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Ukraine : Une arme à sous-munitions russe a tué et blessé des civils à Odessa

Cette attaque met en évidence à nouveau l’importance du traité interdisant ces armes

Des flammes jaillissaient du toit de l'Académie juridique d'Odessa, après une attaque russe employant une arme à sous-munitions, le 29 avril 2024. © 2024 Forces de défense du Sud de l’Ukraine

(Kiev, 29 mai 2024) – Une récente frappe russe menée avec une arme à sous-munitions contre Odessa, en Ukraine, qui a tué sept civils et blessé des dizaines d’autres personnes, met en évidence l’urgente nécessité pour tous les pays d’adhérer au traité international interdisant ces armes, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

« Les frappes russes employant des armes à sous-munitions contre l'Ukraine illustrent tristement les graves dommages causés aux civils par ces armes », a déclaré Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Les nombreux pays qui ont déjà adhéré au traité interdisant ces armes ont fait de grands progrès en détruisant leurs stocks et en éliminant les restes explosifs, mais leur utilisation par d’autres pays continue de représenter un risque pour des civils partout dans le monde. »

À ce jour, seize ans après l’adoption de la Convention sur les armes à sous-munitions (30 mai 2008), 124 pays l’ont ratifiée ; mais ni Russie ni l'Ukraine ne l’ont fait.

Le 29 avril 2024, un missile balistique russe équipé d’une ogive à sous-munitions a dispersé celles-ci au-dessus de l’un des bâtiments de l’Académie juridique d’Odessa, située sur le front de mer de cette ville. Les autorités ukrainiennes ont indiqué par la suite que parmi les civils tués se trouvait une fillette de 4 ans, décédée des suites de ses blessures trois semaines après l'attaque. Les détonations ont déclenché un incendie qui a détruit le toit de la résidence du président de l’Académie juridique, lui-même blessé lors de l’attaque.

Lors de la frappe, 28 autres civils ont été blessés, dont une femme enceinte et un enfant. La plupart des victimes se trouvaient dans un parc populaire situé à proximité de l’Académie, et qui comprend une promenade en bord de mer fréquentée par des joggeurs, des gens promenant leurs chiens et d’autres civils.

Les armes à sous-munitions sont de manière intrinsèque des armes utilisées sans discernement, qui représentent un danger prévisible et durable pour les civils. Ces armes peuvent être tirées depuis le sol sous forme d’obus d’artillerie, de roquettes, ou de missiles, ou larguées par des avions. Ces armes s'ouvrent dans le ciel, dispersant plusieurs sous-munitions sur une zone d’une vaste superficie, équivalente à plusieurs pâtés de maisons. En outre, de nombreuses sous-munitions n’explosent pas lors de l’impact initial, laissant des restes qui peuvent blesser et tuer comme des mines terrestres pendant des années, jusqu’à ce que ces fragments soient localisés et détruits.

Le Procureur général ukrainien, Andriy Kostin, a indiqué que les forces russes avaient mené l'attaque en utilisant un missile balistique Iskander équipé d'une ogive à sous-munitions. Dmytro Pletenchyk, porte-parole de l'armée ukrainienne, a déclaré qu'il s'était immédiatement rendu sur le site de l'attaque et avait observé les restes du missile et des sous-munitions explosives qu'il transportait. Chaque missile balistique Iskander-M de la série 9M723 contient 54 sous-munitions à double usage 9N730.

Une vidéo enregistrée le 29 avril par une caméra de surveillance située face à l’Académie juridique d’Odessa, publiée sur Facebook par Andriy Kostin le 30 avril et vérifiée par Human Rights Watch, montre au moins 25 petites explosions en moins de six secondes, ce qui indique la détonation de plusieurs sous-munitions dispersées par une arme à sous-munitions.

Human Rights Watch a vérifié six vidéos et photographies de l'attaque et de ses conséquences publiées sur les réseaux sociaux, y compris des éclaboussures de sang et des dommages par fragmentation causés par une détonation sur le trottoir, l'incendie de l'Académie juridique et les restes de munitions de l'attaque. Une photographie montre des marques de production sur un reste de la section moteur du missile, identifiant l’arme utilisée comme un missile balistique 9M723. Seule la Russie produit et stocke des missiles balistiques Iskander équipés d’ogives à sous-munitions.

Denys Sebov, directeur de l'Hôpital clinique municipal n°10 d'Odessa, a déclaré à Human Rights Watch que 15 personnes blessées y avaient été transportées après l'attaque, toutes causées par des fragments métalliques. Parmi ces personnes, une femme âgée de 40 ans est décédée peu après en raison de ses graves blessures au cou, aux poumons et au cœur ; un homme de 30 ans est décédé d'un traumatisme crânien, et un autre homme est décédé après que les chirurgiens ont retiré deux fragments de sous-munition de sa tête. Certains survivants ont été transférés dans d'autres établissements médicaux pour y subir d’autres interventions chirurgicales.

Les forces russes ont fréquemment tiré des missiles et des drones russes ciblant l'infrastructure portuaire d'Odessa. Cependant, le site de la frappe du 29 avril se trouve à huit kilomètres du port et ne semble pas être proche d'un objectif militaire, tel que des bâtiments militaires ou des entrepôts de ravitaillement.

Human Rights Watch a précédemment documenté de nombreuses attaques russes aux armes à sous-munitions qui ont causé des victimes civiles dès le premier jour de l'invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022. Les attaques aux armes à sous-munitions ont commencé à Vuhledar, suivies d'attaques ultérieures à Kharkiv (à nouveau en août 2022), à Mykolaïv, à Tchernihiv et à Kherson, parmi d'autres villes. L’attaque russe aux armes à sous-munitions contre la gare bondée de Kramatorsk, le 8 avril 2022, reste l’un des incidents les plus meurtriers pour les civils depuis le début de la guerre.

L'armée ukrainienne a également utilisé des armes à sous-munitions – y compris dans la région d'Izioum en 2022 – lors d’attaques qui ont fait de nombreux morts et blessés graves parmi les civils, selon Human Rights Watch.

Depuis 2023, les États-Unis ont procédé à quatre transferts d’armes à l’Ukraine ; l’inclusion d’armes à sous-munitions a été critiquée par certains législateurs américains, d’autres pays et des groupes de la société civile. Les États-Unis, qui n’ont pas adhéré à la Convention sur les armes à sous-munitions, ont annoncé le 24 avril la finalisation d’une cinquième livraison d’armes. 

En septembre 2023, les États parties à la Convention ont condamné « toute utilisation d'armes à sous-munitions par quelque acteur que ce soit » et ont exprimé « leur grave préoccupation face à l'augmentation significative du nombre de victimes civiles et de l'impact humanitaire résultant de l'utilisation répétée et bien documentée d'armes à sous-munitions depuis 2021 », notamment en Ukraine.

La Russie, l’Ukraine et les États-Unis devraient s’engager à ne pas mettre davantage en danger la vie des civils lors d’attaques indiscriminées, en adhérant à la Convention sur les armes à sous-munitions ; ces pays devraient détruire leurs stocks, nettoyer les zones contaminées par les restes d’armes à sous-munitions, et apporter une aide aux victimes survivantes. Aucun pays ne devrait fournir des armes à sous-munitions, contenu de la Convention internationale interdisant tout transfert de ces armes.

La Russie et l’Ukraine devraient rapidement indemniser les victimes et leurs familles pour la perte de vie ou d’intégrité physique, ou pour la perte d’accès à l’utilisation de terres touchées.

« L’attaque russe avec une arme à sous-munitions à Odessa, qui a tué et blessé des civils, risque malheureusement d’être suivie par d’autres recours à ces armes dangereuses pour les civils », a déclaré Belkis Wille. « Une pression internationale concertée est nécessaire pour mettre fin à l’utilisation des armes à sous-munitions non seulement en Ukraine, mais aussi dans le monde entier. »

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