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Un navire de MSF bloqué en Italie après avoir sauvé des centaines de personnes

Témoignage sur une opération qui a sauvé des vies et sur les entraves à de tels sauvetages

Un bateau de patrouille des garde-côtes libyens (à droite) se dirigeait vers un canot pneumatique de Médecins Sans Frontières (au centre), dont l’équipe venait de secourir des personnes qui se trouvaient sur le petit bateau bleu (à gauche) en mer Méditerranée centrale, le 19 septembre 2024. © 2024 Judith Sunderland/Human Rights Watch

L’équipage du Geo Barents, le navire de sauvetage de Médecins Sans Frontières (MSF) en Méditerranée centrale, venait de ramener à bord une femme syrienne enceinte de 7 mois lorsqu’une voix grésilla dans mon talkie-walkie : une petite embarcation approchait rapidement.

En tant qu’observatrice à bord du Geo Barents, j’ai couru vers le pont et j’ai vu un bateau de patrouille des garde-côtes libyens, construit en Italie avec le soutien de la Commission européenne, foncer vers le canot de l’équipe MSF alors qu’il récupérait des personnes qui voyageaient dans un bateau en bois extrêmement surchargé.

Les garde-côtes libyens ont exigé l’arrêt immédiat de l’opération de sauvetage et ont menacé d’ouvrir le feu, mais ont finalement accepté de laisser l’équipe de MSF terminer son opération de sauvetage, avant de quitter la zone.

Lorsque nous sommes arrivés à Gênes, en Italie, trois jours plus tard pour débarquer les personnes secourues, les autorités italiennes ont ordonné que le Geo Barents soit immobilisé au port pendant 60 jours.

L’ordonnance s’appuyait sur la même logique tordue que le gouvernement italien a utilisée à plusieurs reprises depuis le début de l’année 2023 pour empêcher les organisations humanitaires de secourir des personnes en détresse sur des bateaux surpeuplés et navigant dans des conditions peu sûres : le prétendu non-respect des instructions de garde-côtes libyens, alors que ces instructions sont peu fiables et souvent dangereuses.

Il y a à peine dix jours, un juge a levé une précédente ordonnance d’immobilisation de 60 jours émise contre le Geo Barents par les autorités italiennes sur la base de l’argument encore plus spécieux, selon lequel MSF avait contribué à créer une situation dangereuse en sauvant des dizaines de personnes en Méditerranée pendant la nuit. Le juge a conclu que le sauvetage avait été « urgent et inévitable »,  et que l’immobilisation du Geo Barents mettait en péril les objectifs humanitaires de l’organisation.

J’ai été témoin du professionnalisme et du dévouement de l’équipage lorsqu’il a secouru 206 personnes, dont de nombreuses femmes et enfants, lors de deux opérations le 19 septembre. Lors de conversations avec des personnes secourues qui étaient originaires de la Syrie, de l’Érythrée, de l’Éthiopie, de la Somalie et de l’Égypte, j’ai entendu des détails choquants sur la violence qu’elles ont subie en Libye.

Un grand nombre de ces personnes ont tenté la traversée maritime plus d’une fois, et ont été détenues dans des centres de détention libyens dans des conditions cauchemardesques, après avoir été interceptés.

Ces personnes ont eu la chance d’être secourus par MSF et emmenées en lieu sûr. Mais combien d’autres personnes risquent de se noyer en mer ou d’être interceptées par les forces libyennes, tant que le Geo Barents est à nouveau immobilisé au port de Gênes ? Le gouvernement italien et l’Union européenne devraient cesser de soutenir le cycle qui enferme les gens dans des abus extrêmes en Libye et devraient permettre, plutôt qu’entraver, les opérations de sauvetage en mer.

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