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Urgence au Myanmar : Au G7, le Président Macron devrait pousser pour des sanctions plus fortes

Publié dans: Le Monde
Un policier avec le doigt sur la gâchette de son fusil, photographié devant des manifestants protestant contre le coup d'État à Yangon, au Myanmar, le 19 février 2021. © 2021 AP Photo

Quatre mois se sont écoulés depuis le coup d’Etat militaire au MyanmarQuatre mois de protestations contre la junte qui a renversé un gouvernement nouvellement élu. Quatre mois de tirs sur des manifestants pacifiques. Quatre mois d’arrestations arbitraires de fonctionnaires civils, de leaders de la contestation et de journalistes.

En quatre mois seulement, les forces de sécurité ont tué plus de 800 personnes et en ont détenu des milliers, dont certaines ont été victimes de disparitions forcées, augmentant le risque de torture et d’exécutions sommaires.

Parallèlement, l’escalade des combats et la vulnérabilité accrue dans les zones de minorités ethniques ont forcé au moins 175 000 personnes à fuir leur foyer. Dans tout le pays, les médias sont fermés et l’accès à Internet est presque inexistant. Les conditions humanitaires et l’insécurité alimentaire s’aggravent partout. L’ONU a prévenu que la moitié de la population au Myanmar, soit environ 25 millions de personnes, pourrait vivre sous le seuil de pauvreté national d’ici début 2022.

La réponse du président Emmanuel Macron à cette catastrophe n’a pas encore été à la hauteur de la gravité de la situation. Le 11 juin, le président de la République se rendra au Royaume-Uni pour rencontrer les autres dirigeants du G7. Ce doit être l’occasion pour lui de faire preuve d’audace et de travailler plus étroitement avec les principaux gouvernements pour une réponse internationale plus ferme et robuste face aux graves crimes de la junte au Myanmar.

Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, et le Canada ont déjà imposé une série de sanctions de plus en plus sévères aux dirigeants de la junte et aux entreprises qu’ils contrôlent, principales sources de revenus de l’armée. L’Union européenne (UE) est en train elle aussi de préparer un nouveau jeu de sanctions qui devrait être adopté le 21 juin lors du prochain Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne.

Il est impératif que ces sanctions visent les revenus du secteur pétrolier et gazier au Myanmar et que la France adopte une approche volontariste et proactive pour emmener ses partenaires européens et internationaux vers cet objectif urgent. Aujourd’hui, les Etats-Unis et d’autres partenaires clés du G7 étudient les possibilités de bloquer l’accès de la junte aux revenus du gaz naturel, qui constituent la principale source de devises étrangères de l’armée (environ 1 milliard de dollars par an), argent que l’armée utilise pour acheter des armes, payer ses réseaux clientélistes et maintenir son emprise sur le pouvoir.

Le gouvernement français n’a pas signalé publiquement son soutien à de telles mesures. Total, géant français de l’énergie, produit plus de la moitié des revenus du gaz perçus par la junte, et compte tenu des liens étroits et historiques de la société avec le gouvernement français, il est possible que cela ait une incidence sur les décisions du président Macron.

Total a récemment annoncé avoir suspendu certains dividendes d’une société de gazoducs qu’il contrôle, ce qu’il est autorisé à faire en vertu d’un contrat. Bien que les montants en jeu soient relativement faibles cette action montre une reconnaissance que les paiements à la junte sont éthiquement problématiques et créent des risques pour la réputation du groupe.

Total a également déclaré qu’il se conformerait à de futures sanctions si les gouvernements les imposaient – ce qui semble indiquer que l’entreprise estime qu’en l’absence de sanctions, elle ne peut pas interrompre d’autres paiements plus importants (comme les redevances, dividendes, droits de douanes, frais et taxes) qu’elle est légalement tenue de payer en vertu de son contrat ou de la loi au Myanmar.

Mais Total a aussi exprimé sa crainte que des sanctions plus sévères ne l’obligent à abandonner ses opérations de gaz naturel au Myanmar. L’entreprise craint peut-être que cette mesure ne crée un précédent pour les gouvernements qui pourraient l’obliger à quitter d’autres pays violant les droits humains. Total a également fait valoir que l’arrêt des opérations de gaz naturel entraînerait des coupures d’électricité au Myanmar et nuirait à la population, et non aux militaires.

Emmanuel Macron ne devrait pas se laisser convaincre par ces arguments erronés. Les responsables américains sont conscients des préoccupations relatives à la production de gaz et ont spécifiquement envisagé des sanctions adaptées qui mettraient fin à l’accès de la junte birmane aux revenus du gaz sans affecter la production, des mesures ciblant les comptes bancaires qui traitent les transactions de revenus du gaz pour la junte, sans toucher aux opérateurs gaziers eux-mêmes.

Et même avec des sanctions imposées directement aux opérations gazières au Myanmar, les gouvernements peuvent accorder des « licences » pour permettre à la production de se poursuivre – et au gaz naturel d’être livré au Myanmar pour l’électricité – tout en bloquant les paiements bancaires. Dans un contexte différent, ce type d’approche a été utilisé en Libye.

La junte ne changera de comportement que si son moteur économique est menacé. Et comme les revenus du gaz en constituent l’essentiel, les Etats qui cherchent à mettre fin à la crise au Myanmar devraient se concentrer sur ce point. Le président français devrait soutenir de telles mesures et travailler avec les partenaires du G7 pour les rendre efficaces.

La coordination et l’unité sont essentielles. Les paiements en devises à la junte – non seulement pour le gaz mais aussi pour les pierres précieuses, le jade, le bois et d’autres ressources extractives – sont principalement effectués en dollars américains, mais il est à craindre que la junte, confrontée à des sanctions croissantes, ne demande bientôt aux entreprises de passer à d’autres devises. Une action coordonnée du G7 et de l’UE en matière de sanctions rendrait cela intenable.

Lors de la première visite à Bruxelles du président Joe Biden, juste après le G7, le président Macron et les autres gouvernements, travaillant de concert, peuvent envoyer un message fort et clair à la junte : les atrocités commises en toute impunité ont des conséquences, et le refus de s’engager dans le rétablissement d’une gouvernance démocratique aura un coût élevé pour leurs intérêts économiques et pour leur position sur la scène internationale.

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