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Dans l’est de la République démocratique du Congo, deux provinces, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, sont depuis plus de quinze ans le théâtre d’un conflit incessant entre groupes armés dont les populations civiles sont les principales victimes. Celles-ci souffrent d’abord des conséquences de l’abominable génocide rwandais de 1994. Des centaines de milliers de Rwandais, dont de nombreux proches de l’ancien régime du président Habyarimana, se sont réfugiés dans les Kivus, certains avec la ferme intention de déstabiliser le régime du futur président rwandais Paul Kagame. L’existence de ces éléments armés a provoqué plusieurs interventions de l’armée rwandaise. Entre 1996 et 2003, des guerres régionales, impliquant notamment l’Angola, le Zimbabwe, l’Ouganda, auraient fait plusieurs millions de victimes. Ces populations sont aussi victimes de la richesse du sous-sol de la région. Diamant, or, minéraux précieux indispensables pour l’industrie électronique mondiale, aiguisent les appétits des pays voisins et des milices qui contrôlent l’exploitation des mines.

Devant ces désastres successifs, les Nations unies ont déployé une force de maintien de la paix, considérable sur le papier, avec 17.000 hommes, mais peu efficace sur le terrain, une inefficacité en grande partie liée à l’immensité du territoire et aux "règles d’engagement" militaire des Casques bleus. Censés protéger les populations, en particulier les femmes violées par centaines de milliers, ils reçoivent rarement l’ordre de le faire efficacement. Une récente tribune signée par plusieurs personnalités, à commencer par la ministre Yamina Benguigui et Valérie Trierweiler, fustige cette inaction des troupes de la Monusco (Mission de l’organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC). Or le mandat de cette mission, décidé par le Conseil de sécurité, vise à "stabiliser un pays sortant de conflit" – une fiction – en "appui à l’armée congolaise". Une gageure : celle-ci se rend aussi coupable d’exactions à grande échelle. Les règles indiquant si les Casques bleus peuvent recourir à la force pour protéger des civils dépendent également des Nations unies et des pays contributeurs de troupes. Il serait donc bon d’adresser cet appel… à la France elle-même (pays clé sur ce dossier au Conseil de sécurité), à l’Inde, au Népal, à l’Uruguay, au Pakistan, à l’Afrique du Sud, au Maroc pour qu’ils acceptent que leurs troupes prennent plus de risques pour protéger les civils. Mais il aurait fallu aussi appeler clairement le Rwanda à cesser de soutenir une guérilla, le M23, qui utilise des enfants soldats et a commis des meurtres et des viols. Et la RDC à discipliner ses troupes, coupables d’exactions intolérables.

Rendre la Monusco plus efficace est nécessaire, mais rien ne protégera mieux les civils qu’une résolution durable du conflit, en commençant par mettre fin à l’impunité qui protège les auteurs de ces crimes. Or les pays de la région, paralysés par de nombreux conflits d’intérêts, ne parviennent pas à régler cette crise. La communauté internationale doit donc s’engager davantage… Mais le Kivu, c’est loin, et on y meurt en silence.

 

Jean-Marie Fardeau, directeur France de Human Rights Watch

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