A l’attention de :
Son Excellence le Premier Ministre
Adolphe Muzito
Monsieur le Premier Ministre, Votre Excellence,
Nous, les organisations de la société civile congolaise et internationale signataires de ce courrier, vous prions instamment de requérir l'inscription de la version révisée du projet de loi portant création d'une cour spécialisée mixte au sein du système judiciaire congolais à l'agenda de la session extraordinaire du parlement qui se tiendra dans les semaines à venir.
Cette cour spécialisée mixte, dont la mise en place est proposée par votre gouvernement, aura compétence pour connaître des graves crimes internationaux endurés par les populations civiles du pays depuis 1990 : crimes de guerre, crimes contre l'humanité et crimes de génocide.
Nos organisations ont apprécié l'ouverture dont le Ministre de la Justice et des Droits Humains a fait preuve au sujet des commentaires et suggestions de l'ensemble des partenaires internationaux, de la société civile et de la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais, visant à améliorer le texte initialement voté par le Conseil des Ministres le 25 février 2011 et qui comportait des déficiences importantes.[1]
Ce processus de consultations, long mais très substantiel, a abouti à une nouvelle version révisée et améliorée du projet de loi, que nous soutenons. Nous faisons ici référence à la toute dernière version issue du Ministère de la Justice cette semaine pour réexamen par la Commission des Lois du gouvernement et le Conseil des Ministres. Cette version est différente de celle envoyée au Comité Mixte de Justice en juin dernier.
En proposant d'établir un mécanisme judiciaire robuste, le gouvernement de la République Démocratique du Congo a pris une initiative courageuse en réaction au rapport Mapping de l'ONU, publié en octobre 2010 et qui documentait une longue liste choquante de crimes odieux commis en RDC entre 1993 et 2003. Certains partenaires en développement se sont déjà positionnés fermement en faveur de cette initiative. La lutte contre l'impunité pour les crimes les plus graves contribuera à l'établissement d'une paix durable en RDC et dans la région des Grands Lacs.
La cour telle que proposée dans la dernière version du projet de loi sera compétente pour juger non seulement les crimes du passés, mais également ceux du présent, à l'instar des violations graves des droits humains qui continuent d'être commises, particulièrement à l'est de la RDC, y compris les pillages, les meurtres, les viols de masse et le travail forcé. Ainsi, l'adoption rapide du projet de loi constituerait un signal fort à l'endroit de toutes les forces armées présentes à l'est du pays et qui se livrent à des abus contre les populations. L'adoption de cette loi montrerait également aux victimes que le gouvernement ne les a pas oubliées et que la politique de « tolérance zéro » ne se résume pas à des déclarations mais à une action concrète. En fin, elle permettra de renforcer la capacité du système judiciaire congolais dans le traitement d'un contentieux qui de par sa nature est complexe et exige des compétences spécifiques.
La cour s'inscrit donc logiquement dans la politique plus globale du gouvernement de réformer et renforcer l'appareil judiciaire congolais - un thème qui sera, d'après les informations à notre disposition, une des priorités de la session parlementaire extraordinaire.
Votre Excellence, alors que nous approchons de la fin de cette législature, nous comprenons que votre gouvernement, souhaite probablement faire voter un certain nombre d'autres textes importants lors de cette session. Toutefois, compte tenu de l'importance de ce texte, nous vous prions de vous assurer que cet important projet de loi sera bien à l'agenda de la session extraordinaire du parlement. Nous sommes convaincus que l'établissement d'une cour spécialisée mixte compétente pour juger ceux qui se sont rendus coupables de crimes graves au Congo, qu'ils soient congolais ou étrangers, est une initiative primordiale pour l'établissement d'une démocratie et d'une paix durable en République Démocratique du Congo, gage d'un futur respectueux des droits humains, notamment du droit à la justice pour des centaines de milliers de civils, victimes des crimes les plus atroces.
Votre Excellence, avec ce projet de loi, votre gouvernement a l'opportunité unique de faire avancer la justice pour les crimes les plus graves. Votre gouvernement doit maintenant appuyer ce projet de loi de tout son poids pour qu'il soit adopté par le parlement lors de la session extraordinaire.
Veuillez recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l'expression de nos respectueuses salutations,
Organisations signataires :
1. Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture au Nord-Kivu (ACAT/NK)
2. Action Sociale pour la Paix et le Développement (ASPD)
3. Actions pour la Promotion Socio-Economique des Ménages (APROSEM)
4. APED
5. Arche d'Alliance
6. Assistance Judiciaire aux Indigents (AJI)
7. Assistance Judiciaires aux Vulnérables (AJV)
8. Association Africaine de Défense des Droits de l'Homme(ASADHO)
9. Campagne Pour la Paix (CPP)
10. Centre de Recherche sur l'Environnement, la Démocratie et les Droits de l'Homme (CREDDHO)
11. Centre d'Etudes et de Formation Populaire pour les Droits de l'Homme (CEFOP/DH)
12. Centre d'Initiatives pour le Développement Intégral (CIDI)
13. Centre pour la Justice et la Réconciliation
14. Centre pour la Paix et les Droits de l'Homme (CPDH)
15. Child Protection Consulting Group (CPCG)
16. Club des Amis du Droit du Congo
17. Coalition Congolaise pour la Justice Transitionnelle (CCJT)
18. Collectif des Organisations de Jeunes Solidaires du Congo-Kinshasa - Nord-Kivu (COJESKI-NK)
19. Copprodhho
20. Défense et Assistance aux Femmes et Enfants Vulnérables en Afrique (DAFEVA)
21. Encadrement des Femmes Indigènes et des Ménages Vulnérables (EFIM)
22. Équipe de Soutien au Développement Intégral Humanitaire et de la Biodiversité (ESDIHB)
23. Fédération Internationale des Ligues de Droits l'Homme (FIDH)
24. Groupe Justice et Libération (GJL)
25. Groupe Lotus
26. Héritiers de la Justice
27. Human Rights Watch
28. Initiatives Alpha
29. Initiative Congolaise pour la Justice et la Paix (ICJP)
30. Initiative Femme Debout pour la Justice (IFDJ)
31. Initiatives Justice
32. Ligue de la Zone Afrique pour la Défense des Droits des Enfants et Élèves (LIZADEEL)
33. Ligue des Electeurs
34. Ligue pour la Défense et la Vulgarisation des Droits de l'Homme (LDVDH)
35. Maniema Libertés (MALI)
36. Observatoire Congolais des Droits Humains (OCDH)
37. Pax Christi - Kikwit
38. Promotion et Appui aux Initiatives Féminines (PAIF)
39. Réseau des Femmes Leaders/AWEPA
40. Réseau d'Initiatives Locales pour un Développement Durable (REID)
41. Réseau Provincial des ONGDH au Congo - Nord-Kivu (REPRODHOC-NK)
42. Solidarité Féminine pour la Paix et le Développement Intégral (SOFEPADI)
43. Solidarité pour la Promotion Sociale et la Paix (SOPROP)
44. Synergie des Femmes pour les Victimes des Violences Sexuelles (SFVS)
45. Synergie pour l'Assistance Judiciaire aux Victimes de Violations des Droits Humains au Nord-Kivu (SAJ)
CC :
Son Excellence, Joseph Kabila Kabange, Président de la République
Adolphe Lumanu Mulenda Bwenda N'sefu, Vice Premier ministre, Ministre de l'Intérieur et Sécurité
Évariste Boshab Mabudj-ma-Bilenge, Président de l'Assemblée Nationale
Emmanuel-Janvier Luzolo Bambi Lessa, Ministre de la Justice et des Droits Humains
Léon Kengo wa Dondo, Président du Sénat
[1] Cf la Position Commune de Goma du 15 avril 2011 : https://www.hrw.org/fr/node/98070