Africa - West

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    X. EXPANSION DU PROGRAMME DES GARDIENS DE LA PAIX

Lorsque les activités des rebelles ont commencé à diminuer dans certaines régions du Burundi en 1999, les autorités ont autorisé certains gardiens à cesser leur service. Mais lorsque les rebelles des FNL ont attaqué en force, près de la capitale Bujumbura en septembre et octobre 2000, les autorités militaires ont rapatrié des centaines de Gardiens de la Paix du sud afin de renforcer les troupes régulières. Des récompenses substantielles furent promises aux gardiens s'ils chassaient les rebelles de Gitenga, dans la commune de Kabezi mais les gardiens subirent des pertes importantes lors des affrontements avec des rebelles endurcis au combat.64

Lors d'une attaque plus sérieuse contre la capitale en février 2001, les rebelles ont pris et brièvement contrôlé la zone de Kinama. Un nombre accru de rebelles basés au Congo sont rentrés au Burundi à ce moment-là, apparemment en partie parce qu'ils prévoyaient que le gouvernement du Congo allait cesser de leur accorder son appui. Le nouveau Président du Congo, Joseph Kabila, installé au pouvoir en janvier 2001 subissait d'importantes pressions internationales pour qu'il cessât d'apporter son aide aux rebelles burundais, ses alliés dans la guerre contre le Rassemblement Congolais pour la Démocratie et le Rwanda. Les rebelles basés dans les camps de réfugiés burundais en Tanzanie ou dans les environs de ces camps ont aussi multiplié les incursions de l'autre côté de la frontière, donnant ainsi une nouvelle intensité à la guerre.

En réaction à ce nouveau défi militaire lancé par les mouvements rebelles, les autorités burundaises ont commencé à étendre le programme des Gardiens de la Paix en mars et avril 2001. Elles ont organisé des programmes de formation à travers pratiquement tout le pays, notamment dans des parties de Rutana, Ruyigi, Cankuzo, Muyinga, Kirundi, Karuzi et Mwaro, en utilisant, dans certains endroits, des gardiens expérimentés des provinces du sud pour aider à la mobilisation des jeunes gens. Elles ont ensuite étendu un programme existant dans Bujumbura-rural. Le gouvernement n'a publié aucun chiffre total sur le nombre de gardiens au Burundi mais dans une lettre en date de début septembre 2001, un commandant burundais, très au fait de ce programme, a écrit qu'environ 30 000 Burundais avaient reçu une formation militaire comme Gardiens de la Paix.65 Des informations recueillies localement indiquent qu'il pourrait y avoir au moins 5 000 gardiens dans la province de Bururi, 1 000 de plus à Makamba et des centaines dans chacune des autres provinces où des groupes étaient en cours de constitution mi-2001.66

Dans certaines zones, des gardiens ont reçu de nouvelles armes d'assaut, le FAL ou fusil automatique léger afin de remplacer les vieilles kalachnikovs qu'ils utilisaient. Les gardiens ont joué aussi un rôle de plus en plus important comme soldats de substitution. Déployés en plus grand nombre que les troupes régulières et à l'avant de celles-ci, les gardiens ont essuyé de lourdes pertes au combat, des douzaines d'entre eux étant tuées au cours des seuls mois de juin et juillet 2001.67 Les autorités qui par le passé ont minimisé le rôle des gardiens, en particulier au combat, se sont mises à reconnaître peu à peu l'importance de leur contribution.68 Un officier militaire de haut rang a ainsi déclaré en parlant des gardiens : "Ils ont déjà tué beaucoup de rebelles. Ils font du bon travail."69 Lors d'une réunion publique à Bubanza, début septembre 2001, le Président Buyoya a félicité les Gardiens de la Paix pour leur succès contre les rebelles.70

Les mouvements rebelles ont répondu à l'importance accrue donnée aux gardiens en lançant contre eux, une campagne d'intimidation. Dans la commune de Kabezi, province de Bujumbura-rural, les FNL auraient pris pour cibles des hommes en cours de formation pour devenir des gardiens. Le 26 juin 2001, quatre hommes furent tués dans la nuit : Pierre Minani ; les fils de Coga, appelés Paul et Kabwana et Nyamuda, le fils de Nsengiyumva. Les assaillants, dont on pense qu'ils étaient des combattants des FNL, ont abandonné les corps sur la route principale, près de la rivière Karonke, apparemment pour servir d'avertissement public aux autres gardiens. Selon des résidents locaux, certaines des recrues au moins ont refusé d'assister à d'autres sessions de formation, après ces meurtres.71 Dans les régions plus au sud dans lesquelles les FNL étaient fortes, ils ont fait circuler des tracts, en juin et juillet, menaçant les gardiens et leurs familles. Dans l'un de ces tracts signé par Anicet Ruyego en tant que "commandant" de la région de Bururi, les FDD ont averti que les attaques contre les gardiens allaient augmenter et qu'ils allaient capturer ces derniers et les tuer. Les FDD ont également interdit aux gardiens de cultiver leurs champs et ont demandé aux autres personnes, dans la communauté, de couper tout lien avec ceux qui servaient comme gardiens.72

Dans une région au moins, les autorités militaires ont averti les gardiens que s'ils désertaient leurs postes, ils subiraient, ainsi que leurs familles, des sanctions, voire une exécution.73 Un petit nombre de gardiens a néanmoins pris la fuite pour rejoindre les rebelles. Plusieurs en provenance des communes de Giharo et Bukemba, dans la province de Rutana auraient franchi la frontière avec la Tanzanie et dix-sept autres de la commune de Rumonge ont rejoint les rangs des FDD. D'autres ont remis des munitions aux rebelles, soit en échange d'argent, soit contre l'assurance qu'ils seraient en sécurité s'ils rencontraient, à l'avenir, des rebelles. D'autres, affirmant qu'ils craignaient un risque accru de mourir au combat, se sont déplacés vers d'autres régions du pays dans lesquelles ils ont trouvé refuge auprès de membres de leurs familles ou d'amis.74

64 Entretiens conduits par Human Rights Watch, juin et juillet 2001.

65 Lettre lue par les enquêteurs de Human Rights Watch, 27 septembre 2001.

66 Entretiens conduits par Human Rights Watch, juin et juillet 2001.

67 Entretiens conduits par Human Rights Watch, juin et juillet 2001.

68 Agence Burundaise de Presse, Informations, No. 1282, 31 mai 2001 ; No 1284, 2 juin 2001 et No. 1313, 21 juin 2001.

69 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bujumbura, 15 juin 2001.

70 Agence Burundaise de Presse, Informations, no. 1429, 7 septembre 2001.

71 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bujumbura, 27 juillet 2001.

72 Tract archivé à Human Rights Watch.

73 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bujumbura, Juin 2000.

74 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bujumbura, 29 septembre, 4 et 7 octobre, 2000 ; juin, juillet et août 2001.

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