(New York, le 17 juillet 2010) - L'Ouganda devrait mettre fin immédiatement aux rapatriements forcés de réfugiés et demandeurs d'asile rwandais provenant de deux camps situés près de sa frontière sud-ouest avec le Rwanda, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
« Le retour en masse et sous la contrainte de réfugiés et demandeurs d'asile constitue une infraction fondamentale aux obligations internationales de l'Ouganda », a indiqué Bill Frelick, directeur du programme Réfugiés de Human Rights Watch. « Le gouvernement ougandais est censé protéger les personnes qui cherchent asile sur son territoire, et non les mettre en danger. »
L'opération a eu lieu dans un climat de pression croissante imposée par le Rwanda aux pays voisins, afin que ces derniers renvoient les réfugiés rwandais vers leur pays d'origine. Cette pression n'a cessé de s'accentuer au cours des derniers mois, faisant craindre d'autres rapatriements de force.
Les 14 et 15 juillet 2010, dans les camps de Nakivale et de Kyaka, la police ougandaise a rassemblé plus de 1 700 Rwandais, y compris des réfugiés reconnus en tant que tels, et les a renvoyés de force au Rwanda. D'après certains témoignages, la police rwandaise aurait été présente pendant l'opération.
Les autorités ougandaises auraient fait rassembler les Rwandais autour de camions sous le prétexte d'une distribution de nourriture et de l'annonce des décisions d'appel concernant les demandes d'asile. La police et les autorités du camp ont alors contraint les Rwandais à monter dans les camions sous la menace de leurs armes. Dans le mouvement de panique qui s'est ensuivi et au cours duquel des coups de feu ont été tirés, au moins 25 personnes ont été blessées.
Selon les informations obtenues, deux personnes sont mortes en sautant des camions pour tenter d'échapper à ce transfert forcé. Plusieurs enfants ont été séparés de leurs parents.
D'après le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), les gouvernements rwandais et ougandais ont organisé conjointement ce rapatriement de force, en court-circuitant l'agence de l'ONU. Le HCR a également indiqué que son personnel avait été invité à quitter le camp lorsque les autorités ont commencé à rassembler les Rwandais.
Le 15 juillet, le HCR a reçu un courrier du ministre rwandais de la gestion des catastrophes et des refugiés lequel informait l'agence que, pour recevoir les rapatriés, son gouvernement avait l'intention de reprendre la direction d'un centre de transit que le HCR avait utilisé antérieurement. Le centre de transit de Rukomo, situé à Byumba dans le nord du Rwanda, a une capacité de quelques centaines de personnes seulement et ne dispose pas des installations de base suffisantes pour répondre aux besoins d'un afflux plus important.
Les médias ont rapporté une déclaration de Tarsis Kabwegyere, le ministre ougandais chargé des réfugiés et de la prévention des désastres, dans laquelle ce dernier prétendait que seuls les demandeurs d'asile déboutés avaient été renvoyés.
Cependant, des témoins de l'opération ont indiqué qu'aucune forme de distinction n'avait été tentée avant l'embarquement dans les camions et que, parmi ceux qui avaient été renvoyés, certains avaient reçu le statut de réfugié. Le HCR a confirmé dans une déclaration que « des réfugiés au statut reconnu faisaient partie des personnes rapatriées ».
Human Rights Watch a insisté auprès du gouvernement ougandais afin que tous les demandeurs d'asile rwandais encore sur son territoire puissent bénéficier d'une procédure individuelle équitable permettant d'établir leur statut de réfugié et de respecter leurs droits.
L'Ouganda abrite plus de 15 000 réfugiés rwandais, d'après les chiffres de l'agence onusienne pour les réfugiés. Certains ont fui leur patrie à la suite du génocide de 1994, d'autres sont arrivés plus récemment jusqu'en 2009 et 2010. La plupart vivent à Nakivale et Kyaka, et ce, dans des conditions difficiles. Dernièrement, on leur a refusé l'accès à des terres à cultiver, dans le cadre d'un train de mesures destinées à les inciter au retour.
D'après le HCR, cette année, l'Ouganda a rejeté 98 % des demandes d'asile déposées par des Rwandais. Or, de nombreux demandeurs d'asile de ce pays affirment qu'il est risqué pour eux de rentrer chez eux. Ils invoquent notamment leurs craintes à propos du système de justice (notamment des tribunaux communautaires appelés gacaca, chargés de juger les affaires de génocide), les litiges concernant les terres, ainsi que la répression politique.
Le gouvernement du Rwanda s'efforce depuis longtemps de faire revenir ses ressortissants réfugiés dans les pays voisins. Pour ce faire, il a poussé les gouvernements concernés à coopérer aux rapatriements. Outre l'Ouganda, le Burundi et la Tanzanie ont, à plusieurs reprises ces dernières années, renvoyé de force des réfugiés vers le Rwanda sans examiner leur situation individuelle.
Human Rights Watch a apporté des preuves sur des violations régulières et graves des droits humains au Rwanda, notamment une aggravation de l'insécurité et de la répression politique à l'approche des élections présidentielles du 9 août, ainsi que des problèmes relatifs au système de justice.
« Cette opération menée par les gouvernements rwandais et ougandais ignore totalement les droits des réfugiés qui craignent, à juste titre, de retourner au Rwanda », a précisé Bill Frelick. « À cause de ces événements, les réfugiés et demandeurs d'asile rwandais qui se trouvent encore en Ouganda et dans d'autres pays voisins vont paniquer à l'idée qu'ils pourraient être rapatriés contre leur volonté. »