(Beyrouth) – Le renversement du régime de Bachar el-Assad en décembre 2024 fait naître des possibilités nouvelles en vue d’établir les responsabilités pour les crimes atroces commis pendant des années et de mettre en place un nouveau gouvernement respectueux des droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2025. Les autorités de transition syriennes devraient prendre de toute urgence des mesures pour sécuriser et préserver, dans tout le pays, les preuves matérielles des graves crimes internationaux commis par les membres de l’ancien gouvernement.
Dans la 35e édition de son Rapport mondial, qui comprend 546 pages, Human Rights Watch analyse les pratiques relatives aux droits humains dans près de cent pays. Dans une grande partie du monde, écrit la directrice exécutive Tirana Hassan dans son essai introductif, les gouvernements ont réprimé, arrêté et emprisonné à tort des opposants politiques, des activistes et des journalistes. Des groupes armés et des forces étatiques ont illégalement tué des civils, forcé beaucoup d’entre eux à quitter leur foyer et les ont empêchés d’accéder à l’aide humanitaire. Dans de nombreux cas parmi plus de 70 élections nationales tenues en 2024, des dirigeants autoritaires ont gagné du terrain sur la base de rhétoriques et de programmes politiques discriminatoires.
« Après treize ans de guerre et des décennies d’autoritarisme, les Syriens ont enfin l’opportunité de demander justice pour les atrocités du régime d’el-Assad et de tracer un nouveau chemin où les droits de toutes et tous seront respectés et réalisés », a déclaré Adam Coogle, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Non seulement les autorités de transition ne devraient pas les en empêcher, mais elles devraient démontrer par leurs actions, et non pas seulement leurs paroles, qu’elles sont engagées en ce sens. »
- En 2024, plus de 90 % des Syriens vivaient en-dessous du seuil de pauvreté. Environ 12,9 millions de personnes – plus de la moitié de la population – avaient du mal à trouver suffisamment de nourriture de qualité et au moins 16,7 millions de Syriens ont eu besoin d’aide humanitaire. Or les fonds humanitaires à destination de la Syrie ont chuté et sont à leur plus bas niveau par rapport à ces dernières années.
- En dépit d'une ordonnance émise par la Cour internationale de justice pour interdire les actes de torture perpétrés par l’État, l’ancien gouvernement syrien n’a mis fin ni aux abus, ni à l’impunité de leurs auteurs. Des tribunaux européens ont poursuivi de leur côté les efforts de justice en prononçant des condamnations pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
- Les groupes armés non étatiques présents en Syrie, dont Hayet Tahrir el-Cham (HTC) et des factions de l’Armée nationale syrienne (ANS), qui ont lancé l’offensive du 27 novembre ayant abouti à la chute du régime syrien, ont également commis des atteintes aux droits humains et des crimes de guerre.
- La Turquie et le Liban ont sommairement expulsé des milliers de Syriens vers la Syrie. À partir du 8 décembre, nombre de pays européens ont suspendu le traitement des demandes d’asile de Syriens.
Les nouveaux dirigeants du pays devraient se saisir de l’opportunité sans précédent qui se présente à eux pour montrer l’exemple en matière de droits humains, notamment en protégeant les droits fondamentaux de tous les Syriens grâce à une nouvelle constitution. Les nouvelles autorités devraient ratifier et mettre en pratique les instruments et traités du droit international et des droits humains.
Les pays voisins et les autres pays accueillant des nombres importants de réfugiés syriens ne devraient pas se hâter d’expulser, ou de renvoyer par quelque moyen que ce soit, les ressortissants syriens vivant sur leur territoire. Ils devraient au contraire maintenir leur statut de protection temporaire ou de réfugié. D’autres pays devraient urgemment envisager de lever les sanctions générales ou infligées à certains secteurs, notamment celles qui impactent les opérations humanitaires, ainsi que les sanctions s’appliquant aux institutions financières syriennes.