Haïti : Des enfants piégés par la violence criminelle et par la faim

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Les chefs de gangs essaient souvent de me donner une arme, mais je refuse toujours parce que ce n’est pas le genre de vie que je veux. Si vous portez une arme, vous finissez par mourir. Et après cela, vous n’avez plus d’endroit où aller. Je veux la liberté, c’est pourquoi je ne possède pas d’arme, mais ce n’est pas nécessairement une bonne chose pour moi non plus.

Les groupes criminels contrôlent environ 80 % de la capitale d’Haïti, Port-au-Prince, et de sa zone métropolitaine.

D’après l’UNICEF, 2,7 millions de personnes, dont environ un demi-million d’enfants, vivent sous leur contrôle.

Pour survivre, d’innombrables enfants rejoignent des groupes criminels, principalement poussés par la faim et l’extrême pauvreté.

De nombreux autres enfants ont été recrutés récemment, apparemment en réponse aux opérations de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) et de la Police nationale d’Haïti.

Une fois dans les groupes, ils sont contraints de se livrer à des activités illégales et sont victimes d’abus.

Abandonnés par l’État, privés de nourriture, d’éducation et de soins de santé, ces enfants trouvent dans les groupes criminels leur seule source de subsistance, d’abri et de revenus.

Le gouvernement devrait répondre d’urgence aux besoins des enfants, notamment en matière de nourriture, d’abri, de protection et d’éducation.

Les autorités devraient également veiller à ce que les enfants aient des possibilités légales de réadaptation et à ce que les groupes criminels rendent des comptes.

Ma situation est assez difficile. Je dirais même que je vis mal, que je mange mal et que je bois mal. J’habitais avec mon père, mais il est décédé. Ma mère avait 9 enfants, alors la famille s’est fragmentée. Certains d’entre nous se sont retrouvés dans la rue, et d’autres ont rejoint des gangs. Parfois, je reçois un peu d’argent des gangs pour lesquels je travaille, et ils me donnent généralement de l’argent pour ma mère.

Les groupes criminels recrutent des enfants dès l’âge de 10 ans.

Ils commencent comme informateurs ou en effectuant de simples tâches, mais dans peu de temps, plusieurs d’entre eux sont armés et commettent des actes de pillage et d’extorsion, ainsi que des enlèvements.

Après quelques mois, ils sont contraints de participer à des affrontements avec la police ou des groupes rivaux.

Les enfants gagnent entre un et quinze dollars par mois, plus de la nourriture, qu’ils utilisent souvent pour subvenir aux besoins de leur famille.

Ce jeune de quatorze ans a rejoint un groupe criminel après le décès de son père.

Mon père est mort. Je suis allé vivre avec un gang. Les gars m'ont appris à tirer et à charger une arme. Ils m'ont même fait commettre un enlèvement.

Lassés de la violence, de nombreux enfants veulent quitter les groupes et retourner à l'école.

Mais près d'un millier d'écoles restent fermées dans les zones les plus vulnérables, ce qui touche plus de 150 000 enfants.

Quelques organisations locales offrent des espaces sûrs où les enfants peuvent trouver un peu de soutien, mais il faut beaucoup plus d'aide.

Nous rencontrons tous les jours divers enfants. Parmi eux, il y a des enfants abandonnés et non accompagnés, qui ont été séparés de leur famille. D'autres ont des familles qui vivent dans des conditions économiques vraiment précaires, des familles très, très vulnérables. Ils sont obligés de rejoindre des des [gangs] armés pour subvenir aux besoins de leur famille. Chaque jour, la violence augmente. Ainsi, les enfants qui vivent déjà dans la communauté n’ont pas d’autre choix, car il est impossible pour la majorité des écoles publiques et privées de fonctionner normalement.

Il y a un manque de planification et de financement pour assurer la protection de ces enfants, notamment via l’accès à l’éducation, aux programmes de réhabilitation et de réinsertion, ou à la justice pour les abus dont ils sont victimes.

Les filles sont particulièrement vulnérables face aux abus. Les membres et les dirigeants de ces groupes les exploitent sexuellement.

Elles sont également exploitées pour travailler, comme faire la cuisine et le ménage.

Cette jeune fille de seize ans qui est enceinte était membre du groupe Gran Ravine.

J’ai quitté la maison de mes parents parce que ma mère n’avait pas les moyens de me soutenir, alors je suis partie.

J’avais une relation avec un gangster à Gressier.

Je cuisinais pour eux, je leur achetais des vêtements, même des sandales, tout ce dont ils avaient besoin, je l’achetais.

Une stratégie globale impliquant toutes les entités gouvernementales concernées et les divers acteurs en Haïti est nécessaire pour coordonner une réponse fondée sur les droits, pour les enfants enrôlés dans des groupes criminels.

Cette stratégie devrait également inclure la garantie d’exiger de traduire en justice les groupes criminels qui recrutent des enfants et les utilisent dans des activités criminelles.

Les acteurs qui jouent un rôle en Haïti devraient agir d’urgence pour réaliser la réhabilitation à long terme des enfants, pour renforcer les communautés et pour construire la paix.

Je veux juste aller à l’école et me remettre sur la bonne voie, afin de réaliser mes rêves et pouvoir quitter la rue.

 

En Haïti, des centaines, voire des milliers d’enfants poussés par la faim croissante et l’extrême pauvreté ont rejoint des groupes criminels, où ils sont contraints de se livrer à des activités illégales et subissent souvent eux-mêmes des abus, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La récente augmentation du recrutement d’enfants par des gangs semble être une réponse aux opérations de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) et de la Police nationale d’Haïti. Alors que l’année scolaire commence, le nouveau gouvernement de transition devrait mettre en place une stratégie axée sur l’éducation qui protège les enfants en leur permettant de quitter les gangs, tout en poursuivant en justice les membres de gangs ayant commis des abus.

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