(Genève, le 7 juin 2013) — Les États membres des Nations Unies devraient porter une attention urgente et proposer une action décisive pour améliorer les conditions des femmes dalits, ont déclaré aujourd’hui quatre organisations non gouvernementales dont Human Rights Watch. L’appartenance à une caste jugée indésirable et leur sexe féminin rend des millions de femmes dalits particulièrement vulnérables à la discrimination et à la violence, y compris au viol, à la prostitution forcée et à des formes modernes d’esclavage.
« Beaucoup de femmes dalits sont exposées aux pires formes de discrimination », a expliqué Rashida Manjoo, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la violence contre les femmes. « La réalité des femmes et des filles dalits est marquée par l’exclusion et la marginalisation, elle perpétue leur position subordonnée dans la société et accroît leur vulnérabilité au cours des générations. »
Le 4 juin dernier, lors d’un événement parallèle au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies concernant les formes multiples et convergentes de discrimination et de violence envers les femmes dalits et les femmes d’autres communautés touchées, les quatre ONG - International Movement Against All Forms of Discrimination and Racism (IMADR), Human Rights Watch, Minority Rights Group International et le Réseau international de solidarité des Dalits (IDSN) - ont appelé les Etats membres de l’ONU à soutenir les efforts visant à éliminer les discriminations basées sur le sexe et la caste.
Les multiples formes de discrimination et de violence envers les femmes dalits ont pour la plupart été négligées jusqu’à maintenant, mais certains organismes de défense des droits de l’homme des Nations Unies, y compris les rapporteurs spéciaux et le Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme, ont commencé à prêter attention à cette grave question des droits humains.
Des femmes dalits originaires de quatre pays d’Asie du Sud touchés par le système des castes ont pris part à l’événement parallèle et ont lancé des appels pressants à la communauté internationale ainsi qu’à leurs propres gouvernements, pour lutter contre cette discrimination. C’était la première fois qu’un événement de l’ONU se concentre exclusivement sur la situation des femmes dalits, dont la lutte courageuse pour les droits humains a fait un long chemin au cours de la dernière décennie.
S’adressant à la rencontre dans une déclaration écrite, la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Mme Navi Pillay, a réitéré son « plein engagement pour contribuer à l’éradication de la discrimination de caste et de l’intouchabilité et de l’exclusion profondément enracinée qui y est liée, ainsi que de l’exploitation et de la marginalisation des femmes dalits et d’autres groupes touchés ».
Navi Pillay, qui a parlé avec force contre la discrimination de caste à plusieurs occasions, a également appelé les Etats membres de l’ONU à « relever sérieusement le défi de la lutte contre la discrimination fondée sur la caste et les violations des droits humains qui en découlent, en mobilisant l’ensemble de leurs institutions compétentes à cette fin ».
L’ambassadeur de la Mission allemande auprès des Nations Unies, Hans Heinrich Schumacher, a dit qu’il avait été « choqué » lors de la collecte d’informations sur la situation des femmes dalits et a réalisé « l’urgence et toute la dimension du problème ».
Le fait que de nombreux Etats ont sponsorisé l’événement démontre l’augmentation de l’attention internationale à la situation des femmes dalits – un intérêt qui doit maintenant être transformé en une action concrète de la communauté internationale ainsi que des pays touchés par le système des castes.
Un de ces pays est l’Inde, où vivent près de 100 millions de femmes dalits. Bien qu’il existe des lois en place pour les protéger, la mise en œuvre demeure un obstacle.
« De nouvelles lois sont inutiles si elles ne sont pas mises en œuvre, comme nous l’avons vu avec les efforts précédents pour assurer la protection des droits des femmes dalits », a déclaré Juliette de Rivero, directrice de plaidoyer pour Human Rights Watch à Genève.
Plusieurs participants au colloque ont noté qu’un des problèmes majeurs réside dans l’absence de mise en œuvre de la législation qui vise à protéger les dalits. Manjula Pradeep, directrice de Navsarjan Trust, une ONG indienne pour les droits des dalits, a souligné l’importance de collecter davantage de données sur la situation des dalits et a déclaré qu’il est temps de s’attaquer aux discriminations générées par l’effet combiné de la caste et du genre.
De nombreuses victimes dalits de discrimination de caste et de genre vivent en Asie du Sud. Mais des formes semblables de discrimination se manifestent ailleurs, comme l’a rappelé Mariem Salem, une parlementaire de Mauritanie et appartenant elle-même à un groupe cible de telles discriminations, les Haratines, qui sont les descendants d’anciens esclaves. Elle a noté que les attitudes et perceptions sociales qui stigmatisent les Haratines sont un « défi majeur pour les femmes Haratines.» Elle a ajouté que « certaines tâches continuent de leur être attribuées à cause de leur statut hiérarchique inférieur », une description qui pourrait également s’appliquer aux femmes dalits en Asie du Sud.