Le parti au pouvoir en Géorgie envisage de réintroduire une législation très controversée sur les « agents étrangers », similaire à celle en Russie, visant à paralyser la société civile et les médias indépendants.
S’il était adopté, ce projet de loi, qui a été retiré l'année dernière à la suite de manifestations massives, exigerait que les organisations non gouvernementales et les médias financés par l'étranger s'enregistrent en Géorgie tant qu’ « agents d'influence étrangère ». Ils feraient ainsi l'objet d'un examen plus approfondi par les autorités et de sanctions, y compris des sanctions pénales. Les autorités affirment que cette loi favoriserait la « transparence », mais leurs déclarations montrent plutôt qu'elles serait utilisée pour stigmatiser et punir les voix critiques.
La Géorgie s'est vu accorder le statut de candidat à l'UE en décembre 2023, étant entendu qu'elle améliorerait les conditions de la société civile. Cette décision risque de faire vaciller son intégration à l'UE, même si l'UE s'est montrée jusqu'à présent disposée à faire avancer le processus d'adhésion, malgré des progrès limités sur les priorités de réforme de l'UE.
La défiance de la Géorgie à l'égard de l'UE concernant ses engagements en matière de société civile n'est pas si surprenante si on la replace dans le contexte régional.
La veille de l'annonce de la Géorgie, le président du Kirghizstan a signé une loi abusive sur les « représentants étrangers ». Copiée presque entièrement sur l'équivalent russe, la loi appliquerait la désignation stigmatisante de « représentant étranger » à toute organisation non gouvernementale recevant un financement étranger et se livrant à une « activité politique » vaguement définie. Le projet de loi avait été largement critiqué après sa présentation initiale en novembre 2022, notamment dans une résolution d'urgence du Parlement européen.
L'UE a eu amplement l'occasion de faire pression sur les autorités pour qu'elles rejettent ce projet de loi. Le Kirghizstan bénéficie d'un accès privilégié au marché intérieur de l'UE lié au respect des conventions internationales en matière de droits humains, conventions auxquelles cette loi contrevient clairement. Le pays est sur le point de signer un accord de partenariat renforcé avec l'UE qui met l'accent sur la démocratie et les droits fondamentaux. L'UE n'a pas dit si ces accords seraient compromis par l'adoption du projet de loi, bien que l'évaluation de la Commission européenne ait mis en évidence l'environnement désastreux du Kirghizstan pour la société civile et le non-respect par le pays de ses obligations.
La dernière vague de restrictions imposées à la société civile fait suite à la proposition législative de la Commission européenne de décembre 2023 pour une directive de l'UE sur la « transparence de la représentation d'intérêts » qui créerait un registre des organisations recevant des financements étrangers. La société civile européenne s'oppose avec véhémence à cette proposition car elle risque de réduire l'espace des organisations indépendantes sur le territoire national et de diminuer la crédibilité de l'UE lorsqu'elle s'oppose à de telles lois à l'étranger. Pourtant, la Commission est allée de l'avant. Le jour même de l'adoption de la proposition, le parlement hongrois a approuvé une loi qui donne à un organisme contrôlé par le gouvernement des pouvoirs étendus pour cibler la société civile et les médias indépendants.
Les organisations de la société civile étant menacées dans toute l'Europe et en Asie centrale, nous avons besoin d'une Union européenne qui, en paroles et en actes, protège l'espace civique et fixe les bonnes normes.
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