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En Tunisie, la commission électorale ouvre la voie à un second mandat de Kais Saied

L’Instance supérieure indépendante pour les élections devrait respecter la décision de justice requalifiant d’autres candidats potentiels

Manifestation tenue le 2 septembre 2024 devant le siège de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) à Tunis, contre sa décision de n’accepter que les candidatures de l’actuel président, Kais Saied, et de deux autres postulants, Zouhair Maghzaoui et Ayachi Zammel, à la prochaine élection présidentielle en Tunisie.  © 2024 Yassine Mahjoub/SIPA/Shutterstock

Cette semaine, la commission électorale tunisienne n’a retenu que trois candidatures à l’élection présidentielle prévue le 6 octobre, dont celles du président sortant Kais Saied et d’un candidat actuellement détenu, au mépris d’importantes décisions de justice qui avaient requalifié trois autres candidats à la magistrature suprême.

L’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) a confirmé Kais Saied et deux anciens députés, Zouhair Maghzaoui et Ayachi Zammel, comme seuls candidats à l’élection présidentielle ; soit la même liste qu’elle avait initialement publiée le 10 août. L’ISIE avait précédemment disqualifié, pour des raisons diverses, 14 candidats potentiels, dont certains auraient été des adversaires sérieux pour Kais Saied.

Entretemps, trois des candidats rejetés ont fait appel de la décision de la commission électorale devant le tribunal administratif de Tunisie et obtenu gain de cause : Abdellatif Mekki, ancien ministre de la Santé, Mondher Zenaïdi, ancien ministre sous le régime de l’ex-président Zine El Abidine Ben Ali, et Imed Daïmi, ancien député.

Les décisions du tribunal administratif, qui a la compétence exclusive de trancher les contentieux liés aux candidatures à des mandats électifs, sont juridiquement contraignantes. Cependant, Farouk Bouasker, le président de l’ISIE, a déclaré le 2 septembre que la commission était « dans l’impossibilité de mettre en exécution » les décisions du tribunal, et que la liste des candidats à la présidence est « définitive … ne pouvant plus faire l’objet de recours ».

L’ISIE est sous le contrôle de Saied depuis qu’il l’a restructurée en avril 2022 ; ses sept membres sont désormais nommés par le président. Au lieu d’assurer l’intégrité de la prochaine élection, la Commission est intervenue pour la fausser en faveur de Saied.

L’ISIE a tenté de discréditer les décisions en appel du tribunal administratif en déposant une demande de récusation de certains de ses juges ; une tentative faible qui a été rejetée par le tribunal administratif le 31 août. L’ISIE a également déposé plusieurs plaintes contre des opposants politiques ou personnalités critiques du président Saied, dont certaines ont abouti à des condamnations, comme celle d’Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL).

Les Tunisiens s’apprêtent à élire un président dans un contexte de répression croissante de toute dissidence, d’étouffement des médias et d’atteintes continues à l’indépendance de la justice. Depuis le début de la période électorale le 14 juillet, les autorités ont poursuivi en justice, condamné ou placé en détention au moins neuf candidats potentiels. Zammel, l’un des trois candidats confirmés par l’ISIE, a été placé en détention le 4 septembre dans l’attente d’un procès pour falsification de parrainages.

Tenir des élections dans un tel contexte de répression bafoue le droit des Tunisiens à participer à des élections libres et équitables. L’ISIE devrait immédiatement revenir sur sa décision, appliquer la décision du tribunal administratif et cesser de s’ingérer politiquement dans cette élection.

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