(Abuja) - Les combattants de Boko Haram ont enlevé de nombreuses femmes et jeunes filles, enrôlé de force des enfants dont certains n’avaient que 12 ans, et tué des centaines de personnes lors de récentes attaques, a révélé Human Rights Watch aujourd'hui. Entretemps, le gouvernement du Nigeria n'a toujours pas fourni d’informations sur le sort de centaines d'hommes et de garçons arrêtés par les forces de sécurité et devenus victimes de « disparitions forcées » depuis le début de l'insurrection de Boko Haram il y a quatre ans.
Parallèlement, la montée en puissance de la Force opérationnelle civile mixte (Civilian Joint Task Force), une alliance entre des militants opposés à Boko Haram et les forces de sécurité nigérianes, ne fait qu’alimenter de manière inquiétante le cycle de la violence. Les membres de cette Force opérationnelle transmettent aux forces de sécurité des informations sur les activités présumées de Boko Haram à l’échelle locale, ce qui conduit à des opérations de représailles menées par le groupe armé islamiste non seulement contre la Force opérationnelle mais aussi contre l’ensemble de la communauté.
« Pour un groupe qui prétend être religieux, Boko Haram emploie des tactiques caractérisées par une extrême impiété », a observé Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le meurtre et la mutilation de civils nigérians, l'enlèvement et le viol de femmes et de jeunes filles, ainsi que le recrutement forcé d'enfants constituent des violations flagrantes des droits humains. »
Au cours d’une mission de recherche de neuf jours menée en novembre 2013 dans les villes de Kano et de Maiduguri, dans le nord du pays, Human Rights Watch a recueilli les témoignages de plus de 60 personnes - des victimes et des témoins des exactions, ainsi que des professionnels de la santé, des membres d’organisations locales de défense des droits civils, des commandants de la Force opérationnelle civile mixte, et des responsables gouvernementaux .
Les commandants de la Force opérationnelle civile mixte ont affirmé avoir agi avec les forces de sécurité pour libérer 26 femmes et jeunes filles enlevées par Boko Haram et détenues à Maiduguri ainsi que dans la forêt de Sambisa. Certaines étaient enceintes, et d'autres avaient accouché lors de leur captivité. Selon les commandants interrogés, plusieurs victimes avaient été enlevées alors qu’elles vendaient des marchandises dans la rue ou travaillaient dans des fermes dans des régions reculées.
Plusieurs témoins ont affirmé avoir vu des enfants dans les rangs de Boko Haram lors des attaques. À Maiduguri, les chercheurs de Human Rights Watch ont visionné une vidéo de l'interrogatoire par les forces de sécurité d'un garçon de 14 ans décrivant sa participation à des opérations du groupe armé. Des commandants de la Force opérationnelle civile mixte ont indiqué qu'ils avaient libéré de nombreux enfants lors d'une attaque menée cette année contre une base de Boko Haram dans la forêt de Sambisa.
Des témoins ont déclaré à Human Rights Watch que Boko Haram a intensifié ses attaques contre les civils après la proclamation de l'état d'urgence en mai dans les États fédéraux de Borno, Yobe et Adamaoua. Le président Goodluck Jonathan a renouvelé l'état d'urgence dans ces trois États en novembre, pour une durée de six mois.
Boko Haram devrait immédiatement mettre un terme à ses attaques et libérer toutes les femmes et les enfants détenus, a souligné Human Rights Watch. Le gouvernement nigérian devrait quant à lui fournir des informations sur le sort de personnes « disparues », et mener des enquêtes approfondies et impartiales sur les allégations crédibles concernant la détention arbitraire d’individus par les forces de sécurité , ainsi que sur la torture de détenus et la mort en détention de certains d’entre eux.
En vertu du droit international relatif aux droits humains, le gouvernement nigérian a la responsabilité de prendre toutes les mesures raisonnables pour protéger la population civile contre la violence, mais doit aussi s’abstenir de recourir à une force excessive, de maltraiter ou torturer les détenus, ou de procéder à des arrestations arbitraires dans le cadre des opérations menées contre Boko Haram.
Les autorités nigérianes ont en outre l’obligation de poursuivre en justice, conformément aux normes relatives aux procès équitables, toutes les personnes suspectées d’avoir commis des crimes lors du conflit, y compris des membres des forces de sécurité et des groupes d'autodéfense pro-gouvernementaux.
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