Le 13 février 2020, le célèbre chanteur rwandais Kizito Mihigo avait été arrêté et accusé d’avoir tenté de se rendre illégalement au Burundi pour rejoindre des « groupes terroristes » et violé les conditions de sa sortie de prison en 2018.
Les ennuis de Kizito Mihigo, un rescapé du génocide, ont commencé en 2014 après la publication d’une chanson dans laquelle il exprimait sa compassion non seulement pour les victimes du génocide de 1994, mais aussi pour tous ceux qui ont perdu la vie « du fait d’un génocide, d’une guerre, d’un massacre en représailles, d’une disparition dans un accident ou d’une maladie ». Pour beaucoup au Rwanda, ces paroles ont été largement interprétées comme l’expression de sympathie de la part d’un Tutsi rescapé du génocide vis-à-vis des Hutus tués par les soldats du parti actuellement au pouvoir, le Front patriotique rwandais (FPR), remettant en cause le récit officiel selon lequel ces meurtres commis en représailles étaient des cas isolés traités en interne.
Quatre jours après l’arrestation de Kizito Mihigo, le 17 février, la police nationale rwandaise a annoncé qu’il avait été retrouvé mort dans sa cellule de police à Kigali, concluant à un suicide présumé.
Je connaissais Kizito Mihigo. Nous nous étions rencontrés quelques années auparavant, mais notre amitié a débuté avec sa détention arbitraire en 2014 et sa condamnation en 2015 pour des crimes avoués sous la contrainte. Des contacts en prison nous ont mis en contact et nous avons communiqué régulièrement. Lorsqu’il a été libéré en 2018, il m’a dit qu’il s’attendait à ce que les autorités le renvoient en prison à tout moment.
Compte tenu des exécutions extrajudiciaires régulières d’opposants politiques à l’intérieur et à l’extérieur du Rwanda, et de la tendance bien documentée des détracteurs du gouvernement de ce pays à disparaître ou à mourir dans des circonstances mystérieuses, le décès de Kizito Mihigo paraît extrêmement suspect. Le droit à la vie prévu par le droit international des droits humains tient les gouvernements pour responsables des décès en détention, en particulier dans les cas où la personne décédée était « un opposant politique au gouvernement ou un défenseur des droits de l’homme » ou elle « s’est suicidée dans des circonstances inexpliquées ».
Deux ans plus tard, les autorités n’ont toujours pas mené d’enquête crédible sur la mort de Kizito Mihigo.
Aujourd’hui, nous nous souvenons de Kizito Mihigo et appelons les partenaires du Rwanda à dénoncer cette affaire et d’autres atrocités présumées. Au regard des antécédents du Rwanda en matière de décès inexpliqués d’opposants et de dissidents politiques, nous réaffirmons la nécessité d’ouvrir une enquête indépendante, avec la participation d’experts étrangers, sur la mort de Kizito Mihigo.
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