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L'UE a l’opportunité de soutenir un avenir meilleur pour les Syriens

Pourquoi l'Europe doit agir rapidement et défendre les droits humains et la justice

Publié dans: euronews
Une photo géante du président syrien déchu, Bashar al-Assad, était déroulée sur le sol du palais présidentiel à Damas, le 8 décembre 2024 ; en haut des marches, un combattant d’un groupe armé d’opposition surveillait les lieux. © 2024 Omar Sanadiki/AP Photo

Des magasins fermés, des files d'attente pour du pain, des quartiers en ruines depuis plus de dix ans, des habitants tentant de se remettre de plusieurs années de guerre et de traumatismes : voilà ce qu’ont observé les chercheurs de Human Rights Watch lors de leurs récentes visites à Damas, les premières depuis 15 ans. Si les Syriens ont exprimé leur espoir d'un avenir meilleur après la chute du gouvernement de Bachar al-Assad en décembre, la peur était également palpable, en particulier parmi les minorités et les personnes susceptibles d’être exposées à des représailles. Beaucoup ont un sentiment de profonde inquiétude concernant l’avenir.

L'effondrement politique et économique du pays, la prolifération des groupes armés et l'ampleur même des destructions représentent déjà des défis considérables. Mais les exécutions sommaires et les atrocités de masse récemment perpétrées dans la région côtière rendent la situation encore plus périlleuse. Sans une action internationale urgente, la Syrie risque de retomber dans des cycles de violences et d'instabilité. L'Europe est particulièrement bien placée pour soutenir les aspirations des Syriens à la justice et au respect des droits humains. Tout sera une question de timing et d’ambition. Tel devrait être le message porté par l'Union européenne lors de la conférence de Bruxelles sur la Syrie, le 17 mars.

Face aux violences et atrocités commises depuis le 6 mars, il est impératif que la communauté internationale, y compris l'Europe, prenne des mesures pour assurer la protection des civils. Cela passe par un soutien technique et financier afin d’établir un système judiciaire et de sécurité responsable et discipliné qui respecte l'État de droit. L'UE devrait également s'engager auprès des autorités pour garantir que des enquêteurs indépendants, notamment des mécanismes internationaux et des organisations de la société civile, puissent effectuer leur travail sans entraves.

La coopération avec la Commission d'enquête des Nations unies et le Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie, notamment en autorisant l’ouverture de bureaux en Syrie, constituerait une première étape essentielle. L'UE est également à même d’apporter son soutien et son expertise pour amorcer la construction d’un processus crédible et complet de justice transitionnelle et de responsabilisation, et encourager les autorités à adhérer à la Cour pénale internationale.

Par ailleurs, l'UE devrait s'attaquer aux autres foyers de tensions, notamment dans le nord-est du pays avec les Forces démocratiques syriennes dirigées par les Kurdes, avec lesquelles un accord d'intégration dans les institutions syriennes a été signé le 10 mars. Elle doit également faire pression sur Israël pour faire cesser les violations et les menaces dans le sud-ouest de la Syrie.

Résoudre ces problèmes fondamentaux n'est qu'une partie du défi à relever pour parvenir à une stabilité durable. Les Syriens sont également confrontés à un effondrement économique sans précédent. Traverser Damas en voiture – en sachant que la situation est encore pire hors de la capitale – rappelle de manière brutale l’ampleur des ravages causés par des années de conflit et d'oppression. Avec 90 % des Syriens vivant en dessous du seuil de pauvreté et la moitié de la population privée d’accès à une alimentation de qualité, ou n'ayant pas les moyens de s'en procurer, l'ampleur des besoins humanitaires est considérable.

Les pays occidentaux devraient prendre conscience que le maintien des sanctions internationales entrave la reconstruction de la Syrie et l'accès des Syriens aux services de base. La récente suspension par l'UE de sanctions dans certains secteurs clés, comme l'énergie et les transports, ainsi que l'assouplissement de celles qui pèsent sur son secteur financier, sont des avancées positives, mais encore insuffisantes. L'UE devrait de toute urgence agir pour éviter une application excessive des sanctions qui pénalisent les simples citoyens Syriens et évaluer l'impact des sanctions européennes restantes, notamment sur les services bancaires et les biens à double usage, ainsi que sur les droits économiques et sociaux des Syriens.

L'UE devrait également proposer aux autorités syriennes une feuille de route claire et publique, précisant les mesures nécessaires à la levée des sanctions restantes.

Enfin, l'UE devrait étroitement coordonner son action et faire pression sur les autres entités imposant des sanctions, en particulier les États-Unis, pour qu'elles fassent de même. Bien qu’il puisse être tentant d'utiliser les sanctions sectorielles comme levier politique, elles ne sont ni l’outil le plus efficace, ni le plus juste, pour soutenir les aspirations des Syriens à la justice et à la reconstruction. Sans critère précis, de telles sanctions risquent de devenir un instrument inadapté prolongeant la souffrance, au lieu de favoriser un changement réel et positif.

Parallèlement, les discussions menées par l'équipe de Human Rights Watch à Damas ont mis en évidence la marge de manœuvre limitée de la société civile en Syrie, affectant à la fois les organisations qui fournissent de l'aide et ceux qui souhaitent jouer un rôle dans la transition du pays.

Nos collègues nous ont fait part des restrictions et des obstacles administratifs auxquels elles sont confrontées au travail, notamment l’obligation de se réenregistrer et d'autres exigences similaires à celles en vigueur sous le régime d'al-Assad. L'UE devrait insister sur l’importance d’une plus grande ouverture à l'égard du travail des organisations indépendantes.

L'UE devrait également s’engager auprès de ceux qui ont trouvé refuge en Europe ou qui chercheraient encore à le faire. Les ministres de l'UE ont soutenu à juste titre l'idée de permettre aux réfugiés syriens d'entreprendre des visites exploratoires sans perdre leur statut juridique. La Commission, ainsi que tous les État membre, devraient faire de l'autorisation de ces visites une priorité.

La chute d'al-Assad a suscité à la fois de l'espoir et de l'incertitude pour des millions de Syriens, qu’ils soient dans leur pays ou en exil. Si l'UE et ses membres sont réellement déterminés à aider les Syriens à rompre avec des décennies de répression et d'impunité, ils devraient redoubler d'efforts pour aider la Syrie et montrer aux Syriens qu'ils soutiendront leurs droits et leur bien-être.

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