Rapports de Human Rights Watch

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Contexte

Les élections de 2005

Les élections de 2005 ont constitué le chapitre final du processus de transition établi par les Accords d’Arusha de 2000. Dans l’intervalle, un gouvernement comprenant le Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu) dominé par les Hutu, le Parti de l’unité pour le progrès national (Uprona) dominé par les Tutsi et un certain nombre de partis plus petits a gouverné le pays. Fin 2003, ce gouvernement a signé le Protocole de Pretoria établissant la paix avec le CNDD-FDD et lançant le processus d’intégration des anciens rebelles dans l’armée et l’administration.

Le FNL a rejeté la paix et a continué de lutter contre l’armée du gouvernement, qui début 2005 incluait d’anciens combattants FDD et qui a pris le nom de Forces de défense nationale (FDN).1 Les combats ont essentiellement concerné les provinces autour de Bujumbura où les civils ont été soumis à des abus commis par toutes les parties au conflit.2

En mars 2005, après de nombreux retards, une nouvelle constitution a été adoptée par référendum, approuvée par plus de 90 pour cent de la population. La constitution garantit 60 pour cent des sièges de l’Assemblée nationale (la chambre basse du Parlement) aux Hutu, le groupe ethnique majoritaire au Burundi et 40 pour cent des sièges aux Tutsi, qui représentent 15 pour cent de la population. Elle réserve également 30 pour cent des sièges aux femmes et trois sièges au groupe ethnique twa (qui représente moins de 1 pour cent de la population).3 Les sièges de la chambre haute du parlement, le Sénat, sont également répartis entre les Hutu et les Tutsi, sur la base d’élections indirectes. Le Président est élu au suffrage indirect par les deux chambres du Parlement.

En attribuant les postes ministériels, le Président a également respecté la formule des 60 pour cent aux Hutu et 40 pour cent aux Tutsi. De plus, tout parti qui remporte au moins 5 pour cent des voix aux élections législatives a droit à des postes ministériels dont le nombre est proportionnel au pourcentage de sièges obtenus à l’Assemblée nationale.4 Les postes militaires sont également partagés entre les deux groupes ethniques.

Le FNL a signé un cessez-le-feu avec le gouvernement le 15 mai 2005 juste avant le début prévu des élections pour l’administration locale (les premières dans une série de processus électoraux intervenant entre juin et septembre) et a ainsi suscité des espoirs de paix. Cependant, les forces rebelles comme celles du gouvernement ont rapidement violé le cessez-le-feu et se sont périodiquement livrées à des escarmouches pendant la période électorale. Dans certaines zones, les partisans du FNL auraient conclu des alliances politiques provisoires avec des membres du Frodebu.

Le CNDD-FDD a remporté les élections à l’Assemblée nationale en 2005 ainsi que celles visant à pourvoir les postes de l’administration locale. Nkurunziza s’est présenté sans opposition à l’élection indirecte à la présidence. Le CNDD-FDD a cependant échoué à constituer un bloc parlementaire suffisamment large pour imposer des amendements à la constitution. Le Frodebu a remporté environ 25 pour cent des sièges à l’Assemblée nationale et l’Uprona 13 pour cent. Une fois la composition du nouveau gouvernement annoncée, le Frodebu et l’Uprona se sont plaints d’avoir obtenu trop peu de postes mais aucun changement n’a été apporté à la composition du gouvernement.5

Confronté à la poursuite des combats avec le FNL, le Président Nkurunziza a menacé les rebelles de « graves conséquences » s’ils n’entamaient pas des négociations de paix avant la fin du mois d’octobre.6

Lutte de pouvoir au sein du FNL

Le FNL a toujours rejeté un régime dirigé par un gouvernement dominé par des Tutsi mais avec Nkurunziza, un Hutu à la présidence et avec le CNDD-FDD, majoritairement hutu au pouvoir, il était possible d’espérer que le FNL serait plus disposé à participer à des négociations de paix. Les promesses répétées du FNL de négocier avec le gouvernement n’ont abouti à rien.7

Mi-septembre 2005, quatre-vingt-trois personnes prétendant appartenir au FNL ont dénoncé le manque de réelle volonté pacifique de leur chef, Agathon Rwansa. Dans une lettre adressée à la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies au Burundi, Carolyn McAskie, ils ont écrit :

Lorsque Rwasa affirme aux Burundais et à la communauté internationale qu’il va se lancer dans des négociations de paix, on nous affirme à nous qui participons à des réunions conduites par le secrétaire général du FNL, Jonas Nshimirimana que les négociations ne serviront à rien, que nous devons continuer le combat et prendre le pays par la force8.

Les signataires de la lettre ont affirmé qu’ils étaient prêts à débuter les négociations. Peu de temps après, sept membres du groupe ont été tués, apparemment sous les ordres de Rwasa et d’autres membres de son groupe.9 Début octobre, les signataires survivants, rejoints par environ cent autres personnes, se seraient réunis sur la colline de Muyira, dans la commune de Kanyosha et auraient suspendu Rwasa et son cercle rapproché. Ils ont choisi l’ancien vice-président du FNL, Jean-Bosco Sindayigaya pour être président d’un nouveau conseil du FNL afin de décider de l’avenir du mouvement et d’envisager des négociations de paix avec le gouvernement.10



[1] Le FDD est la branche militaire du CNDD-FDD.

[2] Voir « Victimes au quotidien : les civils dans la guerre au Burundi, » Un Rapport de Human Rights Watch, Décembre 2003, Vol. 15, No. 20 (A).

[3] Pour les élections directes à l’Assemblée nationale qui se sont tenues le 4 juillet, la compétition portait sur 100 sièges. Afin d’assurer la répartition ethnique des 60-40 pour cent, le quota de 30 pour cent pour les femmes et la représentation des Twa, 18 membres supplémentaires ont été cooptés après les élections.

[4] Constitution du Burundi, 2005, article 129.

[5] Agence Burundaise de Presse, « Deux partis dénoncent leur sous-représentation dans le gouvernement »,  1er septembre 2005.

[6] IRIN, Burundi, “Rwasa expelled as FNL leader,” 12 octobre 2005.

[7] BBC Monitoring, “Burundi rebel spokesman says group ready to negotiate,” 18 septembre 2005 et IRIN, “Rebels Willing to Negotiate Peace, But Only with Ethnic Leaders,” 15 septembre 2005.

[8] Lettre à SRSG Carolyn McAskie, ONUB et Ambassador Mamadou Bah, African Union, par Abanamarimwe et l’armé du FNL, 25 septembre 2005. Original à Kirundi, archivé à Human Rights Watch.

[9] Entretien conduit par Human Rights Watch, Bujumbura, 11 octobre 2005 et Umuco, « Au FNL-Palipehutu, Rwasa retourne le fusil contre ses opposants, » 3 octobre 2005.

[10] Entretien conduit Human Rights Watch, Bujumbura, 11 octobre 2005 et « Procès verbal de l’assemblée générale constituante des membres et fondateurs de Palipehutu-FNL qui s’est déroulée à Muyira, » Bujumbura, 8 octobre 2005, [en ligne].


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