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RD Congo: Aide-mémoire à l’Intention des Parlementaires sur le Projet de Loi Créant une Cour Spécialisée Mixte en République Démocratique du Congo

1.Pourquoi ce projet de loi est-il important et devrait être adopté rapidement par le parlement ?

2. Comment ce projet de loi a-t-il été rédigé ? A-t-il fait l’objet de consultations ?

3. Quels sont les éléments essentiels de ce projet de loi ?

a. Création d’une cour spécialisée en vertu de l’article 149 de la Constitution :

b. Une cour ayant le potentiel de siéger au plus près des victimes :

c. Présence de personnel international dans la cour :

d. Compétence temporelle de la cour :

e. Création d’une unité spécialisée pour les victimes et les témoins :

4.Quelles améliorations le parlement pourrait-il encore considérer ?

a.Révision de la peine applicable pour les crimes de la compétence de la cour

b.Présence de personnel international garantie au sein du Ministère public :

c. Ajout d’un article prévoyant une stratégie de retrait du personnel international :

d. Fonctions de l’unité spéciale d’enquête et du greffe de la cour spécialisée :

5. Quel est le lien entre ce projet de loi et la proposition de loi de mise en œuvre du statut de Rome de la CPI ?

1. Pourquoi ce projet de loi est-il important et devrait être adopté rapidement par le parlement ?

Le projet de loi gouvernemental qui vient d’être soumis à l’attention des parlementaires propose la mise en place d’une cour spécialisée mixte au sein du système judiciaire congolais (cette cour pourra être composée de plusieurs chambres spécialisées). Cette cour sera compétente pour juger les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de génocide commis sur le territoire de la République Démocratique du Congo (RDC) depuis 1990. La cour sera composée de personnel judiciaire congolais (issus des systèmes judiciaires civils et militaires) et de personnel et experts internationaux ayant une expertise spécifique dans la poursuite de ces graves crimes internationaux.

Le travail de la cour spécialisée mixte viendra compléter celui de la Cour Pénale Internationale (CPI) en RDC. En effet, la cour spécialisée pourra juger les crimes commis avant l’entrée en vigueur du traité créant la CPI en 2002, pour lesquels la CPI n’est pas compétente. Pour les crimes commis après 2002, il convient de rappeler que les ressources de la CPI sont limitées et qu’elle ne peut traiter que d’un petit nombre d’affaires. La cour spécialisée pourra donc juger ceux qui se rendent coupables de crimes graves en RDC et ne font pas l’objet de poursuites devant la CPI.

Il est également important de noter que le gouvernement ne propose pas, dans ce projet de loi, que la cour spécialisée mixte soit exclusivement chargée de juger tous les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de génocide commis en RDC. La cour proposée sera dotée d'une compétence première (c’est-à-dire qu’elle pourra se saisir en priorité des affaires qu’elle souhaite poursuivre) mais partagée avec les cours ordinaires qui seront compétentes pour juger ces crimes (article 16). La cour devrait se concentrer sur ceux qui portent la plus grande responsabilité pour les crimes. Ce partage des compétences est important afin que les cours ordinaires puissent continuer à poursuivre de simples soldats, par exemple, et afin que ces cours puissent aussi bénéficier de l’existence de la cour spécialisée pour améliorer leurs compétences en matière de poursuites des crimes les plus graves. A cet égard, il sera important que le parquet de la cour prépare une stratégie de poursuites afin d’identifier les affaires qu’elle souhaite poursuivre en priorité et afin de maximiser son interaction avec les cours ordinaires.

Ce projet de loi est d’une importance capitale pour combattre les cycles de violence sans justice qui se succèdent en République Démocratique du Congo.

Le rapport du Projet Mapping des Nations Unies, publié en octobre 2010, témoignait de la gravité et de l’échelle des exactions commises sur l'ensemble du territoire de la RDC, ainsi que de la nécessité que celles-ci soient punies. Les violations graves des droits humains se poursuivent malheureusement sans relâche à l’est du pays, parmi lesquelles des meurtres, des viols de masse de femmes et de jeunes filles, des pillages et du travail forcé. Les mesures prises jusqu’à présent pour lutter contre l’impunité n’ont pas été suffisantes, ainsi que le démontre le fait que ces atrocités continuent.

En proposant d’établir un mécanisme judiciaire robuste, la cour spécialisée mixte, le gouvernement prend une initiative courageuse et concrète qui doit être soutenue avec force et conviction par les parlementaires. En prenant l’initiative de créer cette cour, le gouvernement et le parlement congolais affirmeront avec force que la RDC est prête à prendre ses responsabilités en droit international, qui prévoit en effet que c’est aux Etats qu’incombe la responsabilité première de poursuivre les crimes graves commis sur leurs territoires.

 L’adoption rapide de ce texte de loi constituerait un avertissement clair que les atrocités ne seront plus tolérées, notamment à l’encontre des forces armées présentes à l’est du pays, parmi lesquelles des éléments des FDLR, du FNL et de la LRA, qui se livrent à des abus contre les populations. L’adoption de cette loi montrera également aux victimes que le gouvernement et leurs représentants au parlement ne les oublient pas et sont déterminés à contribuer à mettre fin à leurs souffrances. Nos organisations sont convaincues que l’établissement d’une cour spécialisée mixte pour juger ceux qui se rendent coupables de crimes graves en République Démocratique du Congo, qu’ils soient congolais ou étrangers, participera utilement à l’établissement d’une démocratie et d’une paix durables en RDC et dans la région des Grands Lacs.

Cette cour mixte sera moins onéreuse et plus rapide à mettre en place qu’un tribunal pénal international. De plus, elle pourrait profiter au système judiciaire congolais à long terme en renforçant les capacités nationales pour traiter de ces crimes les plus graves. La cour a donc le potentiel de contribuer aux efforts plus généraux du gouvernement de réformer et renforcer le système judiciaire congolais.

2. Comment ce projet de loi a-t-il été rédigé ? A-t-il fait l’objet de consultations ?

La version initiale du projet de loi a été rédigée par le Ministère de la Justice, en prenant en considération notamment des documents fournis par la Coalition Congolaise pour la Justice Transitionnelle à la suite des travaux de l'atelier de 2005 au Centre Nganda à Kinshasa sur les chambres mixtes. C'est le gouvernement qui a pris l'initiative de proposer la création de cette cour et a ensuite joué un rôle proactif pour faire avancer la rédaction du texte. Le ministère a ensuite organisé des consultations et recueilli les commentaires et suggestions des partenaires internationaux et de la société civile. La version initialement adoptée par le conseil des ministres le 25 février 2011 a été formellement envoyée à la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais pour commentaires. Des organisations non-gouvernementales internationales et congolaises (en provenance des onze provinces du pays) se sont réunies à Goma entre le 6 et 8 avril 2011 pour examiner le texte et ont adopté une Position Commune récapitulant les changements essentiels qu’elles voulaient voir apportés au projet (la position commune peut être consultée sur ce site : https://www.hrw.org/fr/node/98070). Ce processus de consultations, long mais très substantiel, a abouti à une version révisée et améliorée du projet de loi, récemment adoptée par le conseil des ministres, qui l'a maintenant soumise à l’examen des parlementaires.

Les organisations signataires de cet aide-mémoire se félicitent de l’ouverture dont le Ministre de la Justice et des Droits Humains a fait preuve au cours de ce processus et soutiennent le texte actuel, à quelques conditions (voir la section 4 ci-dessous).

3. Quels sont les éléments essentiels de ce projet de loi ?

Nous souhaitons attirer l’attention des parlementaires sur quelques éléments particulièrement importants et positifs contenus dans le texte soumis à leur examen. Nos organisations sont convaincues que les caractéristiques ci-dessous sont essentielles pour garantir la mise en place d’une cour véritablement efficace, crédible et indépendante et doivent donc être appuyées et préservées pendant la relecture parlementaire.

a. Création d’une cour spécialisée en vertu de l’article 149 de la Constitution :

Le projet de loi précise que la cour spécialisée est créée en vertu de l’article 149 de la Constitution qui autorise la loi à créer des « juridictions spécialisées. » La cour proposée possède en effet les caractéristiques d’une telle juridiction : elle ne traitera que d’un contentieux particulier (celui ayant trait aux crimes graves de droit international), elle aura une composition spéciale (en permettant la présence de personnel judiciaire civil et militaire et de personnel international) et appliquera un certain nombre de procédures pénales particulières (par exemple en ce qui concerne la protection des témoins).

La création d’une telle juridiction spécialisée est nécessaire et importante pour diverses raisons. Tout d’abord, cela permettra de contribuer à garantir l’indépendance de l’institution au sein du système judiciaire et vis-à-vis du pouvoir exécutif. Ensuite, la cour ainsi créée aura une visibilité accrue. La cour bénéficiera d’une structure centrale basée à Kinshasa et composée d’un premier président, d’un avocat général et d’un greffier uniques, qui seront responsables des chambres spécialisées qui pourraient ensuite être mises en place (article 2). Cela permettra une approche harmonieuse et commune de la stratégie des poursuites, de la protection des témoins et de certains aspects administratifs.

Enfin, le caractère « spécialisé » de l’institution, en vertu de l’article 149 de la constitution, transcende les divisions ordinaires entre le système judiciaire civil et militaire. Comme précisé plus haut, le personnel de la cour sera issu des deux systèmes et la cour sera compétente pour juger un nombre limité de crimes (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide) indifféremment du statut de leurs auteurs.

b. Une cour ayant le potentiel de siéger au plus près des victimes :

L’article 2 du projet de loi à l’examen prévoit que la cour pourra se composer « d’une ou plusieurs chambres spécialisées de première instance et d’une chambre spécialisée d’appel. » Ainsi, on peut imaginer qu'une chambre soit localisée à proximité du lieu où les faits qu’elle juge ont été commis. Ceci serait très positif pour permettre un meilleur accès à la justice aux victimes et citoyens congolais. On pourrait également imaginer que la cour spécialisée ait une certaine mobilité et siège en audiences « foraines » afin de faciliter cette proximité. Cette pratique a déjà été testée avec succès dans certaines provinces.

c. Présence de personnel international dans la cour :

Le projet de loi soumis à l’examen des parlementaires prévoit la participation de personnel international dans le travail de la cour. Des juges internationaux seront présents dans les chambres de première instance et d’appel (voir article 3), pourraient être recrutés au sein du parquet (voir article 7) ainsi que pour toute autre fonction au sein de la cour (voir article 11).

L’inclusion officielle d’experts non-congolais au sein de la cour spécialisée vise à renforcer le travail de la cour. Elle aidera les magistrats congolais à gérer au mieux le contentieux de la cour, au vu de l’extrême complexité des crimes concernés et de la faiblesse structurelle actuelle du système judiciaire congolais.

Juger les crimes de guerre, crimes contre l’humanité, et actes de génocide est compliqué pour un certain nombre de raisons. Les auteurs peuvent être des individus qui ont occupé ou occupent encore des postes élevés et ont du pouvoir, et donc la possibilité d’exercer des pressions sur le personnel judiciaire. Poursuivre des individus qui pourraient avoir ordonné le crime plutôt que l’avoir commis en personne ou qui sont responsables en vertu de leur responsabilité de commandement est une tâche ardue. En effet, l’expérience devant les tribunaux internationaux, y compris le tribunal pénal international pour le Rwanda et le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone, montre qu’il faut une expérience considérable en matière d’enquêtes et de stratégie de poursuites pour prouver le lien entre les actes commis sur le terrain et les ordres ou l’assentiment émanant des supérieurs. Tout aussi cruciale est la capacité d’organiser des procédures judiciaires qui apportent des garanties en matière de procès équitable, sans ingérence politique, ainsi que la capacité de garantir la sécurité des témoins et du personnel judiciaire.

Il est important de recruter du personnel non-congolais qualifié, expérimenté, consciencieux et démontrant une véritable volonté de transmettre leurs connaissances et expertise au personnel national. Des magistrats et procureurs africains non-congolais, ayant participé au travail des tribunaux pénaux internationaux ou de la CPI, en particulier, devraient être encouragés à participer. Il faut souligner que la présence de personnel non-congolais ne devrait être que temporaire (voir ci-dessous section 4).

Le personnel congolais jouera évidemment un rôle capital au sein de la cour. Il apportera sa connaissance des causes historiques des conflits, sa compréhension du contexte culturel et son expertise en matière de droit et de procédure pénale congolais. Une réelle collaboration entre le personnel national et international sera indispensable pour un fonctionnement efficace de la cour spécialisée mixte.

La version officiellement transmise au Sénat par le gouvernement prévoit que la présence de personnel international au sein du ministère public est possible mais pas garantie (article 7). Nos organisations souhaitent que les parlementaires démontrent leur volonté de faciliter une présence internationale robuste dans tous les organes de la cour en rendant cette présence obligatoire parmi les procureurs, enquêteurs et avocats généraux (voir section 4 ci-dessous.)

d. Compétence temporelle de la cour :

L’article 38 du projet de loi prévoit que « la cour exerce sa compétence à l’égard des crimes commis à partir de 1990. » Nos organisations se félicitent de la volonté clairement affichée dans ce texte de faire de la cour spécialisée un instrument de lutte contre l’impunité non seulement en relation avec les crimes du passé mais également avec les crimes graves qui continuent d’être commis en RDC. Ceci est absolument essentiel pour combattre efficacement les violences actuelles et pour que la cour soit un mécanisme pleinement dissuasif.

e. Création d’une unité spécialisée pour les victimes et les témoins :

L’article 3 du projet de loi prévoit la création au sein du greffe d’une « division ou une section d’aide aux victimes et aux témoins. » Nos organisations se félicitent de cette innovation. L’expérience auprès des tribunaux pénaux internationaux et lors de procédures nationales démontre que les procès traitant de crimes graves internationaux — du fait de la gravité des crimes et de leur impact dévastateur sur les victimes — sont particulièrement éprouvants pour les victimes et les témoins qui y participent. Ceux-ci peuvent être confrontés à des risques sérieux pour leur sûreté physique et leur bien-être psychologique et mental. La section proposée permettra de réunir et développer l’expertise nécessaire pour faire en sorte que les victimes et témoins puissent participer aux procédures devant la cour dans les meilleures conditions possibles.

4. Quelles améliorations le parlement pourrait-il encore considérer ?

a. Révision de la peine applicable pour les crimes de la compétence de la cour

Les articles 21, 23 et 25 du projet de loi présenté au Senat prévoient la peine de mort pour les crimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, respectivement. Nos organisations sont catégoriquement opposées à la peine de mort. La peine de mort est un châtiment fondamentalement cruel, inhumain et dégradant.

Nous appelons donc les membres du parlement à retirer la peine de mort et à la remplacer par des peines de réclusion criminelle commensurables à la gravité des crimes.

La rédaction des articles mentionnés ci-dessus semble de plus suggérer que la peine de mort est la seule peine pouvant être rendue par la cour spécialisée pour les crimes de sa compétence. Ce choix est difficile à comprendre et particulièrement inacceptable.

Si l'intention dans le texte est de prévoir que la peine de mort est la peine maximale, mais que le juge peut appliquer d'autres peines, cela devrait être clairement indiqué dans les travaux préparatoires.

Il serait plus clair d'inclure dans ces articles, au minimum, une fourchette de peines parmi lesquelles les juges pourraient choisir en fonction de la gravité des faits et du degré de responsabilité de chaque accusé, comme cela est le cas par exemple dans le code pénal militaire. En décrivant cette fourchette de peine, nos organisations suggèrent également qu'il soit fait référence à la "peine la plus sévère du code pénal congolais," plutôt qu'à la peine de mort explicitement.

Nos organisations notent de plus que la peine de mort fait l'objet d'un moratoire de facto en RDC depuis des années. Insister pour que la peine de mort soit la seule peine disponible pour la cour spécialisée, alors que c'est une sanction non seulement cruelle et inhumaine, mais désuète et inappliquée en RDC du fait du moratoire de fait, serait donc particulièrement illogique.

Nous demandons également aux parlementaires d’inclure un article dans la loi prévoyant explicitement que le gouvernement peut substituer toute peine de mort prononcée par la cour par une peine de prison commensurable à la gravité des crimes commis, dans le respect des standards internationaux.

Nos organisations soulignent qu'il serait irresponsable de la part du gouvernement et des parlementaires d'insister sur la peine de mort comme peine unique car cela pourrait menacer la mise en place même de la cour spécialisée mixte. Il est en effet difficile d'imaginer que les partenaires en développement seront en mesure de soutenir une cour ne pouvant appliquer comme seule peine la peine de mort, ni que du personnel international souhaitera être associé au travail d'une telle cour.

b. Présence de personnel international garantie au sein du Ministère public :

L'article 7 du projet de loi prévoit que "le Procureur General, les Avocats généraux, les Substituts du Procureur General sont des magistrats de carrière de nationalité congolaiseou étrangère." Le texte autorise donc la présence de personnel étranger au parquet de la cour spécialisée sans la garantir.

Cette participation internationale est pourtant importante pour le succès de la cour spécialisée.

C'est en effet au parquet qu'incombent des fonctions essentielles telles que: le choix des affaires à poursuivre, la conduite des enquêtes et la collecte des preuves, et la préparation des affaires pour les poursuites. Comme expliqué plus haut, cette phase du processus judiciaire est particulièrement délicate et requiert une expérience et expertise spécifique pour les crimes internationaux graves. Si les enquêtes présentent des déficiences, font l'objet de pressions politiques ou ne parviennent pas à prouver la chaîne, de commandement menant à l'accusé, alors la présence de magistrats internationaux dans les chambres seulement ne sera d'aucune assistance.

Nos organisations notent que la présence internationale n'a pas besoin d'être garantie dans les textes pour être mise en œuvre en pratique. Par exemple, en Bosnie Herzégovine, le statut de la chambre mixte pour les crimes de guerre de Sarajevo ne prévoyait que la possibilité de recruter du personnel international, mais de facto cette présence a été garantie dès la mise en place de la chambre.

Toutefois, inclure cette garantie de présence internationale au sein du parquet directement dans le texte constituerait une démonstration ferme de la part des parlementaires de leur attachement à créer une institution judiciaire forte, efficace et indépendante.

Nos organisations appellent donc les parlementaires à remplacer la locution "ou" dans l'expression "de nationalité congolaise ou étrangère" par la locution "et" au premier paragraphe de l'article 7.

Les parlementaires pourraient également considérer l'ajout d'une phrase dans cet article prévoyant spécifiquement que le substitut du procureur général soit de nationalité étrangère.

c. Ajout d’un article prévoyant une stratégie de retrait du personnel international :

Comme expliqué ci-dessus, la présence de personnel non-congolais au sein de la cour spécialisée mixte est essentielle pour renforcer son indépendance et les capacités et l’expertise du système judiciaire national à poursuivre les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et actes de génocide à long terme. Cette présence internationale, toutefois, ne saurait être permanente – l’objectif étant précisément de faire en sorte que le système judiciaire national soit capable d’opérer efficacement en temps et en heure. A ce sujet, le projet de loi semble comporter une omission quant à la durée de présence du personnel international au sein de la cour spécialisée. Il serait donc important de prévoir une stratégie de retrait du personnel international.

Toutefois, bien que cette stratégie soit importante, comme le montre l’expérience en Bosnie Herzégovine, il n’est pas souhaitable de fixer à priori une date limite pour la présence internationale au sein de la cour mais il est préférable de concevoir une stratégie à moyen terme, faisant l’objet d’un examen selon des critères clairs, tous les trois ou cinq ans par exemple, pour le retrait progressif du personnel international.

Nous recommandons aux membres du parlement d’inclure un article dans le texte qui prévoie la constitution d’un groupe d’experts, composé d’officiels nationaux et d’experts internationaux, chargé de préparer après 4 ans une stratégie de retrait graduel du personnel international de la cour spécialisée.Ce groupe devrait au préalable déterminer les performances et résultats devant avoir été atteints pour débuter le retrait du personnel international.

d. Fonctions de l’unité spéciale d’enquête et du greffe de la cour spécialisée :

Il est prévu à l’article 8 du projet de loi la création d’une « unité spéciale et d’enquête » auprès du parquet qui sera composée d’enquêteurs spécialisés.

L’article 10, qui liste les fonctions de cette unité spéciale semble toutefois confondre les attributions qui incombent clairement au parquet de celles qui devraient être administrées par le greffe de la cour. Par exemple, l’article 10 prévoit que l’Unité spéciale, en plus de ses fonctions liées directement aux enquêtes et à la préparation des affaires pour le procès, se chargera de l’archivage des preuves et documents collectés lors des procédures, ainsi que de la protection des témoins, victimes et du personnel judiciaire. Pour le bon fonctionnement de la cour, l’archivage et la protection devraient, toutefois, être administrés par un organe neutre ayant les ressources nécessaires, en l’espèce le greffe. Ceci est important afin que toutes les parties au procès, y compris la défense, puissent avoir accès à des services de qualité.

Nous recommandons donc que les membres du parlement retirent ces fonctions de l’article 10 du projet de loi (aux paragraphes b), c), et d)) ou éliminent l’article entièrement (puisqu’il est également prévu à l’article 9 que le fonctionnement de l’unité spéciale fera l’objet d’un décret du premier ministre).En remplacement, un article pourrait être inséré dans le projet de loi portant spécifiquement sur le rôle du greffe au sein de la cour spécialisée mixte. L’article ne devrait pas nécessairement être exhaustif mais pourrait mentionner les fonctions principales du greffe, parmi lesquelles : le soutien administratif aux fonctions judiciaires, la gestion du budget de la cour, la protection des victimes et des témoins, l’appui à la participation des victimes dans les procédures, l’organisation de la représentation légale des accusés et l’appui à la défense, et l’archivage.

5. Quel est le lien entre ce projet de loi et la proposition de loi de mise en œuvre du statut de Rome de la CPI ?

Une proposition de loi de mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale vient récemment d’être examinée par une sous-commission de la Commission Politique, Administrative et Judiciaire de l’Assemblée Nationale.

Cette proposition de loi et le projet de loi sur l’établissement d’une cour spécialisée mixte participent tous deux de la volonté de mettre un terme à l’impunité pour les crimes graves commis en RDC. Ces deux textes sont extrêmement importants et devraient être adoptés par le parlement. La proposition de loi de mise en œuvre inclut des dispositions importantes qui n’existent pas dans le texte sur la cour spécialisée, par exemple sur la coopération judiciaire avec la Cour Pénale Internationale.

Nos organisations appellent les membres du parlement à adopter les deux textes. Nous notons qu’une harmonisation sera nécessaire en fonction de quel texte sera adopté en premier par le parlement. Si le projet de loi sur la cour spécialisée mixte est adopté en premier, alors des articles y faisant référence devront être inclus dans la proposition de loi de mise en œuvre et des répétitions devront être éliminées. De la même façon, si la proposition de loi de mise en œuvre est adoptée en premier, cela devra être reflété dans le texte sur la cour spécialisée mixte.

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