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Lettre au président des États-Unis Barack Obama de la part des représentants de la société civile des zones affectées par la LRA en République démocratique du Congo, en République centrafricaine et au Sud-Soudan

20 groupes de la société civile au nord du Congo, en République centrafricaine, et au Sud-Soudan, écrit au Président Obama au sujet de l’annonce faite par l'administration Obama d’envoyer 100 conseillers militaires pour contrer la menace représentée par l'Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army,LRA).

 

Ce n'est pas une lettre signée par Human Rights Watch, mais nous l'estimons une lettre très touchante.

 

Monsieur le Président,

 

Nous, représentants de la société civile des districts du Haut Uélé et du Bas Uélé dans le nord de la République démocratique du Congo, de l'État de l’Équatoria-Occidental au Sud-Soudan, et des préfectures de Mbomou et Haut Mbomou en République centrafricaine, nous réjouissons de l’annonce faite par votre administration d’envoyer 100 conseillers militaires bien équipés pour contrer la menace représentée par l'Armée de résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army,LRA) dans la région où nous vivons et pour aider à protéger les civils. De même, nous accueillons avec satisfaction l’adoption du projet de loi sur la LRA par votre administration. Vos efforts nous ont donné l’espoir de voir un jour notre rêve de vivre sans la menace posée par la LRA devenir réalité.

 

Cependant, nous ne pourrons nous réjouir véritablement que lorsque la menace de la LRA sera définitivement écartée et que nous apprendrons que Joseph Kony ne terrorise plus notre région. Nous avons trop souffert et nous sommes fatigués de vivre dans l’insécurité la plus totale, craignant de nous rendre dans nos champs pour les cultiver et incertains du moment où du lieu où les rebelles pourraient refaire surface. Nous ne savons pas si nos enfants enlevés par la LRA reviendront un jour à la maison. Vous ne pouvez pas imaginer la douleur dans nos cœurs à la pensée que nous ne reverrons peut-être jamais nos enfants.

 

Nous vous écrivons aujourd’hui pour vous demander de mettre en œuvre des efforts spéciaux face aux problèmes décrits ci-dessous que nous considérons comme primordiaux pour faire disparaître la menace posée par la LRA et pour apporter protection et assistance à nos communautés.

 

Coopération régionale pour protéger les civils et écarter la menace incarnée par la LRA

Nous craignons que la bonne volonté manifeste du gouvernement américain ne soit efficace que si nos propres gouvernements reconnaissent la menace permanente que constitue la LRA dans nos pays et s'engagent pleinement à coopérer de manière active et constructive avec les efforts visant à protéger les civils et à mettre fin à la menace posée par la LRA.

 

Nous avons l'impression que nos gouvernements nous ont abandonnés et oubliés, et nous sommes encore plus découragés lorsque nous entendons les déclarations de nos dirigeants élus affirmant que la LRA ne représente plus une menace. Au Congo, le gouvernement et les commandants militaires réfutent l’existence de la LRA et ont appelé l’armée ougandaise à mettre fin aux opérations contre la LRA au Congo ; certaines unités de l'armée ougandaise ont aussi été chassées du Congo. Dans la République centrafricaine, notre gouvernement a d’autres priorités et n’est pas parvenu à aider ou protéger la population de la région de l’est de Mbomou alors que nous continuons à vivre sous le danger que constitue la LRA. Au Sud-Soudan, le gouvernement local de l’État de l’Équatoria-Occidental a manifesté son intérêt pour soutenir les efforts visant à écarter la menace de la LRA. Toutefois nous n’avons vu aucun engagement de la part de notre nouveau gouvernement national pour faire face au problème et venir en aide aux populations dans les zones affectées.

 

Nous vous exhortons à utiliser toutes les voies diplomatiques disponibles pour faire pression sur nos gouvernements afin qu’ils reconnaissent la menace posée par la LRA et fassent du combat contre ce fléau une de leurs priorités premières.

 

Renforcement de la protection des civils

L’action de votre administration devrait aussi inclure une solution pratique pour la protection des civils afin d’éviter une répétition d’un événement tel que celui qui s’est produit après le lancement de l’opération « Éclair de tonnerre », où près de 1000 personnes ont été violemment massacrées pendant les fêtes de Noël de l'année 2008, juste après l'échec de l'assaut contre la base principale de la LRA dans le parc national de Garamba. Depuis ces attaques, des milliers de nos frères, sœurs, parents et enfants ont été enlevés, tués, violés et mutilés par la LRA de Joseph Kony.

 

Nous souhaiterions attirer votre attention, en particulier, sur le manque constant de protection dans le district du Bas Uélé, dans le nord du Congo, et dans la plupart des zones de l'est de la République centrafricaine, où nous continuons à subir certaines des pires attaques de la LRA et où, jusqu’à aujourd’hui, aucune force internationale de maintien de la paix n’est présente. En raison des mauvaises routes et du manque de communication dans ces régions, il faut souvent plusieurs semaines ou mois avant que les attaques ne soient signalées et certaines attaques n’ont jamais été rapportées.

 

Le 29 septembre, par exemple, environ 15 combattants de la LRA soupçonnés d’appartenir au même groupe que le leader de la LRA, Joseph Kony, ont attaqué le village de Lingou, près de Derbissaka, en République centrafricaine, tuant le chef du village et enlevant trois hommes. Quatre villages voisins ont été abandonnés après l’attaque car les habitants ont fui par peur. Les civils dans cette région éloignée ne disposent d'aucune protection contre les attaques de la LRA et souvent d’aucun moyen de communication pour appeler à l'aide.

 

La collaboration et le partage d’informations renforcés parmi les différents acteurs et les communautés locales dans la région affectée sont essentiels. Des systèmes d’alerte lointaine ont été mis en place dans de nombreuses communautés. Nous vous demandons de faire en sorte qu’ils se trouvent partout où cela est nécessaire. Nous vous appelons en particulier à veiller à l’installation de réseaux téléphoniques dans les régions affectées par la LRA et garantir que des efforts soient faits pour améliorer l’infrastructure routière dans nos régions.

 

Soutien apporté à des armées nationales responsables et disciplinées

Nos armées nationales ont aussi besoin d'un soutien. Nous aimerions souligner l’impact positif de la formation proposée par les États-Unis à un bataillon de l’armée congolaise opérant dans la région affectée par la LRA et nous espérons que vous pourrez assurer la formation des unités supplémentaires, et de leurs commandants, des armées régionales qui prendront part aux opérations anti-LRA, ainsi qu’un support logistique supplémentaire.

 

Trop souvent, les soldats de nos armées nationales ont perpétré des meurtres, des viols et des pillages de civils, devenant ainsi une menace pour les populations qu'ils sont censés protéger. Manquant de moyens de communication, de transports et de munitions, nos soldats sont souvent forcés à fuir avec la population lors des attaques de la LRA. Nous espérons que vous pourrez nous aider à garantir que nos armées nationales envoient uniquement des forces et des commandants d’unité correctement entraînés, bien équipés et disciplinés pour protéger les civils dans les zones affectées par la LRA. Les responsables d’abus doivent répondre de leurs actes.

 

Démobilisation et réhabilitation

De plus, nous vous demandons instamment de soutenir les efforts pour renforcer les actions de sensibilisation et de démobilisation de la LRA dans toute la région affectée, notamment en République centrafricaine, et d’apporter une assistance à la réhabilitation à long terme des rescapés revenant chez eux et des anciens combattants.

 

Nous vous enjoignons d’aider les communautés et les gouvernements régionaux à faire en sorte que des programmes de réhabilitation similaires à ceux institués dans le nord de l'Ouganda soient aussi introduits dans les trois pays actuellement affectés. Les centres de réhabilitation existants à Yambio, au Sud-Soudan, et un nouveau centre pilote à Dungu, au Congo, doivent être renforcés et un centre de réhabilitation semblable doit être créé en République centrafricaine. Les associations locales dans les zones éloignées doivent être formées et assistés afin qu’elles mènent un suivi à long terme des rescapés du groupe armé après leur retour dans leurs foyers, y compris une assistance psychosociale, une médiation familiale, une aide à l’éducation et une réinsertion économique dans leurs communautés.

 

Nous vous demandons instamment de travailler avec d'autres acteurs pour garantir que les enfants qui ont fui la LRA puissent revenir dans leurs communautés d’origine aussi vite que possible. Enfin, nous espérons que vous pourrez financer des fonds pour les communautés permettant de reconstruire les villes ou les villages attaqués par la LRA, par exemple réparer les écoles, les hôpitaux et autres infrastructures qui ont été détruits.

 

Parmi tout ce que nous vous demandons, ce que nous voulons avant tout, c’est en finir avec les atrocités perpétrées par la LRA. Nos communautés sont traumatisées et, jamais auparavant, nous n’avons connu dans notre région de tels niveaux de peur, de perte et de souffrance. Nous voulons résoudre le problème de la LRA afin de pouvoir enfin reprendre des vies normales.

 

Monsieur le Président, nous savons que votre intervention peut aider à mettre fin au soulèvement de la LRA, puisque Joseph Kony et ses violences, notamment à l’encontre des enfants, sont un affront pour l’humanité entière. Nous vous remercions encore pour le soutien dont vous avez déjà fait preuve et nous vous exhortons à rester à nos côtés tant que la menace posée par la LRA et ses conséquences dévastatrices ne seront pas résolues définitivement.

 

 

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de notre haute considération.

 

Signataires  :

 

1.         Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO), Kinshasa, RDC

2.         Association des victimes de la LRA, Obo, RCA

3.         Association Zereda, Obo, RCA

4.         Commission Diocésaine pour la Justice et la Paix (CDJP), Dungu, Haut Uélé, RDC

5.         Commission Diocésaine pour la Justice et la Paix (CDJP), Duru, Haut Uélé, RDC

6.         Commission Diocésaine pour la Justice et la Paix (CDJP), Ngilima, Haut Uélé, RDC

7.         Commission Paroissiale pour la Justice et la Paix (CPJP), Bangadi, RDC

8.         Communauté des Églises Évangéliques en Centrafrique (CEEC), Zemio, RCA

9.         ECS Nzara Diocese, Yambio, South Sudan

10.       Justice and Peace Commission, Catholic Diocese of Tombura-Yambio, South Sudan

11.       Société civile d’Ango (SOCIDA), Bas Uélé, RDC

12.       Société civile de Doruma, Haut Uélé, RDC

13.       Société civile de Faradje, Haut Uélé, RDC

14.       Société civile de la Chefferie Mopoy (SOCICOMO), Banda, Bas Uélé, RDC

15.       Société civile de Poko (SOCIPO), Bas Uélé, RDC

16.       Solidarité et Assistance Intégrale aux Personnes Démunies (SAIPED), Dungu, RDC

17.       Traumatisme blessure du Cœur, Zemio, RCA

18.       Union des Jeunes de Doruma pour le Loisirs (UJDL), Doruma, Haut Uélé, RDC

19.       Union of Journalists of South Sudan, Yambio, South Sudan

20.       Unity Is Strength, Yambio, South Sudan

 

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