des opposants politiques réels ou supposés et ceux qui refusaient de rejoindre le parti au pouvoir.
La situation humanitaire est restée critique, et en novembre, plus de 2 800 des 7 millions de personnes ayant contracté le paludisme en étaient mortes. Plus d’1,7 million de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, en partie due à la forte densité de population et l’arrivée de réfugiés rapatriés ainsi que de nouveaux réfugiés.
La société civile et les médias autrefois très dynamiques ont fait les frais de l’ire du gouvernement. En juin, ce dernier a suspendu l’ONG PARCEM, l’une des dernières organisations de défense des droits humains. En octobre, quatre journalistes d’Iwacu et leur chauffeur ont été arrêtés alors qu’ils se rendaient dans la province de Bubanza pour couvrir des affrontements ayant éclaté entre des rebelles et les forces de sécurité. Ils ont plus tard été inculpés de complicité d’ « atteinte à la sûreté de l’État. »
Une Commission d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a rapporté en septembre que de graves violations, y compris des crimes contre l’humanité, ont continué à être perpétrées en 2018 et 2019, principalement par des agents de l’État et des Imbonerakure, et touchant surtout les habitants des zones rurales.
Exactions commises par les forces de sécurité et les jeunes du parti au pouvoir
Bien que le Président Pierre Nkurunziza ait déclaré qu’il ne se présenterait pas aux élections présidentielles de 2020, les tensions ont continué de croître. Les autorités ont levé la suspension de certains partis d’opposition et d’autres nouvellement enregistrés, mais beaucoup de Burundais soupçonnés de soutenir l’opposition politique ont été tués ou victimes de disparitions, d’arrestations arbitraires et de passages à tabac. Les personnes qui refusaient de rejoindre le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD) au pouvoir ainsi que sa ligue des jeunes, de faire des dons financiers, de participer à la construction de ses permanences ou d’aller à ses rallies ont également dit avoir subi des passages à tabac, des amendes et des arrestations.
Les autorités ont particulièrement ciblé les membres du parti d’opposition le Congrès national pour la liberté (CNL). En 2019, des membres des Imbonerakure et des responsables locaux ont tué, fait disparaître, arrêté de façon arbitraire et battu des dizaines de partisans du CNL dans tout le pays. Selon les médias locaux, plusieurs permanences du CNDD-FDD ou du CNL ont été attaquées ou détruites à travers le pays.
La population a été forcée à contribuer financièrement aux élections prévues pour mai 2020 et au parti au pouvoir. Les membres des Imbonerakure et les responsables locaux, qui sont les principaux responsables de la collecte de ces contributions, ont largement fait usage de la force et des menaces, souvent en dressant des barrages routiers informels pour vérifier les preuves de paiement. Ceux qui ne pouvaient montrer un reçu ou refusaient de contribuer ont fait face à des représailles violentes et des intimidations. Dans certains cas, des personnes ont rapporté s’être vu refuser l’accès à des services publics quand ils n’étaient pas en mesure de prouver qu’ils avaient contribué. Dans certaines provinces, les membres du CNDD-FDD et des Imbonerakure ont forcé des gens à se joindre à la construction de permanences locales pour le parti, et ont menacé, battu ou emprisonné ceux qui refusaient d’obéir, ce qui équivaut à du travail forcé.
Situation humanitaire
La situation humanitaire au Burundi, pays parmi les plus pauvres du monde, était critique, avec environ 1,7 millions de personnes affectées par l’insécurité alimentaire, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, OCHA).
Malgré cela, il a été signalé que les Imbonerakure demandaient aux Burundais de leur « faire don » de nourriture, et empêchaient les gens d’accéder aux distributions d’aide alimentaire. Le rapport de la Commission d’enquête a documenté des violations des droits à l’alimentation, à la santé et au travail.
Réfugiés
En novembre, il y avait environ 326 000 réfugiés burundais en Tanzanie, au Rwanda, en Ouganda et en République démocratique du Congo. Entre septembre 2017 et le 31 octobre 2019, environ 80 000 réfugiés sont rentrés au Burundi dans le cadre du programme d’aide au rapatriement volontaire soutenu par l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, dont 78 380 personnes rapatriées de Tanzanie. L’agence a déclaré que 8 293 Burundais étaient arrivés en Tanzanie entre le 1er janvier et le 31 octobre 2019.
La Tanzanie et le Burundi ont signé un accord le 24 août stipulant qu’environ 180 000 réfugiés burundais en Tanzanie devaient « rentrer dans leur pays d’origine, volontairement ou non », avant le 31 décembre. Un accord passé en octobre entre les polices burundaise et tanzanienne pour autoriser l’une ou l’autre à mener des opérations transfrontalières a accentué les craintes d’être arrêtés parmi les réfugiés, selon les médias locaux.
En août, le HCR a affirmé que les conditions au Burundi n’étaient « pas propices à encourager les retours ». Dans son dernier rapport, la Commission d’enquête des Nations Unies a affirmé que les Burundais de retour de l’étranger faisaient partie des principales cibles des violations des droits humains.
Société civile et libertés des médias
Une ordonnance gouvernementale a été publiée le 17 juin, suspendant l’organisation PARCEM et l’accusant de ternir l’image du pays et de ses dirigeants. Trois membres de PARCEM condamnés à 10 ans de prison en mars 2018 pour atteinte à la sûreté de l’État ont été acquittés en appel en décembre 2018, et libérés le 21 mars 2019.
La condamnation à 32 ans de prison du défenseur des droits humains Germain Rukuki, membre de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) a été confirmée en appel en juillet. Il avait été reconnu coupable de crimes liés à la sûreté de l’Etat en avril 2018. Les autorités judiciaires ont déclaré aux médias avoir perdu son dossier, ce qui a considérablement retardé la procédure. Nestor Nibitanga, observateur au sein de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), condamné à une peine de cinq ans pour « atteinte à la sûreté de l’État » en août 2018, est toujours en détention.
Le 1er octobre 2018, les autorités ont suspendu les activités des organisations non-gouvernementales étrangères (ONG) pendant trois mois, pour les forcer à se réenregistrer, et notamment à soumettre de nouveaux documents stipulant l’appartenance ethnique de leurs employés burundais. En mars, au moins 93 ONG étrangères étaient enregistrées, à l’issue des trois mois de suspension. Il n’est pas clair si des organisations ont vu leur enregistrement rejeté pour avoir refusé ou omis de déclarer l’appartenance ethnique des salariés locaux. En mai, le président de la Cour suprême a ordonné la saisie des biens de plusieurs défenseurs des droits humains et journalistes burundais de premier plan actuellement en exil.
Le 29 mars, le Conseil National de la Communication (CNC) a annoncé la prolongation de son ordonnance de suspension de Voice of America (VOA), ainsi que du retrait de la licence d’exploitation de la British Broadcasting Corporation (BBC). Le CNC a également interdit à tout journaliste au Burundi de « fournir directement ou indirectement des informations susceptibles d’être diffusées » par la BBC ou VOA.
Liberté de religion
Les autorités burundaises cherchent de plus en plus à contrôler les églises du pays, conseillant aux chefs religieux de s’abstenir de tout commentaire critique ou « politique ». Le 21 mai, le dirigeant de l’Église adventiste du septième jour, le Pasteur Lamec Barishinga, et son adjoint ont été arrêtés et accusés de « rébellion ».
Orientation sexuelle et identité de genre
Le Burundi punit les rapports sexuels consensuels entre adultes du même sexe de jusqu’à deux ans de prison, aux termes de l’article 567 du code pénal. L’article 29 de la Constitution du Burundi interdit explicitement le mariage entre personnes du même sexe.
Droit à l’éducation
En mars, certains écoliers parmi les sept arrêtés dans la province de Kirundo ont été inculpés pour « outrage au chef de l’État » après avoir prétendument gribouillé sur la photo du président dans leurs cahiers. L’incident a déclenché une campagne mondiale sur les réseaux sociaux qui a finalement abouti à leur libération, même si cinq d’entre eux ont été expulsés pour une durée indéterminée.
Plusieurs étudiants ont rapporté qu’on les avait empêchés d’aller en cours parce qu’ils n’avaient pas versé de contribution pour les élections de 2020. Selon le rapport de la Commission d’enquête, certains étudiants affiliés à l’opposition ont été harcelés et menacés par des camarades et des enseignants membres du parti au pouvoir.
Principaux acteurs internationaux
En février, le facilitateur du dialogue interburundais, Benjamin Mkapa, a présenté son rapport final au Sommet des chefs d’État de la Communauté d’Afrique de l’Est. Lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies en juin, le commissaire de l’Union africaine pour la paix et la sécurité a déclaré qu’« il n’y a pas d’alternative au dialogue interburundais ».
Le Burundi refuse de coopérer avec n’importe quel mécanisme international ou régional de protection des droits humains. En février, le bureau du Haut-commissariat des Nations Unies au Burundi a été contraint de fermer sur l’insistance du gouvernement. La Commission d’enquête sur le Burundi n’a pas eu accès au pays, malgré ses demandes répétées. En septembre, le Conseil des droits de l’homme a renouvelé le mandat de la Commission d’enquête pour une année supplémentaire.
Selon des diplomates de l’ONU, le gouvernement a menacé de couper les ponts avec l’Envoyé spécial de l’ONU Michael Kafando en mai, obligeant le Conseil de sécurité de l’ONU à retarder une réunion programmée sur le Burundi. En octobre, l’Envoyé spécial Kafando a démissionné au bout de deux ans et demi à cette fonction. La Russie, la Chine et la Guinée équatoriale ont appelé publiquement à ce que le Burundi soit retiré de l’agenda du Conseil.
La Cour pénale internationale (CPI) a poursuivi son enquête sur les crimes commis au Burundi depuis 2015. La suspension par l’Union européenne en 2016 de tout soutien budgétaire direct au gouvernement, aux termes de l’article 96 de l’Accord de Cotonou, est toujours en vigueur.