Rapports de Human Rights Watch

Violations du droit international et de la loi rwandaise

L’usage de la force meurtrière contre des détenus fait l’objet de sévères restrictions au regard des normes internationales communément acceptées et appliquées par la plupart des Etats. Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu (1990) soulignent qu’il ne peut être recouru intentionnellement à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines.73 Dans le cas d’un détenu placé en garde à vue, ces circonstances comprendraient la « légitime défense ou la défense de tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave » ou le fait de prévenir l’évasion du détenu lorsque ce recours est indispensable pour « prévenir une infraction particulièrement grave mettant sérieusement en danger des vies humaines ».74

Les éléments que nous avons recueillis, notamment les explications officielles présentées par de hauts responsables de la police, semblent indiquer que les décès discutés dans le présent rapport ne répondent pas tous à ces critères, voire même qu’aucun d’entre eux n’y répond. Seules des enquêtes approfondies et impartiales, se fondant sur l’éventail le plus large possible de preuves médicolégales et de dépositions de témoins, peuvent déterminer si certains ou tous ces décès constituent des cas d’exécution extrajudiciaire. Ces cas violeraient le droit à la vie garanti par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont le Rwanda est un Etat partie, ainsi que la constitution rwandaise.75

Les déclarations des hauts fonctionnaires de police à propos de ces fusillades violaient la présomption d’innocence garantie par le PIDCP et la constitution rwandaise. Dans la mesure où les positions exprimées dans ces déclarations émanent généralement de policiers, le fait que des détenus soient abattus n’est pas surprenant et risque fort de continuer à moins que des mesures précises ne soient prises en vue de changer les comportements et de mettre un terme à ces morts.

La pratique de la peine collective est illégale tant en temps de paix qu’en temps de guerre. Elle constitue non seulement une grave violation du droit international humanitaire76 mais elle enfreint également le droit des droits humains en soumettant des personnes à des arrestations arbitraires et à des châtiments cruels, inhumains ou dégradants, et en violant la présomption d’innocence et le droit de toute personne à être jugée devant des tribunaux légitimes et impartiaux pour tout crime dont elle est accusée. Ces droits sont garantis aux citoyens du Rwanda par le PIDCP et la constitution rwandaise.77




73 Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, adoptés par le huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, 1990, principe 9.

74 Ibid et principe 16.

75 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), adopté le 16 décembre 1966, G.A. Res. 2200A (XXI), 21 U.N. GAOR Supp. (No. 16) at 52, U.N. Doc. A/6316 (1966), 999 U.N.T.S. 171, entré en vigueur le 23 mars 1976, art. 6; Constitution du Rwanda (2003), art. 12.

76 Lois et coutumes de la guerre sur terre (La Haye IV), 1907, art. 50 et Convention (IV) relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, Genève, 1949, Titre III, section I, dispositions communes, art. 33. L’imposition de punitions collectives survient très fréquemment en temps de guerre et est rare en temps de paix.

77 PIDCP, art. 7, 9, 14 (1 et 2) et 16; Constitution du Rwanda (2003), art. 19.