Rapports de Human Rights Watch

VI. Législation burundaise et internationale

La conduite des policiers à Rutegama constitue à plusieurs titres une violation de la législation burundaise et du droit international relatif aux droits humains, et elle devrait faire l’objet d’enquêtes et de sanctions appropriées.

Le Burundi est un Etat partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, qui tous deux établissent des interdictions de la détention arbitraire et du recours à la torture et à des traitements inhumains et dégradants. Le Burundi est aussi un Etat partie à la Convention des Nations Unies contre la Torture, qui oblige les Etats à interdire et à entreprendre les actions appropriées pour empêcher et sanctionner les actes de torture, et aussi les actes de traitement inhumain et dégradant. La torture dans le cadre de la Convention est définie comme « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne […]lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite».108

La Convention contre la torture exige que les Etats parties ouvrent rapidement une enquête impartiale s’il existe des motifs raisonnables de penser qu’un acte de torture a été commis.109 De plus, les Principes de l’ONU relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (2001) stipulent que « Même en l’absence d’une plainte formelle, il convient d’ouvrir une enquête si d’autres éléments indiquent que des actes de torture ou autres mauvais traitements ont été commis ».110 

Le droit national burundais ne prévoit pas actuellement de peines pour les actes de torture, sauf s’ils entraînent la mort où s’ils sont perpétrés dans le cadre d’un enlèvement.111 L’interdiction de la torture, toutefois, fait partie d’un nouveau code pénal proposé et soumis actuellement à l’Assemblée Nationale. Le droit pénal actuel interdit « les blessures corporelles volontaires » et prévoit une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison si la blessure est préméditée.112 Il interdit aussi l’extorsion de fonds effectuée sous la menace de la violence, passible de cinq ans d’emprisonnement.113 La loi de 2004 sur la création, l’organisation, les missions, la composition et le fonctionnement de la Police Nationale interdit aux policiers de faire usage de la force, sauf en cas de poursuite d’un objectif légitime ne pouvant être atteint sans la force.114

En plus de violer le droit national et international sur la torture, les blessures corporelles, l’extorsion et l’usage de la force, la conduite de certains policiers du GMIR à Kaniga a violé les dispositions du code de procédure criminelle burundais, et la loi de 2004 sur la Police Nationale relative à la procédure. Ces lois spécifient que seuls des officiers de la police judiciaire peuvent interroger des suspects. Les policiers du GMIR ne font pas partie de la police judiciaire.115  Le Commissaire général de la Police de la Sécurité intérieure a dit à Human Rights Watch que les fonctionnaires de la Police de la Sécurité avaient l’autorité pour détenir des suspects pendant 24 heures avant de les remettre à la police judiciaire, mais cette affirmation a été contestée par d’autres autorités de la police et un juriste expérimenté, qui a dit que les suspects doivent être remis à la police judiciaire « immédiatement » après leur détention.116 

Selon le droit burundais, les violations flagrantes de la procédure criminelle sont passibles non seulement de mesures disciplinaires internes, mais aussi de sanctions pénales. La conduite d’arrestations et de détentions illégales, par exemple, est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an.117




108Convention contre la torture, art. 1.

109 Convention contre la torture, art. 12.

110 Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Protocole d’Istanbul »), 9 août 1999. L’Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 55/89 du 22 février 2001, a attiré l’attention des gouvernements sur les Principes relatifs aux moyens d’enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Principes d’Istanbul) émanant du Protocole d’Istanbul.

111 Décret-loi no. 1/6 du 4 Avril 1981 portant réforme du code pénal, art. 145 et 171.

112 Décret-loi no. 1/6 du 4 Avril 1981 portant réforme du code pénal, art. 146.

113 Décret-loi no. 1/6 du 4 Avril 1981 portant réforme du code pénal, art. 189

114 Loi No. 1/020 du 31 décembre 2004 portant création, organisation, missions, composition et fonctionnement de la Police Nationale, art. 47.

115 Loi No. 1/020 du 31 décembre 2004 portant création, organisation, missions, composition et fonctionnement de la Police Nationale, art. 21 ; Loi No. 1/015 du 20 juillet 1999 portant réforme de code de procédure pénale, art. 58. L’ « OPJ» mentionné par plusieurs victimes dans ce rapport était Apollinaire Sindihokubwayo, un brigadier de la Police de la Sécurité qui a dit aux chercheurs de Human Rights Watch et du BINUB qu’il était autorisé à interroger des détenus parce qu’il avait « fait une formation» ; entretien Human Rights Watch/BINUB, Kaniga, 7 novembre 2007.

116 Entretiens de Human Rights Watch avec le Commissaire général de la Police de la Sécurité intérieure, Gabriel Nizigama, Bujumbura, 19 novembre 2007 ; le Commissaire général de la Police Judiciaire, Deo Suzuguye, Bujumbura, 20 novembre 2007; et un avocat burundais bien informé des procédures policières , Bujumbura, 23 novembre 2007.

117 Loi No. 1/015 du 20 juillet 1999 portant réforme du code de procédure pénale, art. 57 ; Décret-loi no. 1/6 du 4 avril 1981 portant réforme du code pénal, art. 392. Selon la première,  « La rétention ne peut intervenir que dans les cas, selon les modalités et pour les fins que la loi détermine. La rétention effectuée hors ce cas constitue un des faits visés aux articles 171 ou 392 du Code Pénal, selon le cas. »