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Irak : Le Parlement envisage de légaliser le mariage des enfants

Un projet d’amendement de loi radical met en péril les droits des femmes et des filles

Une femme irakienne brandissait une pancarte lors d’une manifestation contre un projet de loi sur le mariage qui porterait atteinte aux droits des femmes et des filles, tenue sur la place Tahrir, à Bagdad, en Irak, le 8 août 2024. © 2024 Ahmad Al-Rubaye/AFP via Getty Images

(Beyrouth, le 16 août 2024) – Le Parlement irakien envisage d’adopter un amendement à la Loi sur le statut personnel qui permettrait aux autorités religieuses de régir les questions de mariage et d’héritage qui dépendent actuellement de la loi de l’État, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui ; cet amendement violerait des droits fondamentaux. Le Parlement, qui a achevé sa première lecture du projet de loi le 4 août, procédera à deux autres lectures et à un débat avant de décider s’il doit être adopté ou non.

S’il était adopté, cet amendement aurait des effets désastreux sur les droits des femmes et des filles, qui sont en principe garantis par le droit international : l’amendement autoriserait le mariage des filles dès l’âge de 9 ans, et supprimerait les protections pour les femmes en matière de divorce et d’héritage, sapant le principe d’égalité pourtant garanti par le droit irakien. Le mariage des enfants expose les filles à un risque accru de violences sexuelles et physiques, ainsi que de conséquences néfastes pour leur santé physique et mentale, et limite leur accès à l’éducation et aux opportunités d’emploi.

« L’adoption de ce projet de loi par le Parlement irakien constituerait un recul dévastateur pour les femmes et les filles irakiennes, et pour les droits qu’elles ont réussi à faire inscrire dans la loi », a déclaré Sarah Sanbar, chercheuse sur l’Irak à Human Rights Watch. « La légalisation officielle du mariage des enfants priverait d’innombrables filles de leur bien-être et de tout espoir d’un meilleur avenir. Les filles devraient pouvoir aller à l’école ou jouer dans une cour de récréation, au lieu d’être obligées de porter une robe de mariée. »

L’amendement proposé légaliserait le mariage des enfants en Irak, plutôt que de tenter d’endiguer la croissance de ce problème important, a déclaré Human Rights Watch.

Des militantes irakiennes des droits des femmes, ainsi que des représentant-e-s d’organisations de défense des droits humains, ont manifesté contre cet amendement, et un groupe de plus de 15 femmes parlementaires de divers partis s’est réuni pour s’opposer à son adoption. En 2014 et en 2017, le Parlement avait déjà examiné des amendements similaires à la Loi sur le statut personnel, sans toutefois les adopter.

En vertu du projet d’amendement, les couples concluant un contrat de mariage pourraient choisir si les dispositions de la Loi sur le statut personnel ou celles d’écoles de jurisprudence islamiques s’appliqueraient. Si les couples sont de confessions différentes, la confession du mari serait prioritaire.

Ce système établirait effectivement des régimes juridiques distincts avec des droits différents accordés à chaque confession. Il consoliderait davantage le sectarisme en Irak, sapant le droit à l’égalité juridique de tous les Irakiens, pourtant garanti par l’article 14 de la Constitution irakienne, ainsi que par le droit international relatif aux droits humains.

Par exemple, la jurisprudence islamique « Jaafari », soutenue par de nombreux musulmans chiites en Irak, autorise le mariage des filles à partir de 9 ans, et des garçons à partir de 15 ans. À l’inverse, la Loi sur le statut personnel fixe l’âge légal du mariage à 18 ans, ou à 15 ans avec l’autorisation d’un juge et en fonction de la « maturité et des capacités physiques » de l’enfant ; même cette exception contrevient déjà aux normes juridiques internationales.

Les mariages non enregistrés constituent déjà un facteur ayant contribué à la hausse du nombre de mariages des enfants en Irak au cours des 20 dernières années, selon un rapport publié par Human Rights Watch en mars 2024. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a signalé que 28 % des filles en Irak sont mariées avant l’âge de 18 ans. Selon la Mission d’assistance des Nations Unies en Irak, 22 % des mariages non enregistrés concernent des filles de moins de 14 ans.

L’amendement proposé a été présenté par Raad al-Maliki, un député indépendant qui a précédemment présenté un amendement à la loi irakienne sur la lutte contre la prostitution, qui qui a été adopté en avril 2024. Cet amendement criminalise les relations entre personnes de même sexe, les interventions médicales liées au genre et la « promotion de l’homosexualité », qui a été adopté en avril 2024 ; la loi révisée viole les droits fondamentaux des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) en Irak, notamment leurs droits à la liberté d’expression, d’association, de vie privée, d’égalité et de non-discrimination.

L’amendement à la Loi sur le statut personnel violerait la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), que l’Irak a ratifiée en 1986, en privant les femmes et les filles de leurs droits en raison de leur genre. L’amendement violerait également la Convention relative aux droits de l’enfant, que l’Irak a ratifiée en 1994, en légalisant le mariage des enfants, en exposant les filles au risque de mariage forcé et précoce, en les rendant vulnérables aux abus sexuels et en n’exigeant pas que les décisions concernant les enfants dans les cas de divorce soient prises dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le projet d’amendement risque aussi de violer le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) en privant certaines personnes de leurs droits en raison de leur religion.

Communiqué complet disponible en anglais.

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