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Liban : L'utilisation par Israël de munitions au phosphore blanc met en danger les civils

Des munitions à explosion aérienne ont été utilisées illégalement dans des zones peuplées

Explosion aérienne d’une munition israélienne au phosphore blanc, issue d’un tir d'artillerie et provoquant des traînées de fumée blanche au-dessus du village de Kfar Kila dans le sud du Liban, près de la frontière avec Israël, le 22 novembre 2023. Photo prise à Marjayoun, localité voisine également dans le sud du Liban.  © 2023 Hussein Malla/AP Photo

(Beyrouth, 5 juin 2024) – L’utilisation généralisée par Israël de munitions au phosphore blanc dans le sud du Liban y met les civils en danger et mène au déplacement d’habitants, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Human Rights Watch a vérifié l’utilisation de munitions au phosphore blanc par les forces israéliennes dans au moins 17 municipalités du sud du Liban depuis octobre 2023, dont cinq municipalités où des munitions à explosion aérienne ont été utilisées illégalement au-dessus de zones résidentielles peuplées.

Le phosphore blanc est une substance chimique dispersée par des obus d’artillerie, des bombes ou des roquettes, et qui s’enflamme lorsqu’elle est exposée à l’oxygène. Ses effets incendiaires peuvent causer la mort ou de graves blessures qui entraînent des souffrances à vie. Le phosphore blanc peut mettre le feu à des habitations, à des zones agricoles et à d’autres biens civils. En vertu du droit international humanitaire, l’utilisation de munitions au phosphore blanc à explosion aérienne dans des zones peuplées est illégalement indiscriminée, et ne respecte pas l’obligation légale de prendre toutes les précautions possibles pour éviter de nuire aux civils.

« L’utilisation par Israël de munitions au phosphore blanc à explosion aérienne dans des zones peuplées nuit sans discernement aux civils, et a poussé de nombreuses personnes à quitter leurs domiciles », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Les forces israéliennes devraient immédiatement cesser d’utiliser ces armes dans des zones peuplées, en particulier lorsque des alternatives moins nocives sont facilement disponibles. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec huit habitants du sud du Liban ; l’organisation a également vérifié et géolocalisé 47 photos et vidéos enregistrées dans cette région, publiées sur les réseaux sociaux ou partagées directement avec les chercheurs, et montrant l’utilisation de munitions au phosphore blanc. Des photos et des vidéos enregistrées dans cinq villages frontaliers du sud du Liban – Kafr Kila, Mays al-Jabal, Boustane, Markaba et Aita al-Chaab – montrent des traînées de fumée blanche comportant du phosphore blanc et atterrissant sur les toits de bâtiments résidentiels.

Municipalités dans le sud du Liban qui ont été exposées à des tirs israéliens de munitions au phosphore blanc, y compris des zones résidentielles densement peuplées (points rouges), selon des éléments de preuve vérifiés par Human Rights. © 2024 Human Rights Watch

Le maire de Boustane a déclaré que deux habitants du village avaient dû être transportés d’urgence à l’hôpital après avoir été asphyxiés par l’inhalation de fumée de phosphore blanc, suite à une attaque israélienne menée le 15 octobre. « Il s’agit de deux civils qui se trouvaient chez eux », a déclaré le maire. « L’un est un membre du conseil municipal, et l’autre est un agriculteur. »

Des sources ont indiqué à Human Rights Watch que l’utilisation de phosphore blanc dans des zones peuplées du sud du Liban avait mené au déplacement d’habitants de plusieurs villages situés à la frontière entre le Liban et Israël.

Le ministère libanais de la Santé publique a déclaré qu’au 28 mai 2024, l’exposition au phosphore blanc avait blessé au moins 173 personnes depuis le mois d’octobre 2023. Human Rights Watch n’a pas recueilli de preuve de brûlures résultant de l’utilisation de munitions au phosphore blanc, mais a entendu des témoignages indiquant de possibles lésions respiratoires.

« Les effets les plus graves du phosphore blanc sont les effets cutanés ou dermiques, qui peuvent inclure des brûlures au deuxième ou troisième degré, susceptibles d’engendrer de profondes et épaisses escarres nécrotiques », a déclaré le Dr Tharwat Zahran, toxicologue médical et professeur adjoint de médecine d’urgence à l’Université américaine de Beyrouth. « L’exposition à la fumée de phosphore blanc peut [également] entraîner des lésions aiguës des voies respiratoires supérieures, provoquant l’essoufflement, une respiration rapide et une toux. Elle peut aussi avoir des effets à retardement, comme une pneumopathie chimique qui pourrait nécessiter une hospitalisation et une assistance respiratoire par machine. »

L’utilisation généralisée par Israël de munitions au phosphore blanc dans le sud du Liban met en évidence la nécessité de renforcer le droit international portant sur l’usage des armes incendiaires, a déclaré Human Rights Watch. Le Protocole III de la Convention sur les armes classiques est le seul instrument juridiquement contraignant consacré spécifiquement aux armes incendiaires. Le Liban est un État partie au Protocole III, alors qu’Israël n’y a pas adhéré.

Le Protocole III définit une arme incendiaire comme toute arme « essentiellement conçue » pour provoquer des incendies ou des brûlures, et exclut donc certaines munitions polyvalentes à effet incendiaire, notamment celles contenant du phosphore blanc. En outre, dans le cas d’une attaque contre une « concentration de civils » (définie au sens large comme comprenant les « parties habitées des villes […] ou des villages », ainsi que les camps de réfugiés), le Protocole comporte une règlementation plus souple si les armes incendiaires sont tirées depuis le sol – comme celles utilisées par Israël au Liban – que si elles sont larguées par voie aérienne, même si elles provoquent les mêmes blessures horribles.      

Human Rights Watch et de nombreux pays appellent depuis longtemps à combler ces deux lacunes du Protocole III, et à créer des normes internationales qui protègent mieux les civils des dommages causés par les armes incendiaires.   

Au niveau national, Israël devrait interdire à ses forces d’utiliser des munitions au phosphore blanc à explosion aérienne dans les zones peuplées, car elles mettent en danger les civils lors d’attaques indiscriminées. Il existe des alternatives au phosphore blanc comme substance utilisée dans des obus fumigènes, comme le projectile M150, fabriqué par une entreprise israélienne et déjà utilisé par l’armée israélienne pour créer un écran de fumée afin d’entraver la visibilité de ses forces. Ces alternatives peuvent avoir le même effet, tout en réduisant considérablement les dommages causés aux civils.

Le Liban devrait rapidement déposer auprès de la Cour pénale internationale (CPI) une déclaration l’autorisant à mener des enquêtes et engager des poursuites relatives aux crimes internationaux graves relevant de la compétence de la Cour, et commis sur le territoire libanais depuis octobre 2023.

« Des normes internationales plus strictes contre l’utilisation du phosphore blanc sont nécessaires pour garantir que ces armes ne continuent pas à mettre en danger les civils », a conclu Ramzi Kaiss. « L’utilisation récente de phosphore blanc par Israël au Liban devrait motiver d’autres pays à prendre des mesures immédiates pour atteindre cet objectif. »

Suite en anglais, comprenant des informations plus détaillées sur le recours par Israël à des munitions au phosphore blanc dans le sud du Liban.

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