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Questions et réponses : Conflit dans la province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo

Abus commis par l’armée congolaise, les forces rwandaises, le M23 et d’autres groupes armés

Un membre du personnel médical de l'hôpital de Ndosho, financé par le CICR, soigne un enfant blessé par une roquette de 122 mm tirée sur un camp de déplacés à la périphérie de Goma, province du Nord-Kivu, RD Congo, 4 mai 2024. © 2024 Hugh Kinsella Cunningham

Depuis le début de l’année 2024, l’armée rwandaise et le groupe armé M23 ont bombardé sans discernement des camps de déplacés et d’autres zones densément peuplées près de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo. Les forces armées congolaises et des milices alliées ont exposé les personnes déplacées dans les camps à un risque accru en déployant de l’artillerie à proximité. Les deux parties ont tué des habitants des camps, perpétré des viols, entravé l’acheminement de l’aide humanitaire et commis d’autres abus. Un nouveau rapport de Human Rights Watch fait état de violations du droit de la guerre, qui pourraient constituer des crimes de guerre, commises par les parties au conflit armé dans la province du Nord-Kivu, en RD Congo.

Plus de 100 groupes armés sont actifs dans l’est de la RD Congo, principalement dans les provinces orientales de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. La résurgence de la rébellion du M23 à la fin de l’année 2021, avec le soutien du Rwanda, a conduit à l’intervention de plusieurs armées sur le sol congolais. Les Nations Unies ont signalé la présence de troupes rwandaises et ougandaises, toutes deux fournissant un appui au M23, l’armée rwandaise jouant un rôle direct dans les hostilités contre les forces congolaises.

En outre, la Force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (East African Community, EAC), composée de troupes burundaises, kényanes, ougandaises et sud-soudanaises, a été déployée en RD Congo en novembre 2022. Elle s’est retirée en décembre 2023, à la demande du président Félix Tshisekedi, bien qu’une présence militaire burundaise demeure dans le pays en vertu d’un accord bilatéral. La mission de la Communauté de développement d’Afrique australe (Southern African Development Community mission in DR Congo, SAMIDRC), composée de troupes malawiennes, sud-africaines et tanzaniennes, a été déployée en janvier 2024.

Les questions et réponses suivantes portent sur des aspects relatifs au droit international humanitaire (ou droit de la guerre) régissant les hostilités de 2024 entre la République démocratique du Congo, le Rwanda et les groupes armés et milices non étatiques dans la province du Nord-Kivu.

Ce document se concentre sur le droit international humanitaire qui régit la conduite des hostilités afin de faciliter l’analyse de la conduite de toutes les parties impliquées dans le conflit entre les forces congolaises, l'armée rwandaise et les groupes armés responsables d'abus qu'ils soutiennent, dans le but de dissuader les violations du droit de la guerre et d’encourager la reddition des comptes pour les abus commis.

Le document n’aborde pas la question de savoir si les attaques menées par les forces armées congolaises et rwandaises et les groupes armés non étatiques étaient justifiées ou d’autres questions concernant la légitimité du recours à la force armée, par exemple en vertu de la Charte des Nations Unies. Human Rights Watch ne prend pas position sur les questions relatives aux justifications de l’usage de la force armée. L’objectif principal est de documenter les violations du droit de la guerre et d’encourager toutes les parties à le respecter.

  1. Quels éléments du droit international humanitaire s’appliquent au conflit armé actuel entre les forces armées congolaises et rwandaises, les autres forces armées et les groupes armés non étatiques ?

En vertu du droit international humanitaire, les combats en cours entre les forces armées congolaises et rwandaises, les autres forces armées et les groupes armés non étatiques constituent un conflit armé.

Les hostilités entre les forces congolaises et rwandaises sont régies par le droit des traités relatif au conflit armé international, notamment les quatre Conventions de Genève de 1949 et le premier protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève. Tous les conflits armés, y compris ceux qui impliquent exclusivement des groupes armés non étatiques et des milices, sont régis par l'article 3 commun aux conventions de Genève de 1949 et par le droit international humanitaire coutumier applicable aux conflits armés non internationaux. Les règles concernant les méthodes et moyens de combat ainsi que les protections fondamentales des civils sont en grande partie identiques pour les conflits armés internationaux et non internationaux.

  1. Quels sont les principes fondamentaux du droit international humanitaire ?

Le principe de distinction, selon lequel les parties à un conflit doivent constamment faire la distinction entre les combattants et les civils, est un des principes fondamentaux du droit international humanitaire. Les civils ne doivent jamais être la cible d’attaques. Les parties belligérantes sont tenues de prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages aux civils et aux biens de caractère civil, tels que les maisons d’habitation, les magasins, les écoles et les établissements médicaux. Les attaques ne doivent cibler que des combattants et des objectifs militaires. Les attaques qui visent des civils ou ne font pas la distinction entre combattants et civils, ou qui causeraient un préjudice disproportionné à la population civile par rapport aux gains militaires escomptés, sont interdites.

En outre, l’article 3 commun aux Conventions de Genève prévoit un certain nombre de protections fondamentales pour les civils et les personnes qui ne participent plus aux hostilités, à l’instar des combattants capturés et de ceux qui ont déposé les armes ou ont été blessés. Il interdit la violence à leur encontre – y compris les meurtres, le traitement cruel et la torture – ainsi que les atteintes à leur dignité personnelle et les traitements dégradants ou humiliants. Il interdit également la prise d’otages.

Les parties à un conflit sont également tenues de respecter le droit international humanitaire indépendamment de la conduite des autres parties belligérantes. Cela signifie que les violations du droit de la guerre par une partie ne justifient pas les violations commises par l’autre partie. Les représailles des belligérants – des actes normalement illégaux qui ne sont autorisés que dans certaines circonstances – sont interdites contre les civils ou la population civile.

  1. Quels sont les individus et objets qui peuvent faire l’objet d’une attaque militaire légale selon le droit international humanitaire ?

Le droit de la guerre reconnaît que certaines pertes civiles peuvent être inévitables pendant un conflit armé, mais impose aux parties belligérantes le devoir de faire à tout moment la distinction entre combattants et civils, de ne cibler que les combattants et autres objectifs militaires, et de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou minimiser les pertes civiles ainsi que les dommages aux biens de caractère civil.

Les combattants incluent les membres des forces armées d’un pays ainsi que les commandants et les combattants pleinement actifs des groupes armés non étatiques. Ils peuvent être visés par des attaques à tout moment pendant les hostilités, sauf s’ils sont capturés ou ont été mis « hors de combat ».

Les civils perdent leur immunité vis-à-vis des attaques quand ils participent directement aux hostilités et ce, uniquement pendant ce temps. D’après les directives du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le droit de la guerre établit une distinction entre les membres des forces combattantes organisées d’une partie non étatique, qui peuvent être ciblés pendant un conflit armé, et les combattants ponctuels, qui sont des civils qui ne peuvent être visés que lorsqu’ils participent directement aux hostilités et ce, uniquement pendant la durée de cette participation.

Le droit de la guerre prévoit également la protection des biens de caractère civil contre les attaques délibérées ; ceux-ci sont définis comme tout ce qui n’est pas considéré comme un objectif militaire légitime. Ils comprennent les lieux d’habitation, les entreprises, les lieux de culte, les hôpitaux et autres établissements médicaux, les écoles et les monuments culturels.

Les biens de caractère civil peuvent faire l’objet d’attaques légitimes lorsqu’ils deviennent des objectifs militaires, c’est-à-dire lorsqu’ils apportent une contribution réelle à l’action militaire et que leur destruction, leur prise ou leur neutralisation offre un avantage militaire avéré, soumis aux règles de proportionnalité. Cela inclut la présence de membres de groupes armés ou de forces militaires dans ce qui est normalement un bien de caractère civil. En cas de doute quant à la nature d’un bien, celui-ci doit être présumé civil.

Le droit de la guerre interdit les attaques menées sans discernement, qui frappent des objectifs militaires et des civils ou des biens de caractère civil sans distinction. Les attaques sans discernement incluent, par exemple, celles qui ne sont pas dirigées contre un objectif militaire spécifique ou qui utilisent des armes qui ne peuvent pas être dirigées contre un objectif militaire spécifique. Parmi les attaques sans discernement interdites figurent les bombardements de zone, soit des attaques à l’artillerie ou menées par d’autres moyens qui considèrent comme un objectif militaire unique plusieurs objectifs militaires clairement séparés et distincts situés dans une zone présentant une concentration de civils et de biens de caractère civil.

Une attaque contre une cible militaire par ailleurs légitime est interdite si elle viole le principe de proportionnalité, c’est-à-dire si elle est susceptible de causer des pertes incidentes parmi les civiles ou des dommages à des biens de caractère civil qui seraient excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct escompté de l’attaque.

  1. Quelles sont les obligations des forces armées congolaises et rwandaises et des groupes armés non étatiques en ce qui concerne les combats dans les zones peuplées, y compris les zones urbaines et les camps de déplacés ?

Le droit international humanitaire n’interdit pas les combats dans les zones urbaines. Cependant, la présence d’un grand nombre de civils oblige davantage les parties belligérantes à prendre des mesures pour limiter au minimum les dommages subis par les civils.

Le droit de la guerre exige que les parties s’efforcent en permanence d’épargner la population civile lors de leurs opérations militaires et « pren[nent] toutes les précautions possibles » pour éviter ou réduire au minimum les pertes parmi les civils ainsi que les dommages aux biens de caractère civil. Ces précautions consistent notamment à faire tout ce qui est possible pour vérifier que les cibles de l’attaque sont des objectifs militaires et non des populations civiles ou des biens de caractère civil, à fournir « à l’avance un avertissement efficace » des attaques lorsque les circonstances le permettent et à s’abstenir de lancer une attaque si celle-ci pourrait enfreindre à la règle de proportionnalité.

Les forces déployées dans des zones peuplées doivent, dans la mesure du possible, éviter de positionner des objectifs militaires – y compris des soldats et des combattants, mais aussi des munitions, des armes, des équipements et des infrastructures militaires – dans des zones densément peuplées ou à proximité, et s’efforcer d’évacuer les civils des environs des objectifs militaires. Il est interdit aux belligérants d’utiliser des civils pour protéger des objectifs ou des opérations militaires contre des attaques. Le terme « bouclier humain » désigne le fait d’utiliser délibérément la présence de civils pour protéger des forces ou des zones militaires d’attaques.

Les parties belligérantes devraient assurer la protection et l’assistance aux personnes déplacées conformément à la Convention de l’Union africaine de 2012 sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala).

En même temps, la partie attaquante n’est pas délivrée de son obligation de tenir compte des risques encourus par les civils, y compris du devoir d’éviter de leur causer des dommages disproportionnés, du simple fait qu’elle considère la partie adverse comme responsable d’avoir positionné des cibles militaires légitimes à l’intérieur ou à proximité de zones peuplées. La présence d’artillerie congolaise dans une zone peuplée ne saurait justifier une attaque de cette zone sans égard pour la population civile menacée, y compris du fait de l’obligation de distinguer les combattants des civils et de la règle de proportionnalité.

  1. Quelles sont les préoccupations liées à l’usage d’armes explosives ?

L’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées est l’une des menaces les plus graves pour les civils dans les conflits armés contemporains. En plus de causer directement des pertes civiles, les armes explosives à large rayon d’impact endommagent ou détruisent fréquemment des infrastructures civiles, telles que des ponts, des hôpitaux et des écoles, provoquant des dommages à long terme pour les civils, notamment la perturbation des services de base. Ces armes sont considérées comme à large rayon d’impact si elles ont un grand rayon de destruction, manquent par essence de précision ou dispersent simultanément de multiples munitions. Leur utilisation dans des zones peuplées force les habitants à fuir leurs foyers, ce qui exacerbe les besoins humanitaires.

Les armes qui ont un grand rayon de destruction incluent celles qui font détonner une grande quantité de matières explosives et celles qui projettent des fragments sur une vaste superficie, voire les deux. Les munitions contenant de grandes quantités de matières explosives peuvent produire une fragmentation qui propage des projectiles de manière imprévisible sur une grande surface et une onde de choc puissante qui peut causer de graves blessures au corps humain et d’importants dommages aux structures physiques, provoquer des traumatismes contondants et des blessures dues à des débris projetés, et causer d’autres blessures ou aggraver des blessures ou maladies préexistantes. Les munitions dotées d’ogives à fragmentation sont conçues pour disperser des dizaines de fragments sur une zone donnée, ce qui rend difficile, voire impossible, la limitation des effets d’une telle arme. 

L’emploi d’armes explosives à large rayon d’impact dans les zones densément peuplées du Nord-Kivu, où vivent de nombreux habitants et personnes déplacées, est susceptible de causer, de manière prévisible, de graves préjudices aux civils et aux biens de caractère civil. En outre, l’utilisation de roquettes, qui sont par essence imprécises ou destinées à saturer une vaste superficie et qui sont susceptibles de frapper des civils et des biens de caractère civil, provoque également des dommages prévisibles aux civils et aux biens de caractère civil.

Plus de 85 pays ont approuvé la Déclaration politique de 2022 sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées. Ni le Rwanda ni la République démocratique du Congo ne l’ont fait.

  1. Les parties belligérantes doivent-elles avertir les civils avant les attaques ? Quelles sont les caractéristiques d’un avertissement « efficace » ?

Le droit de la guerre exige que les parties belligérantes donnent « à l’avance un avertissement efficace » au sujet d’attaques qui peuvent affecter la population civile, à moins que les circonstances ne le permettent pas. Ce qui caractérise un avertissement « efficace » dépendra des circonstances. Une telle évaluation doit prendre en compte le moment où l’avertissement est donné et la capacité des civils à évacuer la zone concernée. Un avertissement qui ne laisse pas aux civils suffisamment de temps pour se rendre dans un lieu plus sûr n’est pas considéré comme « efficace ».

  1. Quelles sont les obligations des forces armées congolaises et rwandaises et des groupes armés non étatiques vis-à-vis des agences humanitaires ?

En vertu du droit international humanitaire, les parties à un conflit doivent autoriser et faciliter le passage rapide et sans entrave d’une aide humanitaire distribuée afin qu’elle soit distribuée de manière impartiale à la population dans le besoin. Les parties belligérantes doivent consentir à ce que des opérations de secours aient lieu et ne peuvent refuser de donner leur consentement pour des motifs arbitraires. Elles peuvent prendre des mesures pour s’assurer que les livraisons ne comprennent pas d’armes ou d’autres matériels militaires. Cependant, il est interdit d’entraver délibérément l’acheminement de l’aide.

En outre, le droit international humanitaire exige des parties belligérantes qu’elles garantissent la liberté de déplacement du personnel humanitaire qui est essentielle à l’exercice de leurs fonctions. Ces déplacements ne peuvent être limités que temporairement pour des raisons de nécessité militaire impérieuse.

La Convention de Kampala de 2012 stipule qu’il est interdit aux groupes armés de « [v]ioler le caractère civil et humanitaire des lieux où les personnes déplacées sont accueillies et de s’infiltrer dans ces lieux ».

  1. Comment les parties au conflit devraient-elles traiter les cas de violence sexuelle ?

Les actes tels que le viol, les agressions sexuelles, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la stérilisation forcée, l’avortement forcé et la grossesse forcée lorsqu’ils sont commis dans le cadre d’un conflit armé international ou non international sont des violations graves du droit international humanitaire et constituent des crimes de guerre.

Le viol et d’autres formes de violences sexuelles peuvent également être assimilés à de la torture, en particulier en situation de détention, et être poursuivis en justice en tant que telle.

Les actes de violences sexuelles peuvent également constituer des crimes contre l’humanité et des actes de génocide.

Dans les conflits armés, le droit international humanitaire prévoit des règles pour protéger l’accès aux soins de santé. Cela signifie que les établissements de santé, les prestataires de soins ainsi que les fournitures et équipements médicaux doivent être protégés contre toutes les attaques, et que les parties belligérantes ne devraient pas entraver, mais au contraire faciliter, l’accès aux soins de santé, y compris pour les survivantes de violences sexuelles.

Toutes les parties au conflit doivent garantir l’accès à toutes les informations et à tous les services de santé sexuelle et reproductive. Cela doit inclure l’accès à des services de prévention, de traitement et de prise en charge des infections sexuellement transmissibles et à des soins d’avortement sûrs, légaux et complets pour toutes les femmes et les filles touchées par le conflit.

Les autorités de la RD Congo et du Rwanda devraient mener des enquêtes et, si les preuves le permettent, juger de façon équitable les personnes impliquées dans des viols et d’autres formes de violences sexuelles. Elles devraient également garantir l’accès à un soutien médical, psychologique, juridique, social et à une aide financière, ainsi qu’à des réparations, pour les survivantes de violences sexuelles.

  1. Le droit international relatif aux droits humains s’applique-t-il toujours au Nord-Kivu ?

Le droit international relatif aux droits humains est applicable à tout moment, y compris pendant les situations de conflit armé dans lesquelles le droit de la guerre s’applique, ainsi qu’en temps de paix. Le Rwanda et la RD Congo sont des États parties aux principaux traités internationaux relatifs aux droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ces traités énoncent les garanties de droits fondamentaux, dont beaucoup correspondent aux protections auxquelles les civils ont droit en vertu du droit international humanitaire (telles que l’interdiction de la torture, des traitements inhumains et dégradants, la non-discrimination et le droit à un procès équitable).

En mai 2021, la RD Congo a décrété l’état de siège, semblable à la loi martiale, dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Même si le PIDCP permet de restreindre certains droits en cas d’urgence publique officiellement proclamée qui « menace l’existence de la nation », toute dérogation (au sens de suspension) aux droits en cas d’urgence publique doit être de nature exceptionnelle et temporaire, doit être mise en œuvre « dans la stricte mesure où la situation l’exige » et ne doit pas impliquer de discrimination fondée sur la race, la religion et d’autres critères.

Certains droits fondamentaux – tels que le droit à la vie et le droit de ne pas être soumis à la torture et à d’autres mauvais traitements, l’interdiction de la détention au secret, l’obligation de garantir l’accès à un examen judiciaire de la légalité d’une détention et le droit à un procès équitable – doivent toujours être respectés, même en situation d’urgence publique.

  1. Qui peut être tenu pour responsable de violations du droit international humanitaire ?

Les violations graves du droit de la guerre commises avec une intention criminelle constituent des crimes de guerre. Les crimes de guerre, énumérés dans les dispositions sur les « infractions graves » des Conventions de Genève et en tant que droit coutumier dans le Statut de Rome, traité fondateur de la Cour pénale internationale (CPI), et dans d’autres sources, comprennent un large éventail d’infractions, telles que les attaques délibérées, sans discernement et disproportionnées portant atteinte aux civils, la torture et l’utilisation de boucliers humains, entre autres. Des individus peuvent également être tenus pénalement responsables pour avoir tenté de commettre un crime de guerre, ou pour avoir soutenu, facilité, aidé ou encouragé la commission d’un crime de guerre.

La responsabilité peut également incomber à quiconque planifie ou incite à commettre un crime de guerre. En outre, les commandants militaires et les dirigeants civils peuvent être poursuivis pour crimes de guerre au titre de la responsabilité de commandement lorsqu’ils avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance de la commission de crimes de guerre et n’ont pas pris les mesures nécessaires pour les prévenir ou punir ceux qui en sont responsables.

Les États qui fournissent ou transfèrent des armes, des munitions et d’autres matériels à une force armée ou à un groupe armé connu pour commettre des crimes de guerre peuvent être complices de crimes de guerre.

Les États ont l’obligation de mener des enquêtes et de poursuivre de manière équitable les personnes se trouvant sur leur territoire qui auraient commis des crimes de guerre ou de les transférer légalement vers un autre pays pour qu’elles y soient jugées.

  1. Les crimes graves présumés peuvent-ils faire l’objet de poursuites devant la CPI ou d’autres juridictions ?

La CPI est un tribunal de dernier recours chargé de mener des enquêtes et de poursuivre les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de génocide et de crime d’agression. La CPI n’est saisie que si les autorités nationales n’engagent pas de véritables poursuites contre les auteurs de crimes qui entrent dans le champ de compétence de la Cour.

Les pays qui sont membres de la CPI peuvent demander au Bureau du Procureur de la Cour d’enquêter sur des crimes internationaux graves présumés commis sur leur territoire ou sur le territoire d’un autre pays membre de la CPI. La République démocratique du Congo est membre de la CPI, tandis que le Rwanda ne l’est pas.

Le Bureau du Procureur de la CPI enquête sur les crimes graves commis en RD Congo depuis 2004, à la suite d’une demande officielle du gouvernement congolais. L’enquête couvre des crimes présumés perpétrés sur le territoire de la RD Congo – et en particulier en Ituri, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu – depuis le 1er juillet 2002.

Le Procureur de la CPI a engagé des actions publiques contre six suspects dans le cadre de crimes graves commis en RD Congo. Quatre d’entre eux étaient d’anciens chefs de groupes armés poursuivis par la Cour pour des crimes présumés perpétrés en Ituri en 2002-2003. Thomas Lubanga, Bosco Ntaganda et Germain Katanga ont été reconnus coupables, tandis que Mathieu Ngudjolo Chui a été acquitté. La CPI a également émis des mandats d’arrêt contre deux anciens chefs de groupes armés, Callixte Mbarushimana et Sylvestre Mudacumura, pour des crimes présumés commis dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu en 2009-2010. Cependant, bien que Callixte Mbarushimana ait été arrêté, les charges portées contre lui n’ont pas été confirmées par les juges de la Cour. Sylvestre Mudacumura a quant à lui été tué avant d’être traduit en justice.

Human Rights Watch a exhorté à plusieurs reprises le Procureur de la CPI à examiner non seulement la responsabilité des commandants rebelles abusifs, mais aussi des hauts responsables politiques et militaires en RD Congo, en Ouganda et au Rwanda pour leur rôle dans les crimes graves commis dans l’est de la RD Congo au cours des dernières années.

En 2023, le gouvernement congolais a officiellement demandé au Bureau du Procureur d’enquêter sur les crimes graves qui auraient été commis dans le Nord-Kivu depuis le 1er janvier 2022. Le Procureur évalue actuellement la demande en vue de décider de l’ouverture ou non d’une enquête sur ces crimes.

Cette nouvelle demande souligne la nécessité d’un engagement continu de la CPI en RD Congo, en particulier compte tenu de l’escalade de la violence non seulement dans le Nord-Kivu, mais également dans d’autres provinces.

En tant que tribunal de dernier recours, la CPIn’a jamais été destinée à mener des enquêtes et des poursuites contre tous les responsables de crimes internationaux graves en RD Congo et elle n’en a pas la capacité. Au cours des 20 dernières années, les tribunaux militaires congolais ont traité un nombre croissant d’affaires concernant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Pourtant, la vaste majorité des atrocités commises en RD Congo restent impunies et les procédures à l’échelle nationale continuent d’être compromises par des failles du système judiciaire congolais.

Au-delà de ses propres enquêtes, la CPI a un rôle important à jouer dans le soutien des efforts nationaux en matière de reddition des comptes. À la suite de la signature d’un mémorandum d’entente avec le gouvernement congolais, le Bureau du Procureur de la CPI prend des mesures pour renforcer son engagement auprès des autorités congolaises. En même temps, le gouvernement congolais devrait établir un mécanisme de justice internationalisé pour mener des enquêtes et des poursuites sur les crimes internationaux graves commis en RD Congo aussi bien par des acteurs congolais et que des étrangers, y compris ceux documentés dans le rapport du projet Mapping des Nations Unies. Un tel mécanisme compléterait le travail de la CPI et des tribunaux nationaux, contribuant ainsi à combler le déficit actuel en matière de reddition des comptes.

En outre, d’autres pays pourraient utiliser la « compétence universelle » pour mener des enquêtes et des poursuites sur les crimes graves commis en RD Congo. En vertu de ce principe juridique, les autorités nationales peuvent, dans des circonstances spécifiques, mener des enquêtes et des poursuites sur certains crimes graves en vertu du droit international, quel que soit le lieu où ils ont été commis et quelle que soit la nationalité des suspects ou de leurs victimes. Ainsi, en 2023, les autorités françaises ont mis en examen un ancien chef de groupe armé congolais, Roger Lumbala, pour des crimes présumés commis en Ituri et dans le Nord-Kivu en 2002.

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