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Des traces de phosphore blanc provenant de tirs d’artillerie étaient visibles dans le ciel au-dessus de Gaza, le 11 octobre 2023. © 2023 Mohammed Adeb/AFP via Getty Images

(Jérusalem) – Les alliés d'Israël et les pays qui soutiennent les groupes armés palestiniens devraient suspendre leurs transferts d’armes aux belligérants en Israël et à Gaza, compte tenu du risque réel que ces armes soient utilisées pour commettre de graves abus, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les pays qui fournissent des armes contribuant de manière avérée et significative à des attaques illégales risquent de se rendre complices de crimes de guerre.

Israël et les groupes armés palestiniens ont commis de graves abus constituant des crimes de guerre au cours des hostilités actuelles. Le Hamas et d'autres groupes armés palestiniens ont délibérément tué des centaines de civils en Israël le 7 octobre, et ont pris plus de 200 otages. Israël a ensuite coupé l’accès à l’électricité, au carburant, à la nourriture et à l’eau à Gaza et privé sa population d’aide humanitaire vitale ; ces actes constituent une forme de punition collective.

« Des civils sont punis et tués à une échelle sans précédent dans l'histoire récente d'Israël et de la Palestine », a déclaré Bruno Stagno, responsable principal du plaidoyer à Human Rights Watch. « Les États-Unis, l’Iran et d’autres pays risquent de se rendre complices de graves abus s’ils continuent de fournir une assistance militaire à des forces responsables de violations avérées des lois de la guerre. »

Les principaux alliés d'Israël – les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l'Allemagne et d'autres pays – devraient suspendre leur aide militaire et leurs ventes d'armes à Israël tant que ses forces continueront de commettre impunément contre les civils palestiniens des abus graves et généralisés constituant des crimes de guerre. L’Iran et d’autres pays devraient cesser de fournir des armes aux groupes armés palestiniens, notamment le Hamas et le Jihad islamique, tant qu’ils continueront de commettre systématiquement contre des civils israéliens des attaques constituant aussi des crimes de guerre.

Depuis le 7 octobre, environ 1 400 Israéliens et citoyens d’autres pays, ainsi que plus de 9 700 Palestiniens dont de nombreux civils, ont été tués selon les autorités locales.

Lors des hostilités actuelles, les forces israéliennes ont collectivement puni les civils de Gaza en les privant d’eau, d’électricité et de nourriture, et ont délibérément empêché la livraison d’aide humanitaire à Gaza.

Les forces israéliennes ont également utilisé à plusieurs reprises des armes explosives à large rayon d’impact dans des zones densément peuplées, réduisant en ruines des pâtés de maisons et de vastes parties de quartiers ; ceci soulève de profondes inquiétudes quant au recours à des attaques indiscriminées. Les forces israéliennes ont utilisé sans discernement des munitions au phosphore blanc, une matière incendiaire qui brûle la chair humaine et peut causer des souffrances à vie, dans des zones peuplées de Gaza et du Liban. Amnesty International a également vérifié des photos montrant des projectiles d'artillerie au phosphore blanc de 155 mm de la série M825, utilisés par les forces israéliennes près de la frontière libanaise et des barrières frontalières de Gaza.

L’armée israélienne a également ordonné à plus d’un million d’habitants du nord de Gaza d’évacuer cette zone ciblée par des opérations militaires et de se diriger vers le sud du territoire, malgré l’absence de refuges sûrs dans le sud, et de moyens de déplacement sûrs à travers la bande de Gaza. Ces avertissements généraux, plutôt que des avertissements spécifiques concernant des attaques imminentes, suggèrent que tout lieu dans le nord de Gaza risque d’être la cible d’une attaque militaire israélienne. L’ordre d’évacuation risque de provoquer des déplacements forcés massifs, ce qui constitue un crime de guerre. Israël a aussi fermé ses postes frontaliers à toute personne cherchant à fuir.

De leur côté, le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ont délibérément tué des civils, pris des civils en otages et continuent de les détenir, et  tiré des milliers de roquettes contre des communautés israéliennes ; tous ces actes constituent des crimes de guerre.

Une série de roquettes tirées vers Israël depuis la bande de Gaza illumine le ciel, le 8 octobre 2023. © 2023 AP

Les dirigeants d’Israël et des groupes armés palestiniens ont fait des déclarations indiquant que les graves exactions commises par leurs forces respectives se poursuivraient. Des responsables israéliens ont cherché à tenir l’ensemble de la population de Gaza pour responsable de l’attaque du 7 octobre ; un ministre a affirmé qu’« il n’y a aucune raison » de fournir une aide humanitaire à la population civile « jusqu’à ce que nous éliminions » le Hamas. Un porte-parole de la branche militaire du Hamas a menacé de diffuser « en son et en vidéo […] l’exécution d’un des otages civils » enlevés du pays « ennemi ».

De futurs transferts d’armes à Israël par les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l’Allemagne, dans un contexte de graves violations persistantes des lois de la guerre, risqueraient de rendre ces pays complices de ces abus s’ils y contribuaient sciemment et de manière significative, a déclaré Human Rights Watch. De même, fournir des armes aux groupes armés palestiniens, compte tenu de la persistance de leurs attaques illégales, risque de rendre l’Iran complice de ces violations.

Les abus actuels font suite à des années de violations systématiques, notamment des frappes aériennes illégales contre Gaza menées par les forces israéliennes, des tirs indiscriminés de roquettes vers des communautés civiles en Israël par des groupes armés palestiniens, et des crimes contre l'humanité d'apartheid et de persécution commis par Israël dans un contexte d’impunité.

Le président américain Joseph R. Biden a demandé au Congrès d’approuver des ventes supplémentaires d’armes à Israël, d’un montant de 14,3 milliards de dollars, au-delà des 3,8 milliards de dollars d’aide militaire annuelle que les États-Unis fournissent déjà à ce pays. Le 2 novembre, la Chambre des représentants américaine a adopté un projet de loi qui fournirait cette aide militaire à Israël. Depuis le 7 octobre, les États-Unis ont livré ou annoncé leur intention de livrer à Israël des bombes de petit diamètre, des kits de guidage de munitions d'attaque directe conjointe (Joint Direct Attack Munitions, JDAM), des obus d'artillerie de 155 mm et un million de cartouches, entre autres armes.

Depuis 2015, le Royaume-Uni a approuvé des licences d’exportation d’armes aux forces israéliennes – notamment des avions, des bombes et des munitions – d’une valeur de 442 millions de livres sterling (environ 539 millions de dollars US). Le Canada a exporté à Israël des armes d’une valeur de 47 millions de dollars canadiens (33 millions de dollars) en 2021 et en 2022. L’Allemagne a émis des licences pour la vente d’armes à Israël d’une valeur totale de 862 millions d’euros (environ 916 millions de dollars US), entre 2015 et 2019.

Les dirigeants du Hamas ont déclaré publiquement en janvier 2022 qu’ils avaient reçu au moins 70 millions de dollars d’assistance militaire de l’Iran, sans toutefois préciser durant quelle période ce soutien avait été fourni.

« Combien d’autres vies civiles devront être perdues et combien de civils devront encore souffrir à cause des crimes de guerre, avant que les pays qui fournissent des armes à Israël et aux groupes armés palestiniens ne cessent de le faire, et évitent ainsi de se rendre complices de ces atrocités ? », a demandé Bruno Stagno.

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