<<précédente | index | suivant>> VI. Faible capacité denquête du parquetLe parquet nest pas préparé à enquêter sur les crimes graves qui ont endeuillé lIturi au cours du conflit dans cette région depuis 1998. Il nest pas non plus outillé en personnel pour faire face à la petite délinquance. Quatre magistrats sont un nombre insuffisant pour enquêter sur les affaires accumulées pendant les années déclipse judiciaire à Bunia. Jusquau début de mai 2004, 300 affaires étaient en cours dinstruction au parquet, 45 étaient renvoyées en procès et 30 jugements avaient été rendus.41 Ces chiffres signifient que chacun des quatre magistrats du parquet a actuellement en moyenne 75 dossiers à instruire. Dans ces conditions, et en labsence dune expertise policière et dun équipement matériel adéquat, ou bien les magistrats ont besoin dun temps excessivement long pour boucler leur instruction dans chaque dossier, ou bien les enquêtes sont forcément bâclées. Trois choses devraient être faites rapidement. Premièrement, il est impératif daugmenter les effectifs des magistrats et des juges si un travail sérieux denquête doit être fait par eux. Le personnel à la police judiciaire comme au parquet est en insuffisance deffectif par rapport au volume élevé de la criminalité en Ituri, y compris pour la petite délinquance. En second lieu, le parquet doit être doté dune police judiciaire composée dagents et officiers armés et dinspecteurs judiciaires rompus aux enquêtes criminelles. Le gouvernement dont cest la responsabilité na à ce jour doté Bunia daucune force de police. Début avril, Emmanuel Leku, un des dirigeants de ladministration intérimaire de lIturi, sest plaint du fait que « pas un seul policier ou militaire na été envoyé par Kinshasa. »42 Ce vacuum oblige le procureur à sappuyer sur les forces de la MONUC pour lexécution de ses mandats. Mais la MONUC, qui ne peut substituer les fonctions de la police judiciaire nationale, apporte sa collaboration au procureur dans les seuls cas qui correspondent à sa propre politique sécuritaire. En plus des lenteurs des procédures bureaucratiques préjudiciables à la célérité des enquêtes, lappui des forces de la MONUC à lexécution des mandats du parquet fait naître une dépendance ou une perception de dépendance du procureur à la MONUC. Une telle dépendance est renforcée par labsence dune politique gouvernementale claire relativement aux crimes commis en Ituri. Il appartient au gouvernement de remédier à cette incohérence en dotant le système judiciaire de Bunia dune force publique propre. La rupture du cordon de dépendance entre le parquet et la MONUC est requise pour que la justice à Bunia cesse de fonctionner comme un organe de légitimation des différentes mesures darrestation de la MONUC. Un effort personnel daffranchissement est également requis de la part des magistrats. Il est ainsi très inquiétant dapprendre que les juges en sont réduits à requérir lavis de la MONUC sur les demandes de mise en liberté provisoire qui leur sont soumises par les détenus.
Finalement, les magistrats devraient être dotés dune expertise adéquate qui leur permette denquêter sur les crimes complexes du genre de ceux qui ont été commis en Ituri, souvent caractérisés par limplication des multiples auteurs et de multiples victimes, et exigeant une instruction appuyée sur une expertise médico-légale spécialisée. A ce propos il y aurait nécessité de créer de toute urgence un pool denquêteurs pour lIturi, qui travaillerait en collaboration avec le parquet de Bunia. Un tel pool denquêteurs serait composé de magistrats, d'inspecteurs judiciaires expérimentés et d'experts en médecine légale. Ils formeraient une équipe mobile pouvant être déployée sur tout le territoire de lIturi, en fonction des besoins et des sites où des massacres auraient eu lieu. Cette équipe viendrait en appui au parquet de Bunia à la fois pour le désengorger et lui octroyer une formation plus utile sur les méthodes denquêtes. [41] Ibid. [42] Francois-Xavier Harispe, « Wheels of justice turning in Congo, » AFP, avril 2004.
|