Le parlement russe devrait rejeter la législation qui augmenterait le contrôle gouvernemental sur les groupes russes et obligerait les organisations étrangères en Russie à fermer, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Le mercredi 23 novembre, la Douma d’État a prévu d’examiner, en première lecture, le projet de loi, commandité par chacune des quatre factions du parlement russe. La loi, si elle était adoptée, aurait de lourdes conséquences sur la société civile russe, déjà sérieusement affaiblie. La loi obligerait toutes les organisations non gouvernementales (ONG) à s’enregistrer de nouveau avant les prochaines élections nationales, interdirait les ONG internationales de fonctionner dans le pays, et donnerait au gouvernement tout pouvoir pour interférer dans le travail des ONG russes.
«Cette loi ouvre un nouveau chapitre sur les mesures énergiques prises par le gouvernement contre les institutions de la société civile,» a indiqué Holly Cartner, Directrice de la division de l’Europe et de l’Asie Centrale à Human Rights Watch. «Avec le système de contrôle et de balance du pouvoir quasiment neutralisé par le Kremlin, les ONG sont parmi les dernières voix indépendantes capables de critiquer le gouvernement et de demander qu’il réponde de ses actes. Si elle passait, cette loi les réduirait au silence.»
Dans le nouveau document d’information, « Diriger la société civile: au tour des ONG? », Human Rights Watch analyse comment le Kremlin a éliminé la plupart des médias indépendants, détruit les élites régionales comme force politique, installé un parlement docile, et ébranlé l’indépendance du système judiciaire. Le projet de loi se confronte au contexte de ces tentatives délibérées pour démanteler le système de contrôle et de balance du pouvoir du Président Vladimir Poutine.
Même si les ONG ont d’abord continué à fonctionner relativement librement quand Poutine est arrivé au pouvoir, le gouvernement a commencé à harceler systématiquement les ONG qui travaillaient sur les problèmes liés à la Tchétchénie, et cela suite au discours sur l’état de la nation en 2004, dans lequel le Président Poutine avait fustigé ces mêmes ONG. Depuis lors, les officiels établissent de fausses accusations criminelles contre des activistes, menacent ces derniers, tentent de fermer des ONG ou refusent de les enregistrer, et intimident les victimes qui en disent trop.
La Société pour l’amitié Russo-Tchétchène, par exemple, subit des attaques continues depuis l’année dernière. Début novembre, le ministère de la justice de Nizhnii Novgorod a échoué dans sa tentative de fermer l’organisation par voie judiciaire. Stanislav Dmitrievsky, le directeur de l’organisation, est jugé pour crimes d’incitation à la haine, allégation basée sur des entretiens publiés avec deux chefs rebelles tchétchènes, et encourt donc une peine de cinq ans de prison s’il est reconnu coupable. L’inspection des impôts a réclamé l’arriéré d’impôt qui s’élève à un million de roubles (environ 35.000 dollars américains)—une accusation que l’organisation réfute.
Les conditions de travail en Russie, pour de nombreuses autres ONG, se détériorent de façon significative à cause des harangues enragées que lancent de plus en plus, contre eux, les officiels. Par exemple, les officiels attaquent régulièrement et avec véhémence le Comité des mères de soldats.
«Le but premier de cette loi est de paralyser la communauté des ONG,» a déclaré Holly Cartner, Directrice de la division de l’Europe et de l’Asie Centrale à Human Rights Watch. «La Douma d’État devrait faire échouer ce projet de loi.»
Ce projet de loi interdit aux organisations internationales d’avoir une représentation ou des succursales en Russie. De tels groupes devront s’enregistrer de nouveau comme ONG locale et être financièrement indépendants de leurs maisons-mères. Cette mesure les rendrait inéligibles pour recevoir la plupart des fonds étrangers. Le projet de loi empêche aussi tout individu n’étant pas résident permanent russe de travailler dans une ONG. Parmi les organisations, menacées de fermeture, se trouvent les groupes internationaux de défense des droits de l’homme, y compris Human Rights Watch, les «think tanks» (groupe d’experts), les fondations, et les organisations d’aide sociale et d’aide humanitaire.
De même, le projet de loi étend de façon radicale la surveillance gouvernementale sur les ONG locales, en accordant au département de justice le droit de leur demander, quand il le souhaite, tout papier financier et autres informations. De telles restrictions sont employées dans d’autres pays, comme en Ouzbékistan, où l’on harcèle les ONG pour raison politique.
Des information de sources dans la Douma d’État indiquent que le projet de loi a été fait à la hâte. Une deuxième et une troisième lecture pourraient être faites le 9 décembre, après quoi le projet de loi passerait au Sénat pour approbation. Si tel était le cas, le projet deviendrait une loi avant la fin de l’année.
« Il est très inquiétant qu’un projet de loi si important soit précipité par la Douma, sans débat public significatif, » a ajouté Cartner. «Les ONG n’ont presque pas eu l’occasion de l’étudier en détail et d’avancer leurs objections.»
Human Rights Watch a lancé un appel à la communauté internationale pour prendre des mesures d’urgence pour arrêter, ou, au moins, retarder l’adoption de cette législation. Il devrait être évident pour le président Poutine que la promulgation de ce projet de loi aurait de graves conséquences sur la situation de la Russie sur la scène internationale.
«La communauté internationale doit agir immédiatement,» a averti Cartner. «Le délai très court nous oblige à prendre maintenant des mesures cruciales.»
Dans sa forme actuelle, la législation viole plusieurs obligations de la loi internationale, dont le droit à la liberté d’expression et d’association, et les dispositions qui interdisent la discrimination.