(New York, le 29 avril 2011) - L'attentat à la bombe du 28 avril 2011 à Marrakech est une agression odieuse contre la population et une violation des droits humains les plus fondamentaux, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Cette attaque, la plus meurtrière au Maroc depuis huit ans, a tué au moins seize personnes et en a blessé une vingtaine.
Personne, à la connaissance de Human Rights Watch, n'a revendiqué la responsabilité de l'explosion.
« Cet attentat à la bombe dans un café de Marrakech est une atteinte inexcusable au droit à la vie », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Il ne peut jamais y avoir la moindre justification pour des agressions aussi abjectes. »
L'explosion a dévasté le café Argana, un site touristique populaire sur la place historique Jemaa el-Fna, tuant au moins cinq Marocains et onze étrangers. Un communiqué du gouvernement a annoncé que le Roi Mohammed VI avait donné des instructions aux ministères de l'Intérieur et de la Justice pour enquêter sur l'explosion rapidement, tout en « s'engageant à respecter les principes de l'État de droit et à préserver la paix et la sécurité ».
Tout en poursuivant les responsables, les autorités marocaines devraient respecter à la lettre les ordres du roi d'engager ces poursuites conformément à la loi, et ne pas commettre de graves abus contre les suspects, comme ceux perpétrés lors d'opérations antiterroristes du pays par le passé, a déclaré Human Rights Watch.
Human Rights Watch a décrit de nombreuses violations des droits humains des suspects de terrorisme au Maroc, dont des arrestations et des détentions arbitraires, des tortures pendant les interrogatoires, des confessions forcées et des condamnations suite à des procès iniques. Ces abus violent la législation progressiste adoptée par le Maroc en 2006 pour protéger de la torture, de même que les traités internationaux sur les droits humains qu'il a ratifiés.
Beaucoup de ces abus ont eu lieu dans le cadre de la loi antiterroriste promulguée 12 jours après des attentats-suicides coordonnés à Casablanca le 16 mai 2003, qui avaient tué 45 personnes. Le gouvernement avait accusé deux groupes islamistes : Sirat el-Moustaqim et Salafia Jihadia, une vague alliance de militants au Maroc et dans d'autres pays du Maghreb accusée de liens avec El Qaïda. Des centaines de suspects de terrorisme supplémentaires avaient été arrêtés de façon arbitraire suite à de nouveaux attentats-suicides en 2007.
Il y a six semaines, le roi a promis un processus de réformes politiques, après que les Marocains étaient descendus dans la rue pour demander, entre autres changements, une restriction de ses pouvoirs étendus. Le roi a annoncé qu'un comité élaborerait une proposition de réforme de la constitution qui donnerait au Premier ministre davantage de pouvoir, qui décentraliserait le pouvoir dans les régions, qui reconnaîtrait les diverses composantes de l'identité marocaine, y compris l'amazighité (identité berbère), et qui appliquerait les recommandations faites en 2006 par l'Instance Equité et Réconciliation, la commission de la vérité marocaine.
Le 14 avril, le roi a gracié et libéré un grand nombre de personnes emprisonnées pour des motifs politiques, a commué la peine de cinq condamnés à mort, et a réduit les peines de prison de cinquante-trois autres prisonniers, dans ce que le Conseil national des droits humains a décrit comme un prélude à une vaste révision des cas de prisonniers politiques au Maroc. La majorité de ceux qui ont été libérés ou dont les peines ont été réduites étaient considérés comme proches du jihadisme salafiste, qui plaide un retour à ce que ses partisans considèrent comme les dogmes fondamentaux de l'islam. Certains salafistes, mais pas tous, justifient la violence en vue de l'accomplissement de leurs convictions.
Le Maroc a été frappé par un certain nombre d'attaques à motif politique depuis 1994, quand des militants islamistes présumés ont envahi l'Hôtel Asni à Marrakech et abattu deux touristes espagnols. Les explosions coordonnées qui ont tué 45 personnes à Casablanca en 2003 ont été suivies par une série d'attaques moins importantes, notamment celle de 2007, où deux kamikazes se sont fait exploser près du centre culturel et du consulat des Etats-Unis à Casablanca.
« Les autorités marocaines subiront vraisemblablement une forte pression pour trouver et traduire en justice les responsables de cet atroce attentat », a déclaré Sarah Leah Whitson. « Toutefois dans le cadre de ces efforts légitimes, les autorités doivent aussi s'assurer de ne pas répéter les abus du passé ou de ne pas bloquer des réformes qui auraient dû être effectuées depuis longtemps. »