(New York) - Les réfugiés en Guinée demeurent exposés à de graves violations des droits de l'homme perpétrées par les autorités guinéennes et des vigiles civils, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.
Le personnel guinéen de sécurité et des civils harcèlent régulièrement les réfugiés, près de leurs camps ou lorsqu'ils se déplacent dans le pays, en direction d'endroits plus sûrs. Les points de contrôle, le long des routes, sont des lieux particulièrement dangereux. Les réfugiés y sont soumis à des fouilles au corps arbitraires, des coups, des agressions sexuelles et des extorsions d'argent. Human Rights Watch a également recueilli des informations sur des cas de réfugiés torturés ou battus à mort, lors de leur détention dans la prison de Forecariah, au sud est de Conakry.
« Ces gens fuient de terribles guerres civiles et ne devraient pas subir des abus supplémentaires quand ils atteignent le lieu où ils pensaient trouver refuge », affirme Peter Takirambudde, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Ce n'est pas simplement un argument moral, c'est un fait relevant du droit international. La Guinée doit se montrer à la hauteur de ses responsabilités. »
Pendant dix ans, la Guinée a accueilli plusieurs centaines de milliers de réfugiés qui avaient fui les conflits au Libéria et en Sierra Leone. Ceci représente l'une des populations réfugiées les plus importantes d'Afrique. Seul le nombre de réfugiés en Tanzanie est supérieur mais ce pays est lui-même plus grand.
Plus de 40 000 de ces réfugiés ont récemment été déplacés de la zone frontière soumise aux combats vers les camps de l'intérieur du pays. Malgré cette amélioration, Human Rights Watch estime que la sécurité à long terme des réfugiés est toujours menacée.
Les réfugiés possèdent très peu d'informations concernant la situation dans les nouveaux camps, sur les routes de Guinée ou dans leurs pays d'origine. Ils ont de plus beaucoup de difficultés à accéder au bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et à obtenir son aide. Le nombre de responsables du HCR en charge de la protection des réfugiés, dans le reste de la Guinée, est insuffisant. De plus, ce personnel change très fréquemment.
De nombreux réfugiés ont été arrêtés pour des raisons aussi arbitraires que leur âge ou leur taille. Ils ont été emprisonnés pour des périodes pouvant atteindre plusieurs semaines dans les centres de détention de Forecariah, Guéckédou et Kissidougou, souvent sans inculpation. Par ailleurs, les réfugiés sont d'autant plus exposés à tous ces abus qu'il n'existe pas de document d'identification valable distribué par le gouvernement guinéen.
De nombreux Guinéens rendent les réfugiés responsables du conflit à la frontière. Si les inquiétudes de la Guinée en matière de menaces sur sa sécurité nationale sont légitimes, celles-ci n'excusent ni le harcèlement, ni les menaces physiques qui condamnent les réfugiés en Guinée à vivre dans un état de peur permanente, a déclaré Human Rights Watch.
Depuis septembre 2000, une alliance de rebelles sierra léonais du Front Révolutionnaire Uni (RUF) et de forces armées libériennes ont, de façon répétée, attaqué et brûlé des camps de réfugiés et des villages guinéens, le long de la frontière. Ils ont tué, blessé, enlevé et forcé leurs habitants à la fuite. Le gouvernement libérien a également lancé des attaques transfrontalières, accusant la Guinée de fournir appui et abri à un groupe rebelle libérien, les Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie (LURD).
En septembre 2000, le Président guinéen, Lansana Conte a prononcé un discours virulent, blâmant sans distinction les réfugiés pour la déstabilisation à la frontière et faisant appel à la population guinéenne pour qu'elle défende son pays contre les invasions étrangères. Suite à ce discours, la police, les soldats et les milices civiles ont lancé de vastes et violentes attaques contre des milliers de réfugiés dans les camps et dans la capitale, Conakry. Dans les mois qui ont suivi, des attaques transfrontalières, en Guinée, des forces libériennes et des rebelles sierra léonais du RUF ont entraîné la mort de centaines de Guinéens et de réfugiés et le déplacement de milliers de réfugiés et d'habitants de ces zones.
Les réfugiés en Guinée font face à des choix qui tous comportent des risques pour leur sécurité personnelle à long terme. Ils peuvent rester dans la zone frontière, soumise à des combats, se rendre dans les nouveaux camps, à l'intérieur de la Guinée où ils sont davantage susceptibles de subir l'hostilité des populations locales ou rentrer en Sierra Leone ou au Libéria, deux pays encore très instables.
Récemment, le HCR en Guinée s'est concentré sur le déplacement des réfugiés de la zone frontière. L'opération s'est achevée en mai 2001 mais il reste encore de nombreux réfugiés dans la zone frontière où ils sont maintenant entièrement privés de protection internationale. De plus, les gouvernements des pays donateurs ne sont pas parvenus à fournir les fonds nécessaires pour l'assistance et la protection des réfugiés en Guinée.
Human Rights Watch a accueilli la mise en œuvre du processus de déplacement comme un pas majeur vers une protection accrue des réfugiés. Cependant, Human Rights Watch encourage fermement le HCR à porter plus d'attention aux abus commis contre les réfugiés par les autorités guinéennes et les civiles hostiles à leur présence.