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Russie : Appel d'une condamnation injuste en Tchétchénie

Deux défenseurs des droits LGBT ont été torturés, enlevés et jugés lors d’un simulacre de procès

Mise à jour : Le 25 octobre, la Cour de cassation de la cinquième juridiction de Piatigorsk a rejeté l'appel interjeté dans cette affaire.

(Berlin, 25 octobre 2022) – Deux frères que la police a torturés en Tchétchénie, en Russie, ont fait appel de leur condamnation basée sur de fausses accusations à motivation politique, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les autorités devraient abandonner les charges retenues contre les deux frères, Salekh Magamadov et Ismail Isayev, annuler leur condamnation, et les libérer immédiatement ; elles devraient aussi s’assurer que les individus responsables de leur torture soient tenus de rendre des comptes.

Le 25 octobre 2022, une cour d'appel régionale de Piatigorsk, dans le sud de la Russie, examinera leur appel contre les peines de huit et six ans de prison auxquelles ils ont été respectivement condamnés, pour avoir prétendument fourni de la nourriture à un membre d'un groupe armé illégal.

« Salekh Magamadov et Ismail Isayev sont victimes d’une injustice flagrante, et leur liberté et leur bien-être sont en jeu », a déclaré Tanya Lokshina, directrice adjointe de la division Europe et l'Asie centrale à Human Rights Watch. « Les abus qu’ils ont subis font partie d'un système de persécution de longue date par les autorités tchétchènes contre les personnes les critiquant. »

En 2020, les autorités tchétchènes ont arrêté Magamadov et Isayev pour avoir participé à des discussions en faveur des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), sur des messageries de groupes opposés aux autorités. La police les a détenus pendant plusieurs mois dans les cellules du sous-sol d'un poste de police où, selon une plainte pénale déposée par les frères, ils auraient été torturés. Les deux hommes ont fini par été libérés sans inculpation, après que les autorités les eurent forcés à présenter des « excuses » dans une vidéo publiée en ligne. Après leur libération, ils ont sollicité l'aide de l’organisation SOS Caucase du Nord (NC SOS, ou SK SOS en russe), et se sont réfugiés dans la région de Nijni Novgorod, dans le nord-ouest de la Russie.

Le 4 février 2021, des agents tchétchènes ont enlevé les deux frères dans la région de Nizhny Novgorod, et ils ont refait surface en Tchétchénie deux jours plus tard. Magamadov et Isayev ont déclaré à leur avocat que la police tchétchène les avait forcés à avouer avoir aidé un membre d'un groupe armé illégal. Leur avocat n'a pas été autorisé à les voir jusqu'à la fin de leur interrogatoire.

Le 22 février 2022, le tribunal de district Achkhoy-Martanovsky de la République tchétchène a prononcé les peines de huit et six ans de prison, confirmées par la suite en appel par la Cour suprême de Tchétchénie. Les avocats des frères ont entrepris des démarches pour annuler la double condamnation.

Les avocats ont aussi déposé des plaintes pénales pour les mauvais traitements infligés aux frères en 2020 et pendant leur détention provisoire, mais les autorités ont refusé d'enquêter à ce sujet.

La principale organisation russe de défense des droits, Memorial, considère Magamadov et Isaev comme des prisonniers politiques, compte tenu de plusieurs facteurs : les preuves insuffisantes et douteuses, la coercition sous la torture, d'autres violations flagrantes du droit à une  procédure régulière, l'activisme des deux frères dans la mouvance d’opposition, et le contexte général des abus contre les personnes LGBT en Tchétchénie.

Les deux frères étaient membres du groupe « Osal nakh 95 » sur la chaîne en ligne Telegram, où ils critiquaient les autorités tchétchènes. Plusieurs autres membres du groupe ont également été contraints, vraisemblablement par les forces de l'ordre tchétchènes, à présenter des excuses pour leur activité sur la chaîne.

La torture, l'enlèvement et les poursuites contre Isayev et Magamadov ne sont qu'un exemple de la campagne brutale contre la dissidence en Tchétchénie, a déclaré Human Rights Watch. En 2020, des agents de l'État ont enlevé et torturé Salman Tepsurkayev, un modérateur de la chaîne Telegram 1ADAT, gérée par un groupe anti-gouvernemental et populaire sur les médias sociaux. Un jugement de la Cour européenne des droits de l'homme a condamné ces faits. En août 2022, 1ADAT et l’ONG russe Équipe contre la torture (Crew Against Torture, CAT), ont rapporté que Tepsurkayev avait été tué en 2020. Un tribunal tchétchène a interdit les activités de 1ADAT, qualifiées d’« extrémistes ».

Les autorités ont également enlevé des dizaines de proches de membres de 1ADAT qui avaient fui la Russie. En janvier 2022, des policiers tchétchènes ont enlevé Zarema Mussaeva, la mère d'Ibragim Yangulbaev, l'un des dirigeants de 1ADAT, alors qu’elle se trouvait dans son appartement à Nijni Novgorod. Ils l’ont accusée d’avoir été témoin dans une affaire de fraude. Ils l'ont emmenée en Tchétchénie et l'ont faussement accusée d'avoir utilisé la violence contre un policier. Le lendemain, Ramzan Kadyrov, dirigeant de la République tchétchène, sur sa chaîne Telegram a menacé toute la famille Yangulbaev de prison et de mort. Un député tchétchène a publiquement menacé de tuer les membres de cette famille. Zarema Mussaeva se trouve toujours en prison, dans l'attente de son procès. 

Les autorités tchétchènes persécutent régulièrement et violemment les individus qu'elles présument être des personnes LGBT. L'absence d'enquêtes efficaces sur les détentions illégales et la torture largement documentées ne fait qu’encourager ce type d’abus.

Les principaux acteurs internationaux devraient continuer à faire pression sur Moscou pour que le gouvernement agisse contre la persécution des personnes LGBT et des détracteurs du gouvernement en Tchétchénie, et que justice soit rendue aux survivants, a déclaré Human Rights Watch.

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