Les organisateurs d’un sommet sur le climat et la santé qui s’est tenu récemment à Abou Dhabi ont demandé aux intervenants de ne pas « critiquer l’islam, le gouvernement, les entreprises ou les individus » et de ne pas manifester pendant leur séjour aux Émirats arabes unis (EAU), selon un récent article dans le Financial Times.
Un message qui fait froid dans le dos, étant donné que les Émirats arabes unis vont accueillir la COP28, la conférence mondiale des Nations unies sur le climat, à la fin de l’année.
L’avertissement adressé aux intervenants est un rappel cinglant de la politique de tolérance zéro pratiquée par le gouvernement des Émirats arabes unis vis-à-vis de toute forme de critique. Depuis 2011, les autorités des Émirats arabes unis ont mené une campagne acharnée contre la liberté d’expression et d’association, en arrêtant et en poursuivant un grand nombre d’avocats, de juges, d’enseignants, d’étudiants et d’activistes indépendants, parmi lesquels Ahmed Mansoor, l’un des principaux défenseurs des droits humains dans le pays. Le gouvernement a dissous d’importantes associations de la société civile et la loi interdit de fait toute forme de protestation. À la fin de l’année 2021, des réformes juridiques de grande ampleur ont été introduites, qui ont encore aggravé la répression.
Interrogé sur le fait de savoir si la critique des politiques du gouvernement ou de celle de ses entreprises serait autorisée pendant la COP28, notamment par le biais de manifestations, un porte-parole des Émirats arabes unis a déclaré que les organisateurs de la conférence veilleraient à ce que « des espaces sûrs soient aménagés pour permettre à toutes les voix de se faire entendre ». Difficile d’imaginer comment cette déclaration pourrait rassurer les participants, compte tenu de l’omniprésence de la surveillance numérique aux Émirats arabes unis et de la tolérance zéro du gouvernement à l’égard de la critique, qui va jusqu’à l’emprisonnement des résidents et ressortissant étrangers en visite dans le pays.
Mais au-delà des dangers spécifiques pour les participants à la COP28, les répercussions pourraient être plus importantes pour ceux qui espèrent plaider en faveur d’une action climatique urgente et ambitieuse. La publication d’informations sur les effets néfastes des combustibles fossiles sur la santé et le climat aux Émirats arabes unis, qui sont l’un des plus grands producteurs de pétrole au monde et dont les activités sont en pleine expansion, pourrait s’avérer risquée pour ceux qui voudraient mener des recherches ou oseraient prendre la parole. Une situation tout aussi inquiétante pour les organisations de la société civile, qui jouent un rôle essentiel en dénonçant les gouvernements et les entreprises qui cherchent à saper les efforts déployés pour lutter contre la crise climatique en édulcorant les conclusions de la COP28.
Face à ces inquiétudes, le Secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui participe à l’organisation de la COP28 sous les auspices de l’ONU, a souligné l’importance de la participation citoyenne pour le succès des conférences sur le climat. Si l’ONU et les gouvernements ne font pas de cette participation une priorité et n’exigent pas des Émirats arabes unis qu’ils desserrent leur emprise sur l’espace citoyen et respectent les droits, le risque est bien réel que de nombreux participants à la COP28 restent silencieux sur des questions pourtant décisives. Cela aurait un impact désastreux sur le bon déroulement du sommet et sur ses objectifs déclarés de trouver des solutions à une crise climatique toujours plus urgente.