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États-Unis : Des hôpitaux à but non lucratif harcèlent des patients démunis au sujet de leurs dettes

L’insuffisance de la supervision gouvernementale alimente la crise des soins de santé

© 2023 Brian Stauffer pour Human Rights Watch

(Washington) – Le manquement du gouvernement des États-Unis à sa responsabilité de règlementer de manière adéquate les hôpitaux privés à but non lucratif et de proposer des alternatives de qualité en matière de services médicaux entrave l’accès de certaines personnes aux soins médicaux, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. 

Ce rapport de 62 pages, intitulé « In Sheep’s Clothing: United States’ Poorly Regulated Nonprofit Hospitals Undermine Health Care Access » (« Apparences trompeuses : Les hôpitaux à but non lucratif américains, insuffisamment règlementés, entravent l’accès aux soins médicaux »), décrit comment l’absence de directives et de supervision de la part du gouvernement américain permet à certains hôpitaux privés exonérés d’impôts de consacrer des ressources bien inférieures aux subventions publiques massives qu’ils perçoivent à mettre leurs services médicaux à la portée des personnes dépourvues des moyens de payer. En 2020, par exemple, les hôpitaux à but non lucratif ont bénéficié collectivement d’environ 28 milliards de dollars d’exonérations d’impôts, mais n’ont consacré qu’environ 16 milliards de dollars à la fourniture de « soins à caractère caritatif » gratuits ou à prix réduit, selon la Kaiser Family Foundation.

Human Rights Watch a documenté la manière dont de nombreux hôpitaux à but non lucratif fonctionnent plutôt comme des entreprises commerciales privées, pratiquant des tarifs élevés et employant des méthodes agressives pour contraindre des personnes démunies à payer leurs factures médicales.

« Des hôpitaux à but non lucratif alourdissent les dettes médicales et se livrent à des pratiques abusives en matière de facturation et de réclamation des dettes », a déclaré Matt McConnell, chercheur auprès de la division Justice et droits économiques de Human Rights Watch. « Ce cycle se répète en raison de l’absence de directives claires et du manquement du gouvernement fédéral à sa responsabilité de faire respecter les règles existantes ».

Human Rights Watch a consulté des rapports d’organisations non gouvernementales, des études gouvernementales et universitaires, des données provenant de départements et d’agences fédérales, de la littérature médicale et des enquêtes pertinentes à l’échelle nationale. Human Rights Watch a également recueilli des comptes-rendus et enquêtes publiés par les médias à travers les États-Unis, qui documentent des dizaines de milliers de procédures judiciaires engagées ces dernières années par des hôpitaux sans but lucratif contre des patients.

Human Rights Watch a constaté que le modèle américain consistant à subventionner des hôpitaux privés à l’aide d’exonérations fiscales, afin d’accroître l’accessibilité aux services hospitaliers pour les personnes dépourvues d’assurance médicale ou dont la couverture est insuffisante, est mal règlementé, permet des pratiques abusives en matière de facturation et de récupération de dettes, et porte atteinte aux droits humains, notamment au droit à la santé et au droit à la sécurité sociale.

Les hôpitaux privés sans but lucratif représentent près de 60 % des plus de 5 000 hôpitaux communautaires répartis à travers les États-Unis. Chaque année, les hôpitaux privés sans but lucratif reçoivent des subventions publiques d’une valeur collective de dizaines de milliards de dollars, pour une large part sous forme d’exonérations fiscales, en échange de la fourniture de « prestations pour la collectivité », tels que des soins médicaux gratuits ou à prix réduit pour les personnes dépourvues d’assurance ou dont la couverture est insuffisante. 

Les États-Unis comptent beaucoup sur ces « soins à caractère caritatif » administrés par les hôpitaux sans but lucratif pour fournir des soins aux personnes qui ne peuvent pas payer. Mais l’absence de directives et de supervision de la part des autorités fédérales donne à ces hôpitaux une grande latitude pour décider combien de ressources ils vont consacrer à rendre leurs prestations médicales accessibles aux personnes démunies, qui va bénéficier de cette assistance et jusqu’où iront leurs efforts pour percevoir les sommes dues par les clients qui ne sont pas en mesure de payer leurs factures médicales.

À cause de cette règlementation inadéquate, certains hôpitaux sans but lucratif se livrent à des pratiques abusives en matière de facturation des soins et de récupération des sommes impayées, notamment en ayant recours à des actions en justice ou en vendant ces dettes à des percepteurs de créances privés.

Tous les hôpitaux sans but lucratif américains ne se livrent pas à ces pratiques et ils ne sont pas les seuls à contribuer à la crise des dettes médicales aux États-Unis. Mais beaucoup de ces institutions en principe charitables manquent à leur responsabilité de financer l’accès aux soins médicaux des personnes démunies à la mesure des subventions publiques qu’ils perçoivent.

Il semble y avoir peu de différence entre les sommes consacrées à la fourniture de soins médicaux gratuits ou à coût réduit par les hôpitaux commerciaux et les hôpitaux sans but lucratif. Par exemple, une étude effectuée par le National Bureau of Economic Research, institut non partisan, a permis d’établir que les soins à caractère caritatif ne représentaient que 1,5 % des dépenses de l’hôpital sans but lucratif médian en 2018. Cette même année, l’hôpital commercial médian a affecté 1,4%, soit presque le même pourcentage de ses ressources, aux soins caritatifs. 

Ce système profondément défectueux affecte également la réalisation d’autres droits, puisque les ressources consacrées à financer des soins médicaux onéreux ou rembourser une dette médicale peuvent l’être au détriment d’autres dépenses de nécessité telles que le logement, l’éducation et la nourriture. Ceci a également pour effet de renforcer des formes existantes de discrimination structurelle, affectant de manière disproportionnée les femmes, les communautés de couleur, les personnes à bas revenus et les personnes handicapées.

Les États-Unis devraient assurer un accès universel à des soins médicaux de qualité, indépendamment des capacités financières d’une personne. Afin d’atteindre cet objectif, ils devraient abandonner leur modèle dans lequel des services hospitaliers dépendent de financements caritatifs vers un système où ces services sont à la portée de tous.

Les États-Unis devraient s’inspirer de mesures prises par d’autres pays à haut niveau de revenus, comme la création d’un service public de santé accessible à tous, indépendamment des capacités de paiement, ou d’un système d’assurance-santé à couverture universelle, ou d’une combinaison des deux.

Dans le court terme, le Service des impôts américain (Internal Revenue Service, IRS) et l’agence administrant les services Medicare et Medicaid (Centers for Medicare and Medicaid Services), principaux régulateurs des hôpitaux sans but lucratif, devraient adopter ou amender leurs politiques pour faire en sorte que ces hôpitaux fournissent à leurs communautés des avantages en matière de prestations médicales qui soient au moins comparables aux exonérations fiscales qu’ils reçoivent.

Les législateurs nationaux et ceux des 50 États, et les autres autorités administratives compétentes comme l’Agence de protection financière des consommateurs (Consumer Financial Protection Bureau, CFPB), devraient également règlementer à la fois les hôpitaux sans but lucratif et les percepteurs de créances privés, afin d’interdire des pratiques particulièrement néfastes, par exemple la saisie de la résidence principale d’une personne. 

« L’accès aux soins médicaux ne devrait pas être uniquement basée sur la capacité à payer », a affirmé Matt McConnell. « Afin de respecter le droit à la santé, les États-Unis devraient repenser leurs méthodes pour fournir des soins médicaux à tous. Ils pourraient faire dès maintenant un pas dans la bonne direction en s’assurant que les subventions publiques perçues par les hôpitaux sans but lucratif ne servent pas à soutenir des pratiques qui accablent leurs clients de dettes qu’ils ne peuvent jamais rembourser ».

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