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Des débris éparpillés dans une salle de classe de l'école 21 à Tchernihiv en Ukraine, photographiée le 19 avril 2022 ; cette école a été endommagée par une attaque russe menée le 3 mars 2022. © 2022 Belkis Wille/Human Rights Watch

(Kiev, le 10 juin 2022) – Les forces russes ont tué et blessé de nombreux civils lors de huit attaques menées début mars 2022 à Tchernihiv, dans le nord-est de l’Ukraine, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Quatre de ces attaques, menées par voie aérienne et terrestre, ont constitué des violations flagrantes des lois de la guerre. Il s’agit notamment du bombardement d’un immeuble résidentiel qui a tué 47 civils, d’une attaque qui a tué au moins 17 personnes qui faisaient la queue pour acheter du pain devant un supermarché, ainsi que de deux autres attaques ayant endommagé deux hôpitaux ; l’une de ces attaques a recouru à des armes à sous-munitions interdites.

Dans le cadre de cinq des huit attaques russes, les forces ukrainiennes ont peut-être aussi exposé des civils à des risques, y compris dans un cas où les Forces de défense territoriale avaient installé une base dans une école. L’une des frappes russes a touché un hôpital, établissement bénéficiant de protections spéciales en vertu des lois de la guerre, ce qui rend illégale cette attaque malgré l’éventuelle présence d’un poste de contrôle militaire ukrainien a proximité. Quatre autres frappes russes ont peut-être aussi violé l’interdiction d’attaques menées de manière indiscriminée ou disproportionnée, malgré la présence apparente de troupes ukrainiennes à proximité.

« En mars, les forces russes ont attaqué à plusieurs reprises des zones peuplées de Tchernihiv par voie aérienne et terrestre, avec un mépris apparent pour les pertes de vies parmi les civils », a déclaré Belkis Wille, chercheuse senior auprès de la division Crises et conflits de Human Rights Watch. « Le fait que les forces ukrainiennes n’aient pas évacué les civils dans certaines zones a alourdi le bilan des victimes, mais il incombe toujours aux forces assaillantes de faire la distinction entre civils et combattants. »L’armée russe a commencé à attaquer Tchernihiv dès le premier jour de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février. Human Rights Watch a enquêté sur les attaques russes perpétrées dans cette ville entre le 3 et le 17 mars. Bien que les forces russes n’aient pas réussi à conquérir Tchernihiv, vers la fin mars, elles avaient réussi à encercler la ville, prenant les civils au piège et leur faisant subir de nouveaux bombardements. Les forces russes ont fini par quitter cette zone le 31 mars, dans le cadre de leur retraite générale des régions de Kiev et Tchernihiv.

Entre le 8 mars et le 9 mai, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 34 personnes, dont 24 témoins des huit attaques, ainsi qu’avec des secouristes, des membres de l’administration régionale de Tchernihiv et des procureurs locaux, qui ont fourni des chiffres sur les victimes civiles. Les 19 et 20 avril, des chercheurs ont inspecté les sites de ces huit attaques.

Human Rights Watch a également examiné des images satellite afin de confirmer les dates et l’étendue des dommages, et d’aider à déterminer le positionnement éventuel de forces ukrainiennes dans les secteurs attaqués. Les notices nécrologiques concernant des soldats ukrainiens décédés, et publiées dans les médias locaux, ont également permis d’établir si des personnels militaires ukrainiens se trouvaient à proximité des lieux visés par les attaques.

Le département ukrainien de la Santé pour la région de Tchernihiv a affirmé qu’au moins 98 civils avaient été tués lors des huit attaques, et au moins 123 civils avaient été blessés. La directrice de ce département a indiqué que ces chiffres étaient basés sur des données fournies par les hôpitaux locaux et par les services médicaux d’urgence, ainsi que sur la consultation du registre officiel de la morgue. Cette responsable a fourni à Human Rights Watch les noms de 22 personnes tuées et de 122 personnes blessées lors des attaques, ainsi que des données sur leur âge et leur sexe. Elle a précisé que des experts légistes continuaient de recueillir des informations personnelles relatives aux autres victimes, et qu’elle serait en mesure de transmettre des données complémentaires à Human Rights Watch ultérieurement.

La plus meurtrière des huit attaques russes examinées a été menée le 3 mars, quand les forces russes ont largué plusieurs bombes non guidées sur un ensemble d’immeubles résidentiels, tuant 47 civils. « Quand les explosions se sont produites, j’ai vu des gens tomber par les fenêtres », a témoigné un habitant d’un de ces immeubles. « Certain d’entre eux avaient le corps en flammes. » Plusieurs témoins interrogés ont déclaré qu’ils ne croyaient pas que des forces ukrainiennes se trouvaient a proximité à ce moment-là.

Dans une attaque menée le 17 mars dans le centre de Tchernihiv, les forces russes ont tiré une roquette à sous-munitions Uragan, qui a endommagé un complexe médical comprenant deux hôpitaux. Selon des responsables locaux, cette attaque a tué 14 civils et a blessé 21 civils. Des témoins ont affirmé n’avoir vu aucune cible militaire dans cette zone à ce moment-là.

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, les forces russes ont recouru à plusieurs reprises à des armes à sous-munitions, qui sont intrinsèquement utilisées sans discernement, lors d’attaques ayant tué des centaines de civils et endommagé des maisons, des hôpitaux et des écoles. Les forces ukrainiennes semblent avoir également utilisé des armes à sous-munitions, au moins une fois.

Les graves violations des lois de la guerre, notamment les attaques menées sans discernement et de manière disproportionnée, commises avec une intention criminelle – c’est-à-dire délibérément ou de manière imprudente – constituent des crimes de guerre. Des individus peuvent aussi être considérés comme pénalement responsables de tentatives de commission d’un crime de guerre, ainsi que d’avoir participé, facilité, aidé ou s’être rendu complice de la commission d’un crime de guerre. Les commandants et les dirigeants civils peuvent être poursuivis pour crimes de guerre, en raison de leur responsabilité de commandement, lorsqu’ils avaient ou auraient dû avoir connaissance de la commission de crimes de guerre et n’ont pas pris de mesures suffisantes pour les empêcher ou pour punir leurs auteurs.

Les attaques menées par les forces russes à Tchernihiv démontrent l’effet dévastateur sur les populations et les infrastructures civiles de l’utilisation par des forces armées d’armes explosives à large rayon d’impact dans des zones densément peuplées, et la probabilité accrue que ces attaques soient illégales du fait de leur caractère indiscriminé et disproportionné.

Ces armes ont un large rayon d’impact destructif, sont intrinsèquement imprécises ou déclenchent de multiples munitions simultanément. Les effets à long terme de leur utilisation comprennent des dommages infligés à des bâtiments civils et à des infrastructures cruciales, des interférences avec des services comme la santé et l’éducation, ainsi que le déplacement de la population locale.

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), au moins 4 266 civils ont été tués et 5 178 civils blessés en Ukraine entre le 24 février et le 7 juin ; ces chiffres sont selon toute probabilité nettement inférieurs aux chiffres réels. La majorité des pertes civiles ou blessures ont été causées par des armes explosives à large rayon d’impact, employées lors de tirs d’artillerie lourde, d’attaques aux lance-roquettes multiples (LRM), de tirs de missiles et de frappes aériennes.

La Russie et l’Ukraine devraient éviter d’utiliser des armes explosives à large rayon d’impact dans les zones peuplées, a déclaré Human Rights Watch. Tous les pays devraient soutenir l’adoption par la communauté internationale d’une déclaration politique forte afin de mieux protéger les civils contre l’utilisation de telles armes dans les zones peuplées.

« Les attaques dévastatrices menées par voie aérienne et terrestre par les forces russes contre Tchernihiv démontrent pourquoi les armes explosives ne devraient pas être utilisées dans des zones urbaines peuplées », a affirmé Belkis Wille. « Tous les gouvernements devraient s'engager à renforcer la protection des civils contre l'utilisation d'armes explosives dans des villes et villages. »

Informations complémentaires sur les 8 attaques russes

 Carte de Tchernihiv montrant les lieux des 8 attaques russes (3-17 mars 2022)

Emplacements de huit attaques menées par les forces russes à Tchernihiv, dans le nord de l’Ukraine, entre le 3 mars et 17 mars, et documentées par Human Rights Watch. © 2022 Human Rights Watch

Frappe aérienne contre des immeubles résidentiels (3 mars)

Immeuble résidentiel situé sur la rue Tchornovola à Tchernihiv, en Ukraine, et touché par une frappe aérienne russe le 3 mars 2022. Cette attaque, lors de laquelle plusieurs bombes non guidées ont été larguées, a tué au moins 47 civils et blessé 21 personnes, selon les autorités locales. Photo prise le 19 avril 2022. © 2022 Belkis Wille/Human Rights Watch

Le 3 mars vers 12 h 15, des avions russes ont largué plusieurs bombes non guidées sur un carrefour de la rue Tchornovola dans un quartier résidentiel du centre de Tchernihiv. Les autorités locales ont déclaré que l'attaque avait tué au moins 47 civils et avait blessé 32 autres personnes. L'attaque a endommagé un immeuble d'habitation et plusieurs autres bâtiments résidentiels et commerciaux, dont l'un contenait une pharmacie.

Human Rights Watch s'est entretenu par téléphone avec trois témoins de l'attaque, dont un médecin et deux habitants de Tchernihiv. Human Rights Watch a également vérifié et analysé 22 vidéos et 12 photographies prises pendant et juste après l'attaque.

« C'était comme une tempête de vent, tout le sous-sol s'est rempli de poussière », a déclaré le médecin. « Puis il y a eu une explosion. Plusieurs fenêtres ont été soufflées et il y a eu de fortes vibrations. Il y a des explosions tous les jours, mais celle-ci était très puissante. »

Le médecin a déclaré que ses collègues et lui-même ont soigné 35 blessés, âgés de 7 à 55 ans. Il a mentionné le cas d'un garçon dont la cheville avait été fracassée et d'une fille, blessée au visage par un fragment métallique de munition qui avait pénétré la peau. Un garçon âgé d'environ 12 ans s’est retrouvé avec des éclats de métal dans le cerveau et des dommages au crâne, a-t-il ajouté.

Les chercheurs de Human Rights Watch qui ont visité le site de l'attaque le 19 avril ont vu au moins cinq cratères d'impact distincts causés par les frappes. Au moins une autre bombe avait touché un immeuble voisin de 18 étages, endommageant gravement la partie allant du 12ème au 15ème étage. Les explosions ont également gravement endommagé deux immeubles comportant chacun neuf étages, et soufflé les fenêtres et endommagé les façades de deux autres immeubles de neuf étages. Une pharmacie dans l'un de ces bâtiments a également été gravement endommagée, tout comme un centre médical qui n'était pas utilisé au moment de l’attaque.

Olena Piatkina, une habitante de l'un des immeubles endommagés, a déclaré qu'elle se trouvait au sous-sol pour s'abriter lorsqu'une des bombes a frappé à quelques mètres de son immeuble :

Après l'explosion, j'ai regardé à gauche et j'ai vu de la lumière filtrer dans le sous-sol. J'ai commencé à ramper à travers les décombres. J'ai vu beaucoup d'incendies à l'extérieur. Alors que je sortais du sous-sol, un homme m'a tendu un bébé couvert de sang et m'a demandé de l'aider à faire sortir trois autres enfants qui se trouvaient dans un appartement. Une fille était blessée à la tête et était couverte de sang. Les enfants étaient tous sous le choc et pleuraient.

Sur la base de ses entretiens et de vidéos, Human Rights Watch n'a trouvé aucune indication que des forces militaires ukrainiennes aient été déployées dans cette zone au moment de l'attaque.

Les frappes semblent avoir été menées de façon indiscriminée, en violation des lois de la guerre interdisant les attaques qui ne sont pas dirigées contre un objectif militaire spécifique.

Trois attaques contre des écoles et des maisons sur la rue Biloruskyi (3 mars)

Lors de trois autres attaques menées le 3 mars, des bombes russes ont touché deux écoles et plusieurs maisons sur la rue Biloruskyi, dans un rayon de plusieurs centaines de mètres. Human Rights Watch a interrogé huit témoins des attaques et a examiné les dégâts.

Ce qu’il reste de l'École 18 de Tchernihiv, en Ukraine, partiellement détruite par une attaque russe le 3 mars 2022. Photo prise le 19 avril 2022. © 2022 Belkis Wille/Human Rights Watch

L'École 18 est une école primaire et secondaire, mais après l'invasion russe, les Forces de défense territoriale locales y ont établi leur quartier général, ont déclaré des habitants et des bénévoles. En même temps, l'école servait de centre de distribution de nourriture et d'autres aides.

Vers 12 h 30, un avion survolant le quartier a largué une bombe, a déclaré un témoin. La munition a causé de graves dégâts dans un coin de l'école, ce que Human Rights Watch a observé lors d'une visite le 19 avril. Au moins 150 personnes se trouvaient dans l'école lorsqu'elle a été touchée, dont certaines faisaient partie des forces armées ukrainiennes, notamment des Forces de défense territoriale, selon un témoin.

Des responsables locaux ont déclaré que deux civils avaient été tués et 14 blessés lors de l'attaque. Une photo publiée sur Facebook le 4 mars montre deux corps recouverts de bâches en plastique, sur le terrain de l’école.

Peu avant ou après l'attaque contre l'École 18, l’avion a aussi largué une bombe sur l'École 21, située à 250 mètres de là. Un lycéen a raconté qu'il se trouvait dans la cour de sa maison, à environ 100 mètres de l'école, lorsqu'il a « entendu un sifflement, puis une grosse explosion ».

Au moment de l'attaque, environ 200 civils s'abritaient dans le sous-sol de l'école parce que leurs maisons n'avaient pas de sous-sol, a déclaré l'élève. Un homme vivant près de l'École 21 a déclaré que les Forces de défense territoriale avaient installé un poste militaire avec des sacs de sable devant l'école à l'intersection avec la rue Biloruskyi. Une femme a déclaré avoir vu le corps d'un membre des Forces de défense territoriale gisant sur des sacs de sable après l'attaque.

Des travailleurs bénévoles se trouvaient au rez-de-chaussée et au premier étage de l'École 21, rassemblant des vêtements et d'autres articles pour les Forces de défense territoriale et cuisinant pour eux et le personnel des forces armées. L’élève a dit qu'il y avait peut-être des soldats qui entraient et sortaient de l'école pour chercher de la nourriture et de l'aide, et il a vu des hommes armés conduire dans des voitures civiles. Un homme vivant près de l'école a déclaré que les Forces de défense territoriale dormaient également dans l'école.

Des débris éparpillés dans une salle de classe de l'école 21 à Tchernihiv en Ukraine, photographiée le 19 avril 2022 ; cette école a été endommagée par une attaque russe menée le 3 mars 2022. © 2022 Belkis Wille/Human Rights Watch

La frappe contre l'École 21 a détruit une grande partie du bâtiment. Des responsables locaux ont déclaré que trois civils avaient été tués et 19 autres blessés. Les personnes tuées et blessées se trouvaient au rez-de-chaussée, au premier étage ou dans la cour au moment de l'attaque, a déclaré l’élève.

L'une des survivantes blessées a publié le 3 mars une story sur Instagram, par la suite republiée sur Twitter, dans laquelle elle décrit l'attaque.

Le site d'information local Suspilne Media a publié six nécrologies de membres des Forces de défense territoriale décédés lors des attaques contre les Écoles 18 et 21, et ailleurs sur la rue Biloruskyi, indiquant une présence militaire dans cette zone.

Juste après que les deux écoles ont été touchées, au moins deux autres bombes ont frappé un groupe de maisons sur la rue Biloruskyi, à environ 150 mètres de l'École 21, laissant deux grands cratères d'impact. Ces frappes ont détruit au moins huit maisons, endommageant lourdement sept autres et endommageant le toit d'un autre bâtiment ; elles ont tué au moins six personnes. Un étudiant universitaire a déclaré que son frère et lui-même ont couru vers les maisons détruites après l'attaque pour vérifier la situation de leurs amis :

Nos amis étaient sains et saufs, mais nous avons décidé de commencer à creuser là où les autres maisons avaient été détruites. Alors que nous commencions à creuser, nous avons entendu des voix sous les décombres. Nous avons réussi à extraire une femme et sa mère, ainsi que son fils, qui avait 14 ans ; mail il est décédé. Nous avons continué à creuser autour des autres maisons détruites et avons déterré trois autres personnes décédées : la sœur aînée d’un de mes anciens camarades de classe, son petit ami et un homme plus âgé qui, je pense, était son père ou son grand-père.

Une femme vivant à proximité des maisons détruites a déclaré que la famille d’un habitant, Volodymyr Vasylchenko, a été particulièrement touchée par l’attaque. L’attaque a tué Volodymyr, sa belle-mère âgée de 86 ans, son gendre Mykhailo Zheldak, qui avait 40 ans, et deux enfants de Zheldak - sa fille Polina, étudiante en troisième année de langue, et son fils Glib, qui avait 14 ans. Un ami de Polina qui résidait alors chez cette famille a aussi été tué.

« Les gens creusaient dans les décombres et ont entendu une voix », a déclaré la voisine. « Ils ont extrait un garçon, c'était le petit Glib... Sa tête était écrasée. »

L'épouse de Mykhailo Zheldak, Svitlana, et sa mère ont survécu à l'attaque, tout comme Valentyna, l'épouse de Volodymyr Vasylchenko ; les trois femmes ont depuis quitté la ville, a expliqué la voisine. La famille Zheldak avaient apparemment emménagé au domicile des Vasylchenko parce qu'ils avaient présumé que ce quartier était plus sûr que celui où ils vivaient, mais tous ont été tués à l'exception de Svitlana et Valentyna.

Anatolii Vasylchenko, un secouriste du Service national d'urgence de l'Ukraine à Tchernihiv, a déclaré que, sur la base de son analyse de la taille des cratères, il pensait que des avions avaient mené toutes les attaques contre les écoles et à proximité. Les cratères d'impact et l'ampleur des dommages causés par le souffle aux structures observés par Human Rights Watch indiquent l'utilisation d'une grande arme à effet de souffle à largage aérien d'un poids total de 250 kilogrammes ou plus.

Les forces ukrainiennes n'ont pas protégé les civils sous leur contrôle contre les effets des attaques, ne les ayant pas éloignés de la zone où elles étaient présentes, a déclaré Human Rights Watch. L'utilisation des écoles à des fins militaires est également contraire à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, que l'Ukraine a signée en 2019.

Même si les attaques russes contre les Forces de défense territoriale visaient des objectifs militaires légitimes, les frappes sur les maisons voisines ont peut-être été indiscriminées, car elles ne semblaient pas avoir été dirigées contre une cible militaire spécifique.

Attaque contre des immeubles résidentiels de l'avenue Myru (13 mars)

Le 13 mars, deux munitions ont frappé un immeuble de neuf étages sur l'avenue Myru, et quatre autres munitions ont laissé des cratères d'impact à côté du bâtiment. Human Rights Watch a inspecté les dégâts et interrogé deux témoins de l'attaque.

Un immeuble résidentiel situé sur l'avenue Myru à Tchernihiv en Ukraine, qui a été gravement endommagé lors d’une frappe russe menée le 13 mars 2022. Photo prise le 19 avril 2022. © 2022 Belkis Wille/Human Rights Watch

Un habitant du cinquième étage de l'immeuble, qui était chez lui à ce moment-là, a estimé qu'environ la moitié des quelque 200 familles vivant dans l'immeuble étaient présentes au moment de l'attaque. Les secouristes ont dû le sauver de son appartement à l'aide d'une grue, a-t-il déclaré. Les chercheurs ont constaté de lourds dommages au bâtiment, ainsi que des dommages à quatre immeubles d'appartements nouvellement construits à proximité, dont aucun n'était habité au moment de l'attaque.

La directrice du département des soins médicaux de Tchernihiv, Tetiana Lebedeva, a déclaré le 20 avril qu'elle ne connaissait pas le nombre de morts car les autorités n'avaient pas encore retiré tous les corps des décombres. Au 28 avril, six corps avaient été retirés des décombres et identifiés. Deux habitants ont déclaré à Human Rights Watch que trois personnes - aux troisième, quatrième et sixième étages, ainsi qu'un couple et leurs trois jeunes enfants vivant au neuvième étage, la famille Manko, ont tous été tués dans l'attaque. L'un des deux résidents a déclaré qu'au moins cinq résidents de l'immeuble étaient portés disparus depuis l'attaque. « Mes amis vivaient aux troisième et quatrième étages - ils sont tous morts », a déclaré l'un des habitants. « J'avais l'habitude de leur rendre visite et maintenant ils sont tous morts. Ils gisent sous les décombres. »

Tetiana Lebedeva et les deux habitants ont déclaré qu'au moins huit personnes avaient été blessées, dont la femme de l'homme tué au sixième étage, Volodymyr Bolshak, 49 ans.

Ce n'était pas la première fois que ce bâtiment était attaqué ; une munition a frappé le septième étage vers le 7 mars, et une autre attaque avait laissé deux petits cratères dans la terre entourant le bâtiment.

Un habitant de l'immeuble a déclaré qu'il pensait avoir vu les Forces de défense territoriale dans le sous-sol du bâtiment et dans le sous-sol de l'une des tours nouvellement construites à côté au moment de l'attaque du 13 mars.

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AVANT (11 mars 2022): Satellite Image © 2022 Planet Labs Inc. Analysis & Graphics © 2022 Human Rights Watch APRÈS (18 mars 2022): Satellite Image © 2022 Planet Labs Inc. Analysis & Graphics © 2022 Human Rights Watch. Photo insert, April 19, 2022 © 2022 Belkis Wille/Human Rights Watch

Human Rights Watch a examiné des images satellite montrant l'avenue Myru, enregistrées le 11 mars (soit deux jours avant l’attaque du 13 mars) et le 18 mars (cinq jours après l'attaque). Ces images semblent indiquer la présence de barrages routiers près des immeuble résidentiels qui ont été endommagés lors de l'attaque. Plusieurs barrages routiers sont visibles le 11 mars à environ 270 mètres au sud des immeubles, à l'intersection de l'avenue Myru et de la rue Volodymyr Drozd.

L’image satellite enregistrée le 18 mars montre une fosse profonde de l'autre côté de l'avenue Myru, en face des bâtiments endommagés. Le but de la fosse reste flou, mais elle aurait pu servir à abriter un véhicule blindé. Les cratères d'impact et les bâtiments endommagés visibles sur l'image du 18 mars correspondent aux récits des témoins de l'attaque et à ce que Human Rights Watch a vu sur le site. Human Rights Watch n'a trouvé aucune notice nécrologique concernant des membres des forces armées ukrainiennes qui auraient pu être tués dans cette zone durant cette période.

La légalité ou non de cette attaque dépend en partie de la présence ou non d'unités de défense territoriale et de véhicules militaires, qui constituent des cibles militaires légitimes, sur le site. Cependant, même si les forces ukrainiennes étaient déployées à proximité ou dans le bâtiment, les forces attaquantes doivent faire la distinction entre les combattants et les civils, et les pertes civiles attendues ne peuvent pas être disproportionnées par rapport au gain militaire attendu de l'attaque. Si aucun objectif militaire n'était présent à ce moment-là, l'attaque a été illégale.

Attaque contre un lieu de distribution de pain dans la rue Dotsenka (16 mars)

Le 16 mars vers 9 heures du matin, des dizaines de personnes étaient rassemblées à une porte devant un quai de chargement du supermarché Soyouz en attendant une distribution de pain gratuit lorsqu'une munition a frappé la rue, juste devant la queue. Les autorités ukrainiennes ont signalé qu'au moins 18 personnes avaient été tuées et 26 autres blessées. Human Rights Watch a interrogé quatre témoins de l'attaque, et une personne qui est arrivés sur les lieux 30 minutes plus tard.

Dominic Serdiuk, 14 ans, a déclaré qu'il faisait la queue avec d'autres habitants du quartier qui avaient entendu dire qu'ils pouvaient obtenir du pain :

Au début, c'était calme et silencieux, mais tout à coup, il y a eu une détonation, puis de la fumée grise, puis une explosion. Les gens sont tombés par terre et puis quelque chose a commencé à puer. Je me suis retrouvé allongé sur le sol et j'ai baissé les yeux et j'ai vu une blessure et du sang sur mon genou gauche et une autre sur mon genou droit. Une vieille dame est venue et a utilisé un morceau de tissu comme pansement pour arrêter le saignement et l'a attaché au-dessus de mon genou gauche, et un homme a couvert mon genou gauche avec un tissu. Puis il m'a transporté sur ses épaules, en avançant vers ma maison. Mais avant que nous n'arrivions là-bas, quatre hommes sont venus et m'ont allongé sur une dalle de bois et m'ont emmené dans une école qui servait de clinique de fortune.

Serdiuk a reçu des soins médicaux et, interrogé le 19 avril, il pouvait marcher en boitant. Son médecin lui a dit qu'il lui manquait un fragment d'os au genou gauche.

Durant la courte période où a eu lieu cette attaque, une autre munition a touché un immeuble, 150 mètres plus loin. Un habitant de l'immeuble a déclaré que l'explosion avait provoqué un incendie qui a tué une femme vivant au premier étage de l'immeuble et une autre femme, Oleksandra, 65 ans, qui vivait au quatrième étage. Une autre voisine, Valentina Zakharovna, 73 ans, a été tuée alors qu'elle attendait dans la file d'attente pour recevoir du pain, a ajouté cet habitant.

À gauche sur la photo, l’on voit un cratère d'impact de munition, suite à une attaque russe du 16 mars 2022 qui a tué 17 personnes et en a blessé 25 autres alors qu'elles attendaient une distribution de pain dans la rue Dotsenka à Tchernihiv. Photo prise le 19 avril 2022. © 2022 Belkis Wille/Human Rights Watch

Human Rights Watch a examiné le cratère laissé par la munition et les marques sur le mur causées par l'explosion, ainsi que les restes des portes, qui avaient de nombreux trous percés par l'attaque.

Les cinq témoins ont déclaré qu'à leur connaissance, aucune force armée ukrainienne, y compris les forces de défense territoriale, ne se trouvait dans la région à ce moment-là. Un employé d'un supermarché a déclaré qu'il avait vu des soldats autour du quai de chargement pendant quelques jours fin février et début mars, mais qu'ils avaient quitté la zone quelques jours avant l'attaque. Le 19 avril, Human Rights Watch a trouvé un uniforme militaire ukrainien dans un coin de la zone du quai de chargement, mais n'a pas été en mesure de déterminer comment il est arrivé là ni quand. Human Rights Watch n'a trouvé aucune nécrologie de membres des forces armées ukrainiennes à partir de la date ou du lieu de cette attaque.

Ces frappes semblent avoir été indiscriminées, en violation de l'interdiction des attaques ne ciblant pas un objectif militaire spécifique.

Attaque contre l'Hôpital régional pour enfants (17 mars)

Le 17 mars vers 9 h 30, au moins une roquette à sous-munitions Uragan a frappé un complexe médical contenant l'Hôpital régional pour enfants de Tchernihiv de cinq étages dans la rue Pyrohova. Les responsables locaux ont déclaré que l'attaque avait tué 14 civils et blessé 24 autres.

Le schéma des taches observées sur le trottoir devant l'Hôpital régional pour enfants de Tchernihiv, après une attaque russe menée le 17 mars 2022, tendent à valider l’hypothèse de la détonation d'une sous-munition à fragmentation 9N235. Photo prise le 19 avril 2022. © 2022 Alexx Perepölov/Human Rights Watch

Human Rights Watch a interrogé deux témoins de l'attaque. Volodymyr Andriushchenko, pédiatre à l'hôpital pour enfants, a déclaré qu'au moins 20 patients se trouvaient dans le bâtiment de l'hôpital ce jour-là, dont aucun n'a été blessé lors de l'attaque. Il a déclaré que des fragments de métal avaient percé les murs et brisé les fenêtres de l'hôpital et blessé au moins un homme, qui se trouvait à l'extérieur avec un groupe de personnes en train de fumer lors de l'explosion initiale. Le blessé a ensuite été transporté à l'hôpital.

Andriushchenko a déclaré qu'après l'explosion initiale, il avait vu environ cinq explosions plus petites dans ce qui ressemblait à des feux d'artifice brillants, se déclenchant à quelques secondes d'intervalle. Après l'attaque, une voiture qui était garée devant l'hôpital était pleine de petits trous, « comme une passoire », a-t-il dit.

Andriushchenko a affirmé avoir vu plusieurs sous-munitions non explosées dans la région. Il a également trouvé un petit morceau de tige d'acier haché logé dans le cadre d’une fenêtre de son bureau, qui a apparemment été déchargé par une sous-munition lorsqu'elle a explosé.

La section cargo d'une roquette à sous-munitions Uragan, retrouvée près de l'Hôpital régional pour enfants de Tchernihiv, en Ukraine, peu après l’attaque russe menée le 17 mars 2022. © 2022 Volodymyr Andriushchenko

Le secouriste Anatolii Vasylchenko a indiqué que son équipe avait trouvé quatre sous-munitions à fragmentation 9N210 non explosées dispersées par une roquette à sous-munitions russe Uragan de 220 mm, dont une dans la cour de l'hôpital, et la section de chargement vide de la fusée qui était logée dans le sol 20 mètres du bâtiment principal de l'hôpital. Il a montré à Human Rights Watch une photographie de toutes les sous-munitions qu'il a dit avoir trouvées à l'hôpital.

Lors d’une visite effectuée sur le site le 20 avril, Human Rights Watch a identifié sept cratères d'impact distincts provenant des sous-munitions utilisées lors de l'attaque, dont cinq qui montrent des schémas de fragmentation uniformes, ainsi que de multiples trous ronds et ovales dans une fine clôture métallique, compatibles avec la détonation de munitions à fragmentation, à moins de 15 mètres de l'hôpital régional pour enfants et à 55 mètres de l'hôpital municipal n° 1 voisin, qui n'a pas été endommagé lors de l'attaque. Andriushchenko a déclaré que les attaques avaient également touché plusieurs maisons dans le quartier résidentiel entourant les hôpitaux.

Vasylchenko a déclaré qu'il n'était au courant d'aucune force militaire dans cette zone au moment de l'attaque. Human Rights Watch n'a trouvé aucune indication que les forces ukrainiennes se trouvaient à proximité à ce moment-là. Aucune notice nécrologique n'a été trouvée concernant des membres des forces armées ukrainiennes qui auraient pu être tués dans cette zone ce jour-là.

Les hôpitaux bénéficient de protections renforcées en vertu des lois de la guerre, qui rendent illégales les frappes contre ce complexe hospitalier. En outre, l'utilisation d'armes à sous-munitions était également illégale, car ce sont par nature des armes aveugles.

Attaque contre l'Hôpital n°2 de la ville de Tchernihiv (17 mars)

Le 17 mars vers 16 h 20, des munitions ont endommagé l'Hôpital municipal n° 2, situé dans un complexe médical au nord-est de Tchernihiv. Le complexe abrite également une maternité et l'hôpital municipal n° 3, qui n'ont pas été endommagés lors de l'attaque. Les autorités locales ont déclaré que deux médecins et deux infirmières ont été blessés par des éclats de verre. Human Rights Watch a interrogé deux témoins de l'attaque.

Un professionnel de la santé a déclaré qu'il se trouvait à l'extérieur de l'Hôpital municipal n° 2 à ce moment-là et qu'il avait entendu plusieurs explosions à proximité. De nombreux patients et travailleurs médicaux ont cherché refuge au sous-sol. Ensuite, l'hôpital lui-même a été touché par trois munitions, dont une sur la clinique de traumatologie.

« Le lendemain matin, nous sommes sortis et avons vu qu'au lieu de neige, tout était recouvert d'éclats de verre », a-t-il déclaré.

Lors d'une visite à l'hôpital le 20 avril, Human Rights Watch a constaté que la plupart des fenêtres avaient été soufflées et que le toit était endommagé. Des trous et des fissures étaient visibles dans certains des murs extérieurs et intérieurs.

Le professionnel de la santé a déclaré qu'il n'avait vu aucune force armée ukrainienne dans la région au moment de l'attaque. Il a vu plusieurs policiers, qui sont des civils, vérifier les papiers des personnes entrant dans le bâtiment.

Iryna Goi, responsable de la maintenance à l'hôpital, a déclaré que l'armée avait établi un point de contrôle à environ 50 mètres au sud de l'hôpital avec deux soldats qui vérifiaient les papiers des personnes.

Les images satellite du 18 mars montrent une structure qui ressemble à un barrage routier, à environ 50 mètres de l'hôpital, à peu près à l'endroit mentionné par Iryna Goi, ainsi que trois structures circulaires d'environ 4 mètres de diamètre près du barrage routier. Human Rights Watch n'a pas été en mesure de déterminer leur objectif. L'imagerie satellite à la fin avril ne montrait plus de signes des structures.

Un chercheur d'une organisation ukrainienne de défense des droits de l'homme a visité le site le 13 mai. Alors que les fosses avaient disparu, le sol de ces zones avait été récemment perturbé et les restes d'un sac de sable, souvent utilisé pour les barrières militaires, gisaient à quelques mètres.

Human Rights Watch n'a trouvé aucune notice nécrologique concernant des membres des forces armées ukrainiennes, dans le cadre de cette attaque.

Les hôpitaux bénéficient de protections renforcées en vertu des lois de la guerre, qui rendent illégales les frappes contre cet établissement. La présence d'un poste de contrôle militaire à proximité de l'hôpital ne change pas le statut protégé de l'hôpital.

Droit international humanitaire

Le droit international humanitaire rassemble les lois de la guerre qui s’appliquent au conflit armé international en Ukraine : il s’agit notamment des Conventions de Genève de 1949, du Premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève (Protocole I) et du droit international coutumier.

Les lois de la guerre obligent les parties à un conflit à faire en tout temps la distinction entre combattants et civils. Les civils ne peuvent jamais être la cible délibérée d'attaques. Les parties belligérantes sont tenues de prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages aux civils et aux biens de caractère civil. Les attaques ne peuvent cibler que des objectifs militaires. Les attaques ciblant des civils, ou qui ne font pas la distinction entre combattants et civils, ou qui causeraient des dommages disproportionnés à la population civile par rapport au gain militaire escompté, sont interdites.

Les forces doivent, dans la mesure du possible, éviter de placer des objectifs militaires – y compris des combattants, des armes et du matériel – dans ou à proximité de zones densément peuplées et s'efforcer d'éloigner les civils des environs des cibles militaires.

En vertu des lois de la guerre, les hôpitaux et autres installations médicales doivent être « respectées et protégées » en toutes circonstances. Les installations médicales restent protégées contre les attaques à moins qu'elles ne soient utilisées pour commettre des actes hostiles qui ne relèvent pas de leur fonction humanitaire. Même dans ce cas, ils ne peuvent être attaqués qu'après un avertissement fixant un délai raisonnable, et après que cet avertissement est resté lettre morte. La présence de combattants blessés ou de personnel armé assurant la sécurité des bâtiments n'affecte pas le caractère civil des installations médicales.

Les forces attaquantes ne sont pas dispensées de leur obligation de prendre en compte le risque pour les civils, y compris le devoir d'éviter de causer des dommages disproportionnés aux civils, parce que la partie défenderesse a localisé des cibles militaires à l'intérieur ou à proximité de zones peuplées. Autrement dit, la présence de forces dans une zone peuplée ne justifierait pas d'attaquer la zone sans tenir compte de la population civile menacée, y compris le devoir de distinguer les combattants des civils et de s'abstenir d'attaques disproportionnées.

Les parties belligérantes sont tenues, si les circonstances le permettent, de donner un « avertissement en temps utile et par des moyens efficaces » au sujet d’attaques susceptibles de toucher des civils. Un avertissement « efficace » tiendrait compte du moment de l'avertissement et de la capacité des civils à quitter la zone. Un avertissement qui ne donne pas suffisamment de temps aux civils pour partir vers une zone plus sûre ne serait pas considéré comme « efficace ».

L'Ukraine a approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, un engagement politique à prendre des mesures concrètes pour rendre les élèves, les enseignants et les écoles plus sûrs pendant les conflits armés, notamment en acceptant de s'abstenir d'utiliser des écoles à des fins militaires ; la Russie n’a pas souscrit à cette Déclaration, à ce jour. Les attaques illégales contre des écoles et des hôpitaux font partie des graves violations contre les enfants dans les conflits armés ; tout pays concerné devrait figurer dans la liste de pays (surnommée « liste de la honte ») cités dans le rapport annuel « Les enfants et les conflits armés » rendu public par le Secrétaire général de l'ONU.

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