Au Cameroun, la suspension des cours donnés par un professeur d’université fait craindre que le gouvernement ne musèle tous ceux qui osent aborder le sujet de la crise en cours dans les régions anglophones du pays.
Depuis fin 2016, celles-ci sont le théâtre de violences qui opposent forces gouvernementales et groupes séparatistes armés et ont fait des milliers de morts.
Le gouvernement a nié de manière répétée la responsabilité de ses forces de sécurité dans les exactions commises dans le cadre de ce conflit, mais il semble maintenant aller encore plus loin.
Le 20 avril, le ministre de l’Enseignement supérieur a adressé à la faculté de Buea une lettre qui affirme que le professeur de droit Felix Agbor Nkongho, également connu sous le nom de Felix Agbor-Balla, aurait porte atteinte à « l’éthique et à la déontologie universitaire», appelant le recteur à prendre des mesures. Les cours d’ Agbor Balla ont ensuite été suspendus.
Selon Agbor-Balla, qui s’est entretenu avec Human Rights Watch, cette décision est liée à un devoir dans lequel il avait demandé à ses étudiants de réfléchir aux raisons de la crise dans les régions anglophones. Il a ajouté que cela ne visait qu’à amener les étudiants en droit à exercer leur sens critique et à replacer la crise actuelle dans un contexte juridique.
« Je ne fais pas de politique en classe », a-t-il déclaré.
Un représentant du ministère de l’Enseignement supérieur a déclaré à Radio France Internationale qu’Agbor-Balla aurait « transformé sa salle de classe en un lieu de campagne politique ».
Ce n’est pas la première fois que des enseignants se retrouvent en difficulté pour avoir abordé l’actualité camerounaise. Le 13 septembre 2019, un enseignant du lycée d’Avebe-Esse, village de la région du Sud, avait été arrêté après avoir mentionné à ses élèves que le gouvernement envisageait d’autoriser le chef de l’opposition emprisonné, Maurice Kamto, à participer à un dialogue national. L’enseignant a été remis en liberté cinq jours plus tard.
Agbor-Balla avait été arrêté en janvier 2017 pour avoir organisé des manifestations pacifiques à Buea avec d’autres militants anglophones. Accusé par un tribunal militaire en vertu de la loi antiterroriste, il a finalement été relâché en août 2017 et toutes les charges à son encontre abandonnées.
Depuis, il plaide pour le respect des droits humains dans le cadre de cette crise, dénonçant les violations perpétrées par les militaires et les séparatistes armés.
Les étudiants devraient être encouragés à débattre des questions les plus urgentes de l’actualité. La suspension des cours d’Agbor-Balla montre toutefois que le gouvernement préfère étouffer de tels débats.
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Au #Cameroun, la suspension des cours d’un professeur de #droit qui avait abordé le thème de la crise dans les régions #anglophones est un nouveau signe inquiétant de #censure, selon @LewisMudge @hrw. https://t.co/wXNwtLBoxn
— HRW en français (@hrw_fr) May 1, 2020