(Beyrouth, 23 janvier 2024) – Meta devrait prendre davantage de mesures pour protéger la sécurité des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) et de tous ses utilisateurs, en particulier sur Facebook et Instagram, ont déclaré Human Rights Watch, Social Media Exchange (SMEX), la Fondation INSM pour les droits numériques, Helem, et l’association Damj dans le cadre de la campagne #SecureOurSocials (« Sécuriser nos réseaux sociaux »), lancée aujourd’hui.
La campagne, qui s’appuie sur le travail de diverses organisations de défense des droits humains, s’inspire d’un rapport de Human Rights Watch de février 2023, « “Toute cette terreur à cause d’une photo” : Le ciblage en ligne et ses conséquences hors ligne pour les personnes LGBT au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ». Human Rights Watch a examiné l’utilisation du ciblage en ligne par les forces de sécurité et ses graves conséquences hors ligne pour le personnes concernées – notamment la détention arbitraire et la torture – dans cinq pays différents : l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Liban et la Tunisie. Les conclusions de ce rapport ont montré que les forces de sécurité utilisent les plateformes de réseaux sociaux, notamment Facebook et Instagram, pour piéger et harceler les personnes LGBT, mais aussi pour recueillir et créer des preuves en vue de les poursuivre en justice.
« Étant donné sa position de première entreprise de réseaux sociaux au monde, Meta devrait faire figure de référence mondiale en matière de sécurité des réseaux sociaux pour tous », a déclaré Rasha Younes, chercheuse senior auprès du programme Droits des personnes LGBT à Human Rights Watch. « Lorsque les personnes LGBT, qui sont déjà confrontées à l’insécurité hors ligne, utilisent Facebook et Instagram pour se connecter et s’organiser, elles devraient avoir la certitude que Meta fait tout ce qui est en son pouvoir pour garantir leur sécurité. »
La campagne #SecureOurSocials, qui s’appuie sur les recherches menées par Human Rights Watch et sur des recommandations de la société civile, vise à inciter Facebook et Instagram à faire preuve de plus de transparence et de responsabilité en publiant des données concrètes sur leurs investissements dans la sécurité de leurs utilisateurs, notamment en ce qui concerne la modération des contenus dans la région MENA et dans le monde entier.
Les personnes LGBT que Human Rights Watch a interrogées ont déclaré avoir perdu leur emploi ; avoir subi des violences familiales, notamment liées à des pratiques de conversion ; avoir dû changer de lieu de résidence et même fuir leur pays ; et avoir subi de graves conséquences sur leur santé mentale du fait d’avoir été ciblées en ligne, notamment sur Facebook et Instagram.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec des dizaines de personnes LGBT qui avaient signalé avoir été harcelées, soumises au doxxing, à la révélation de leur identité de genre et à des abus sur Facebook et Instagram. Dans tous ces cas cependant, Meta soit n’a pas répondu à leurs plaintes, soit a estimé que le contenu qu’elles avaient signalé ne violait pas ses politiques, et l’a maintenu en ligne.
Pour aider à la sensibilisation sur ces sujets, Human Rights Watch s’est associé à la drag libanaise Anya Kneez, pionnière en la matière, pour créer une courte vidéo ; HRW a également publié un guide de sensibilisation dans lequel sont prodigués des conseils sur la manière dont les personnes LGBT peuvent se protéger en ligne lorsqu’elles se servent d’applications de réseaux sociaux telles que Facebook et Instagram.
Bien que les politiques et les normes de Meta interdisent de nombreuses formes d’abus en ligne, il est fréquent que l’entreprise ne les applique pas de manière cohérente sur ses plateformes, a déclaré Human Rights Watch. Par conséquent, les contenus ciblant les personnes LGBT restent parfois sur Facebook et Instagram même lorsqu’ils violent les politiques de Meta, tandis que la plateforme supprime d’autres contenus, notamment la documentation des atteintes aux droits humains.
En décembre 2023, Human Rights Watch a par ailleurs documenté diverses formes de censure sur Instagram et Facebook affectant de nombreux posts signalant et condamnant les atteintes aux droits des Palestiniens et exprimant un soutien à la Palestine, même lorsque des contenus similaires d’autres utilisateurs ne sont pas supprimés.
La campagne #SecureOurSocials émet plusieurs recommandations pour que Meta puisse assurer la sécurité des personnes LGBT sur ses plateformes ; la campagne demande aussi à Meta de communiquer ses investissements annuels dans la sécurité et la sûreté des utilisateurs, notamment des justifications motivées expliquant comment les investissements dans la confiance et la sécurité sont effectués en proportion du risque de préjudice, pour chaque région, langue et dialecte du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Human Rights Watch a également publié un document de questions et réponses qui détaille les objectifs de la campagne, ses recommandations, et explique pourquoi elle se concentre sur Meta.
Human Rights Watch a discuté de ses préoccupations avec le personnel de Meta pendant des mois. En outre, Human Rights Watch a envoyé une lettre le 2 février 2023 au département des droits humains de Meta, en posant des questions spécifiques issues de cette recherche et en faisant la liste des conclusions du rapport avant de publier son rapport sur le ciblage en ligne. Meta a refusé de fournir une réponse écrite, bien qu’elle ait continué à dialoguer avec Human Rights Watch sur ces questions.
Le 8 janvier 2024, Human Rights Watch a envoyé une autre lettre à Meta pour informer l’entreprise de cette campagne et solliciter son point de vue.
Les entreprises de réseaux sociaux ont la responsabilité de respecter les droits humains, notamment les droits à la non-discrimination, à la vie privée et à la liberté d’expression. Elles devraient éviter de porter atteinte à ces droits et devraient également identifier et prendre en compte les impacts sur les droits humains découlant de leurs services, notamment en fournissant un accès significatif à des voies de recours, et communiquer les mesures qu’elles prennent pour remédier à ces impacts.
Lorsqu’elle modère le contenu de ses plateformes, Meta devrait notamment prendre des mesures pour s’assurer que ses politiques et pratiques sont transparentes, responsables et appliquées de manière cohérente et non discriminatoire. Meta est également responsable de l’atténuation des violations des droits humains perpétrées à l’encontre des personnes LGBT sur ses plateformes, tout en respectant le droit à la liberté d’expression.
Aussi puissantes que soient les entreprises de réseaux sociaux, les gouvernements sont les principaux dépositaires de la responsabilité de protéger les droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Les gouvernements de la région MENA devraient respecter et protéger les droits des personnes LGBT au lieu de criminaliser leur expression et de les cibler en ligne. Ils devraient introduire et appliquer des lois protégeant les personnes contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, notamment en ligne.
« Meta a sous-investi dans la sécurité de ses utilisateurs, et a sous-estimé le rôle joué par ses plateformes dans la facilitation d'abus contre les personnes LGBT dans la région », a déclaré Rasha Younes. « Meta devrait toujours être responsable de la sécurité des utilisateurs sur ses plateformes, tout particulièrement lorsqu’elle peut les protéger contre les préjudices les plus graves. »
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