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La liberté des médias ne devrait pas être prise pour cible en RD Congo

Les autorités devraient annuler la suspension de Jessy Kabasele et garantir que les journalistes travaillent librement et en toute sécurité

Des journalistes assistent à un meeting dans le cadre de la campagne électorale du président Félix Tshisekedi à Goma, dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo, le 10 décembre 2023. © 2023 ALEXIS HUGUET/AFP via Getty Images

La semaine dernière, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication (CSAC) a suspendu le journaliste Jessy Kabasele pour une durée indéterminée, suite à son interview avec l'un des chanteurs les plus célèbres du pays, Koffi Olomidé, dans le cadre de l'émission Le Panier, The Morning Show. Au cours de cette interview, diffusée par la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC), Koffi Olomidé a critiqué la réponse de l'armée à l'assaut des rebelles du M23, la jugeant trop faible.

Les autorités congolaises combattent le groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda, depuis la reprise des hostilités dans la province du Nord-Kivu en 2022.

Le CSAC a accusé Jessy Kabasele de ne pas avoir recadré les propos de Koffi Olomidé, dont il estime qu'ils « sape[nt] les énormes efforts et sacrifices consentis par le Gouvernement de la République ». L'autorité de régulation des médias a convoqué Jessy Kabasele et Koffi Olomidé la semaine dernière tandis que les avocats de ce dernier auraient rencontré un procureur le 15 juillet.

L'autorité de régulation des médias du Congo a récemment entravé la couverture médiatique du conflit. En février, le CSAC a publié une directive demandant aux médias de ne pas diffuser des débats à propos des opérations de l'armée congolaise sans la présence d'au moins un « expert en la matière ». Il a également demandé aux journalistes d'éviter « les émissions à téléphone ouvert sur les opérations militaires » et de s’abstenir d'interviewer les « forces négatives », un terme vague et imprécis qui laisse la porte ouverte à des interdictions arbitraires.

En avril, le CSAC a recommandé aux médias de ne plus « diffuser les informations en rapport avec la rébellion dans l'Est de la RDC sans se référer aux sources officielles [gouvernementales] ».

Si le droit international des droits humains autorise les gouvernements à déroger à certaines de leurs obligations en matière de respect de la liberté d'expression en période d'état d'urgence, des normes strictes régissent ce que les gouvernements peuvent faire et comment ils peuvent le faire. Ces normes, qui prévoient que les restrictions doivent avoir une base juridique claire, être nécessaires et proportionnées, garantissent que l'essence de la liberté d'expression, y compris la liberté de rechercher, de recevoir et de transmettre des opinions et des informations, soit sauvegardée. Les restrictions du CSAC à la liberté d'expression et à la liberté de la presse ne sont pas conforment à ces normes.

Les cas de Koffi Olomidé et de Jessy Kabassele font écho à ceux d'autres journalistes et personnalités publiques pris pour cible par les autorités.

Le travail des journalistes congolais opérant dans les provinces de l'Est est jalonné de dangers et il convient de saluer leur dévouement et engagement. Au lieu de punir les journalistes et les citoyens pour avoir exprimé leur opinion sur une crise qui dévaste le pays, les autorités devraient protéger les droits des journalistes à travailler librement et en toute sécurité.

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