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Nigeria : L’impact du Covid-19 aggrave le problème de la faim à Lagos

Un soutien gouvernemental inadéquat met en évidence la nécessité d’un système élargi de protection sociale

(Abuja, le 28 juillet 2021) – L’impact économique de la pandémie de Covid-19 a aggravé la détresse des familles indigentes dans l’État de Lagos, au Nigeria, et a mis de nombreuses personnes en difficulté pour se procurer de la nourriture et subvenir à d’autres besoins essentiels, ont déclaré Human Rights Watch et Justice & Empowerment Initiatives (JEI) dans un rapport publié aujourd’hui. Le nombre de Nigérians qui souffrent de la faim a doublé durant la pandémie.

Ce rapport de 87 pages, intitulé « “Between Hunger and the Virus”: The Economic Impact of the Covid-19 Pandemic on People Living in Poverty in Lagos, Nigeria » (« “Entre famine et virus” L’impact économique de la pandémie de Covid-19 sur les habitants indigents de Lagos, au Nigeria »), documente comment un confinement sanitaire de cinq semaines, la hausse des prix des denrées alimentaires et une récession économique prolongée se sont combinés, avec un impact dévastateur sur des travailleurs du secteur informel, des habitants de bidonvilles et d’autres familles pauvres de la zone urbaine de Lagos. L’absence d’un système efficace de sécurité sociale signifie que l’aide gouvernementale, sous forme d’allocations d’argent et d’assistance alimentaire, n’est parvenue qu’à une fraction des familles qui souffrent de la faim.

« Pour de nombreuses familles de Lagos, l’inquiétante réalité de la crise du Covid-19, c’est la faim et les privations », a déclaré Anietie Ewang, chercheuse sur le Nigeria à Human Rights Watch. « Dans un contexte où de nombreuses personnes doivent lutter chaque jour simplement pour survivre, la pandémie a mis en lumière la nécessité cruciale d’un système efficace de sécurité sociale afin de permettre à tous les Nigérians d’atteindre un niveau de vie adéquat. »

La Banque mondiale a prédit, en janvier 2021, que la crise du Covid-19 aura pour effet de placer 10,9 millions de Nigérians supplémentaires en situation de pauvreté d’ici à 2022, c’est-à-dire que ces personnes vivront en-dessous du seuil national de pauvreté, avec un revenu d’environ 1 dollar par jour. Dans l’État de Lagos, les niveaux élevés de pauvreté urbaine – la plupart des plus de 20 millions d’habitants de l’État vivent dans des bidonvilles ou dans des zones de peuplement non structuré – ont rendu de nombreuses personnes vulnérables à l’impact économique de la pandémie.

Entre mai 2020 et mars 2021, Human Rights Watch s’est entretenu avec plus de 60 personnes membres de 13 communautés dans l’État de Lagos, menant plusieurs séries d’interviews afin de documenter l’évolution de la pandémie. Human Rights Watch a également analysé des études réalisées par le Bureau national des statistiques du Nigeria (NBS) et par JEI et la Nigerian Slum/Informal Settlements Federation (Fédération nigériane des habitants de bidonvilles et de zones de peuplement non structuré, NS/ISF), une organisation qui fait du plaidoyer pour les personnes vivant dans la pauvreté.

Des femmes nigérianes faisaient la queue pour recevoir des paquets de nourriture distribués par des volontaires de l’ONG Lagos Food Bank Initiative, dans le quartier de Oworoshoki, dans la banlieue de Lagos au Nigeria, le 10 juillet 2021. © 2021 Temilade Adelaja / Reuters

Des habitants de Lagos ont déclaré que la crise du Covid-19 avait eu un effet négatif sur leur capacité d’accès à la nourriture et à des moyens de subsistance, laquelle était déjà fragile avant la pandémie. Margaret Okuomo, une mère de sept enfants vivant à Ago Egun Bariga, a perdu son emploi de femme de ménage en mars 2020. Elle a rapidement épuisé ses maigres économies et s’est retrouvée dans l’incapacité de nourrir ses enfants. « Nous [mangeons] le matin et parfois, le soir, nous faisons tremper deux poignées de garri [aliment traditionnel à base de manioc] avant de nous coucher », a-t-elle dit. Human Rights Watch a analysé des données du NBS et a constaté que la moitié des ménages ayant fait l’objet d’une étude en mai, en août et en novembre 2020, avaient épuisé leurs réserves de nourriture lors des 30 jours précédents, contre un quart des ménages étudiés en 2018 et 2019.

Okuomo a trouvé un nouvel emploi, dans lequel elle est chargée de balayer des routes, en novembre 2020 mais, du fait de la hausse des prix des denrées alimentaires, elle a toujours du mal à rembourser des emprunts contractés durant la pandémie. Les données du NBS montrent que près d’un tiers des personnes ayant fait l’objet de l’étude en août 2020 s’étaient endettées lors de la crise du Covid-19. Plus de la moitié des foyers avaient utilisé ces prêts pour acheter de la nourriture.

L’impact économique de la pandémie a souligné l’importance du droit à un système de protection sociale, qui oblige les États à recourir à une gamme de mesures, telles que des indemnités de chômage, des versements d’argent et de l’aide alimentaire, pour faire en sorte que les citoyens puissent atteindre un niveau de vie adéquat.

Avant la pandémie de Covid-19, le Nigeria était dépourvu d’un système opérationnel de protection sociale, et la Banque mondiale a déclaré en 2019 que sur les 40 % des ménages les plus pauvres du pays, seuls 4 % avaient accès à une forme quelconque de filet de protection sociale.

En juin 2020, le gouvernement fédéral a adopté un Plan de durabilité économique de 2,3 trillions de naira (6 milliards de dollars)  qui incluait des fonds destinés à étoffer un programme fédéral d’allocations d’argent. Ces transferts d’argent ont atteint 921 445 foyers entre mars et avril 2020 mais se sont réduits alors que la crise se prolongeait, bénéficiant à 400 734 foyers en novembre et décembre 2020. Le gouvernement fédéral et celui de l’État de Lagos ont également fourni une aide alimentaire lors de la pandémie, les responsables du gouvernement de l’État affirmant que les dons en nourriture étaient parvenus à environ 500 000 personnes.

Cependant, ces allocations en argent et en nourriture et les autres formes d’assistance gouvernementale se sont révélées très insuffisantes par rapport aux besoins. Les données du NBS d’avril et de mai 2020 ont montré qu’un peu plus de 2 % seulement des foyers avaient perçu des allocations en argent depuis le début de la pandémie et seulement 12 % avaient reçu une aide alimentaire, alors que plus de la moitié d’entre eux avaient épuisé leurs réserves de nourriture lors des 30 jours précédents. En novembre 2020, seulement 0,6 % des foyers avaient perçu des allocations en argent lors du mois précédent et 3,5 % avaient reçu une assistance alimentaire, alors que près de la moitié avaient récemment épuisé leurs réserves de nourriture.

À Lagos, l’aide gouvernementale a eu un impact encore plus limité, en partie à cause des lenteurs du processus par lequel le gouvernement de l’État enregistre les personnes habilitées à percevoir des allocations du gouvernement fédéral. Les habitants de Lagos, bien que représentant plus de 10 % de la population du Nigeria, n’ont perçu que moins de 1 % des allocations en argent versées dans le pays entre mars et décembre 2020. Un nouveau programme d’allocations d’argent en réponse rapide, visant à atteindre 1 million de personnes supplémentaires dans tout le pays, a démarré en janvier 2021 mais, au moment de la rédaction de ce rapport, n’était pas encore pleinement opérationnel.

« Nous avons entendu parler de tout cet argent que le gouvernement local était censé recevoir pour lutter contre le Covid-19 – des milliards de naira – et le gouvernement parlait de toute cette nourriture qu’il distribuait, mais la plupart des communautés n’en ont jamais reçu », a déclaré Anthony Sylvanus, un professionnel de la santé de la communauté de Lagos et membre de la NS/ISF.

En réponse à la pandémie de Covid-19, le gouvernement a porté davantage d’attention à l’expansion des filets de protection sociale. Les réformes essentielles nécessaires devaient inclure la reconnaissance juridique du droit des Nigérians à un système efficace de protection sociale, la mise en place, aux niveaux national et de chaque État, de stratégies visant à concrétiser ce droit, l’expansion des allocations d’argent et d’autres programmes adoptés en réponse à la pandémie de Covid-19, et de nouveaux droits à prestations, tels que les indemnités de chômage pour les employés du secteur informel, lesquels constituent des éléments clés d’un tel système.

« Un accroissement de l’investissement dans la protection sociale devrait être l’un des changements essentiels découlant de la pandémie de Covid-19 », a affirmé Anietie Ewang. « Les gouvernements, tant au niveau fédéral que de chaque État, ainsi que les partenaires internationaux du Nigeria, devraient faire en sorte que les familles nigérianes puissent négocier les effets économiques dévastateurs de la pandémie dans la dignité. »

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