Africa - West

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    XI. "AUTODÉFENSE CIVILE" EN ZONES URBAINES

Depuis le début de l'année 2000, la violence contre les personnes et les biens s'est accrue dans de nombreux quartiers de Bujumbura. Dans certains cas, les assaillants avaient apparemment des motivations politiques : des rebelles basés dans les collines qui surplombent la ville ont lancé des raids pour intimider les habitants et mettre en évidence leur présence, autant que pour acquérir des biens. Des groupes de soldats ont attaqué des quartiers qu'ils soupçonnaient de sympathie avec les rebelles et ont "puni" leurs habitants pour leur supposée loyauté à la cause rebelle en les tuant, les blessant et en leur volant leurs biens. Dans certains cas, rebelles armés ou soldats étaient accompagnés d'une foule de civils qui s'étaient joints à eux pour emporter le butin. Compte tenu des conditions de pauvreté extrême et de protection policière inadaptée, des bandes criminelles armées ont aussi opéré librement, apparemment pour leur propre profit et sans motivations politiques.

A la mi-2000, des personnalités officielles locales, dans la zone nord de Kinama habitée principalement par des travailleurs hutu relativement pauvres, ont mis au point une variation urbaine du programme des Gardiens de la Paix. Ils ont recruté environ cent jeunes hommes sans emploi ou seulement avec une activité professionnelle occasionnelle. Certains, mais peu, étaient d'anciens combattants rebelles. Les plus jeunes avaient seize ans mais la plupart avaient dix-huit, dix-neuf ans ou avaient tout juste la vingtaine.75 Les recrues étaient formées par des soldats ou des gendarmes pendant deux mois et ils avaient appris à tirer avec des kalchnikovs. Puis, ils patrouillaient leur section de la ville, de nuit, utilisant des armes mises à disposition par le poste militaire local où ils les rapportaient le matin. Ils opéraient en théorie sous l'autorité du responsable administratif local mais ils étaient, en fait, le plus souvent, sous la supervision des soldats avec lesquels ils patrouillaient, marchant souvent à l'avant de ces soldats. Les soldats retournaient souvent à leurs postes au tout début de la nuit, laissant les auxiliaires patrouiller seuls.76 Les autorités ont institué un programme similaire, fin 2000, à Buterere, qui est aussi un quartier habité par des travailleurs sans moyens. Cinquante recrues ont alors commencé à patrouiller le coin, de jour comme de nuit, armées d'armes automatiques.77

A Kinama, les autorités ont demandé aux habitants de verser une contribution mensuelle de 500 francs burundais (environ 60 cents) afin que les participants au programme puissent recevoir un salaire de 5 000 francs burundais. Le montant fixé, équivalent au coût de plusieurs livres de riz ou régimes de bananes, représentait une charge considérable pour ces habitants pauvres. Plusieurs d'entre eux se sont plaints que leur contribution n'avait pas eu pour effet d'améliorer la sécurité.78 "Il y a deux camps militaires majeurs et d'autres petits postes dans toute la zone", a remarqué un habitant. "Pourquoi les responsables de la sécurité ne font-ils pas le travail eux-mêmes ?"79 Des personnalités officielles ont prétendu que la présence des patrouilles avait augmenté la sécurité à Kinama mais dans la phase initiale de l'opération, à peu près le même nombre d'attaques criminelles a été enregistré que lors de la période qui a immédiatement précédé le début des patrouilles. Le succès ne fut pas plus flagrant en matière d'appréhension des assaillants.80

A peu près au même moment, des officiers ont remis en vigueur le programme de formation au maniement des armes, à destination des Tutsi civils, programme qui avait été offert de façon discontinue depuis 1997. Certaines des personnes ainsi formées ont aussi rejoint les soldats pour patrouiller dans leurs quartiers ou ont patrouillé de leur propre initiative, parfois encadrées par un ancien soldat ou un soldat à la retraite vivant lui-même dans le quartier.81

75 Voir plus bas pour des informations sur les enfants âgés de quinze ans et moins qui participaient au programme en 2001.

76 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bujumbura, 20, 21 et 28 juillet et 22 août 2000.

77 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bujumbura, 6 mars 2001.

78 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bujumbura, 22 août et 6 septembre 2000.

79 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bujumbura, 28 juillet 2000.

80 Entretien conduit par Human Rights Watch, Bujumbura, 8 août 2000 ; Jamaa Info, "Situation sécuritaire en alerte," no.6, juillet-août 2000.

81 Entretiens conduits par Human Rights Watch, Bujumbura, 15 juin 2001.

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