(Manille) – Le gouvernement philippin faillit à sa responsabilité de protéger les enfants qui creusent la terre et plongent sous les eaux pour extraire de l'or dans de dangereuses mines artisanales, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans un nouveau rapport publié à l'approche du Mois international de l'enfance aux Philippines et accompagné d'une vidéo.
Le gouvernement philippin a pris ces dernières années des mesures importantes pour assurer une éducation pour tous, mais le nombre d'enfants non scolarisés dans le pays demeure élevé. Des enfants, pour la plupart de familles pauvres, manquent la classe à cause de leur travail dans les mines et parfois cessent complètement d'aller à l'école.
« De nombreux enfants dans les provinces de Masbate et Camarines Norte quittent l'école pour aller travailler dans l'extraction de l'or », a souligné Juliane Kippenberg. « Afin de s'attaquer aux racines du travail des enfants, le gouvernement devrait aider financièrement les familles les plus pauvres et s'assurer que leurs enfants puissent être scolarisés de manière durable. »
Ces enfants travaillent aussi avec le mercure, un métal toxique facilement disponible qui est régulièrement utilisé dans le processus d'extraction de l'or. Les enfants sont particulièrement vulnérables au mercure, qui attaque le système nerveux central et peut causer des lésions cérébrales et même la mort. Non conscients des risques pour leur santé, les enfants se servent de leurs mains sans protections pour mélanger le mercure au minerai d'or et produire un amalgame. Lorsqu'ils éliminent le mercure en le brûlant pour récupérer l'or brut, ils respirent des fumées toxiques.
Dans le village minier de Malaya, en Camarines Norte, Human Rights Watch a observé le flux incontrôlé de résidus gris clair contaminés par le mercure provenant du processus d'extraction de l'or dans la rivière proche, où les enfants jouent, se baignent et cherchent de l'or avec des tamis. Plusieurs enfants de Malaya se sont plaints de tremblements, symptôme qui peut être le signe d'un empoisonnement au mercure. Le gouvernement philippin devrait imposer des procédés d'extraction de l'or sans recours au mercure, comme ceux qui sont en vigueur dans la province de Benguet, afin de réduire les menaces pour tous les enfants, a affirmé Human Rights Watch.
Les Philippines ont signé mais n'ont pas ratifié la Convention de Minamata sur le mercure de 2013, qui comporte des mesures destinées à réduire l'exposition au mercure. Le gouvernement devrait ratifier sans tarder la Convention de Minamata et entreprendre des tests pour mesurer l'exposition au mercure parmi les habitants des régions minières.
En mars 2015, le gouvernement a interdit l'utilisation du mercure dans l'extraction minière, ainsi que la pratique de l'exploitation minière sous compression, mais jusqu'à présent, il a fait peu d'efforts pour appliquer ces règlementations.
Les Philippines se situent au 20ème rang des producteurs d'or dans le monde. On estime que 200 000 à 300 000 personnes travaillent dans les mines d'or artisanales du pays. Les mines de grande taille et les petites mines artisanales ont eu une production combinée d'environ 18 tonnes d'or en 2014, pour une valeur de plus de 700 millions de dollars, selon des statistiques officielles. La banque centrale du pays est l'acheteur officiel de l'or des mines artisanales, qu'elle exporte ensuite. Toutefois, la banque ne dispose pas d'un processus lui permettant de contrôler les conditions dans lesquelles l'or a été extrait. Certaines quantités d'or sortent du pays par contrebande.
« Les mines artisanales sont un moyen d'existence vital pour de nombreux Philippins », a conclu Juliane Kippenberg. « Mais le gouvernement devrait d'urgence s’assurer que le secteur minier bénéficie de meilleures conditions sécuritaires et n'emploie plus d'enfants, afin que les familles puissent en tirer un revenu sans mettre leurs enfants en danger. »