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Les attaques contre l’éducation en période de guerre se multiplient à l’échelle mondiale

Le conflit en Palestine et d’autres conflits majeurs sont à l’origine d’une grande partie de cette augmentation

Une jeune fille de 14 ans regardait son ancienne école, endommagée par le conflit, à Dara'a Albalad, en Syrie, le 7 février 2022. © UNICEF/UN0635253/Shahan

Communiqué rédigé par la Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques (GCPEA), organisation partenaire de Human Rights Watch, et diffusé par Human Rights Watch.

(New York) – Environ 6 000 attaques contre l’éducation ont eu lieu en 2022 et 2023, soit une augmentation de près de 20 % par rapport aux deux années précédentes, a déclaré aujourd’hui la Coalition mondiale pour protéger l’éducation contre les attaques (Global Coalition to Protect Education from Attack, GCPEA) dans son nouveau rapport, intitulé « Education under Attack 2024 » (version abrégée en français « L’éducation prise pour cible 2024 »). Plus de 10 000 élèves, enseignants et universitaires ont été blessés ou tués lors de ces attaques, qui ont eu lieu dans le cadre de conflits armés à travers le monde.

Au cours des deux dernières années, les chercheurs de la GCPEA ont enregistré le plus grand nombre d'attaques contre l'éducation en Palestine, en Ukraine et en République démocratique du Congo (RDC). Dans chacun de ces pays, des centaines d’écoles ont été menacées, pillées, incendiées, ciblées par des engins explosifs improvisés, ou bien touchées par des bombardements ou des frappes aériennes. Les attaques ont augmenté dans la Palestine, le Soudan, la Syrie et l’Ukraine, tandis que la GCPEA a observé une tendance à la baisse en République centrafricaine, en Libye, au Mali et au Mozambique.

« Dans des endroits comme Gaza, outre les terribles pertes de vies humaines, l'éducation elle-même est prise pour cible », a déclaré Lisa Chung Bender, directrice exécutive de la GCPEA. « Les systèmes scolaires et universitaires ont été fermés, et dans certains cas complètement détruits. Cela aura des conséquences à long terme sur la reprise sociale et économique, dans la mesure où les infrastructures nécessaires à la paix et à la stabilité ont été ciblées. »

Outre les morts et les blessés, les attaques contre l’éducation ont endommagé ou détruit des centaines d’établissements scolaires, entraînant des fermetures temporaires ou permanentes, et des semaines ou des mois d’apprentissage perdu. Certains élèves ont également subi des dommages psychologiques dus aux attaques ou craignaient de retourner à l'école, a constaté la coalition. Les filles et les élèves handicapés ont été particulièrement touchés par les attaques contre l’éducation, ces deux groupes éprouvant de plus grandes difficultés à reprendre leur apprentissage après les attaques.

Les chercheurs ont enregistré plus de 475 attaques contre des écoles en Palestine en 2023, bon nombre impliquant des frappes aériennes et terrestres avec des armes explosives. Les attaques ont atteint leur apogée après l'escalade des hostilités en octobre, lorsque des combattants dirigés par le Hamas ont mené une attaque à grande échelle contre Israël et que les forces armées israéliennes ont mené une offensive militaire intensive dans la bande de Gaza. Les attaques se sont poursuivies jusqu’en 2024 ; à Gaza, toutes les universités et plus de 80 % des écoles avaient été endommagées ou détruites en avril, selon le site Occupied Palestinian Territory Education Cluster.

Les armes explosives, qui ont été utilisées dans environ un tiers de toutes les attaques contre l’éducation signalées dans le monde en 2022 et 2023, ont eu des effets particulièrement dévastateurs, tuant ou blessant d’innombrables élèves et éducateurs, et endommageant des centaines d’écoles et d’universités. Pour ne citer qu’un exemple, des fragments d’une attaque contre un dortoir pour femmes de l’université d’El Geneina, dans l’ouest du Darfour, au Soudan, ont rendu une femme aveugle d’un œil en juin 2023.

Les attaques contre l’éducation sont menées par des forces armées ainsi que des groupes armés non étatiques qui bombardent et incendient des écoles et des universités, et tuent, blessent, violent, enlèvent, arrêtent arbitrairement et recrutent des élèves et des éducateurs dans ou à proximité d’établissements d’enseignement, pendant un conflit armé. Dans certains cas, les écoles de filles et les étudiantes sont attaquées pour tenter d’empêcher les filles d’apprendre et de participer à l’éducation. Dans d'autres cas, les écoles, les élèves et les éducateurs subissent des violences aveugles ou sont ciblés pour des raisons politiques, militaires, idéologiques ou autres.

Les forces armées et les groupes armés non étatiques occupent également des écoles et des universités, par exemple pour les utiliser comme casernes, centres de détention ou positions de tir, mettant ainsi les élèves en danger et violant leur droit à l’éducation. L’utilisation des écoles à des fins militaires expose les établissements d’enseignement à un risque accru d’attaque par des forces ou des groupes opposés.

Les élèves, les enseignants et le personnel éducatif continuent d’être ciblés. Au Nigeria, les enlèvements d’élèves et d’enseignants se sont poursuivis au cours de la période considérée, même si le taux de ces attaques a diminué par rapport aux années précédentes. Pendant ce temps, un grand nombre d’élèves et d’éducateurs ont été menacés, enlevés, blessés ou tués en Palestine, au Cameroun et en Irak en 2022 et 2023.

Les parties aux conflits armés ont également ciblé les écoles pour recruter des enfants en RDC, en Somalie, en Syrie et au Yémen. En Colombie, au moins 25 élèves ont été recrutés dans des écoles ou le long des parcours scolaires en 2022 et 2023, dont bon nombre étaient des élèves autochtones. Les forces armées, les forces de sécurité ou les groupes armés auraient également été responsables de violences sexuelles dans les écoles et les universités, ou sur le trajet de celles-ci, dans au moins huit pays, dont le Cameroun, le Niger et le Soudan du Sud.

Les attaques contre les écoles ont représenté plus de la moitié de tous les cas d’attaques contre l’éducation et d’utilisation militaire identifiées par la coalition. L'Ukraine et la Palestine ont été les pays les plus touchés, l'Ukraine ayant connu environ 700 attaques contre des écoles et la Palestine au moins 640 en 2022 et 2023, suivies par la RDC, le Burkina Faso et le Yémen. Après l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine en février 2022, des frappes aériennes, des bombardements et des attaques de drones ont endommagé des écoles, y compris des établissements accueillant des élèves aveugles ; l’est et le sud de l’Ukraine étant particulièrement touchés.

L’utilisation militaire des écoles et des universités par les forces armées et les groupes armés non étatiques a considérablement augmenté en 2022 et 2023. La coalition a collecté plus de 1 000 rapports faisant état d’écoles ou d’universités occupées dans 30 pays, soit une augmentation à la fois du nombre d’incidents et des contextes touchés. En comparaison avec le rapport « L’Éducation prise pour cible 2022 », qui signalait environ 570 cas de ce type, des augmentations ont été signalées en Afghanistan, en Colombie, au Nigéria, au Soudan et ailleurs.

Les bâtiments universitaires, les étudiants et les universitaires ont également fait l’objet de tirs au cours des deux dernières années, avec plus de 360 incidents signalés. Un quart des attaques signalées concernaient des établissements universitaires, tandis que le reste visait des étudiants et du personnel. Environ 760 étudiants et membres du personnel universitaire ont été blessés, enlevés ou tués, tandis que plus de 1 700 ont été détenus ou arrêtés.

Les chercheurs de la GCPEA ont également découvert des liens préjudiciels entre le changement climatique et les attaques contre l’éducation. Par exemple, au Burkina Faso et au Mali – où la désertification, la dégradation des terres et les conflits sont liés de manière complexe – des groupes armés ont pris pour cible les cafétérias et les cantines scolaires pour piller les réserves de nourriture.

Au mois de mai 2024, 120 pays avaient déjà adopté la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, un engagement politique visant à protéger l’éducation dans les conflits armés. En signant la Déclaration, les pays s'engagent à prendre des mesures concrètes pour sauvegarder l'éducation, notamment en faisant respecter le droit international humanitaire et le droit relatif aux droits humains, et en utilisant les Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l'utilisation militaire pendant les conflits armés. Conformément à la Déclaration, certains gouvernements et leurs partenaires ont apporté des améliorations concrètes sur le plan juridique et dans la pratique, par exemple en émettant des ordres militaires interdisant aux forces armées d'utiliser les écoles à des fins militaires.

« En moyenne, huit attaques contre l'éducation ont été enregistrées quotidiennement au cours des deux dernières années, ce qui signifie qu'un nombre effarant d'élèves n'ont pas pu réaliser leurs rêves d'apprendre ou de développer les compétences que promet une éducation », a conclu Jerome Marston, chercheur principal à la GCPEA. « Les écoles devraient être des refuges et non des cibles, c'est pourquoi tous les gouvernements devraient approuver la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. »

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