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États-Unis : Les détenus séropositifs en Louisiane privés de soins

Des tests de dépistage limités et des interruptions de traitement mettent les détenus en danger

Administration d’un test de dépistage du VIH à un détenu de la prison municipale de Lafayette (Lafayette Parish Correctional Center), en Louisiane, dans le sud des États-Unis. © 2016 Bryan Tarnowski pour Human Rights Watch

(Bâton-Rouge, le 29 mars 2016) – La Louisiane ne fournit pas de services élémentaires en matière de VIH à des milliers de détenus incarcérés dans les prisons locales, mettant en danger la santé des individus et des communautés dans lesquelles ils retournent ensuite, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport paru aujourd'hui.

Le rapport de 70 pages, intitulé « Paying the Price: Failure to Deliver HIV Services in Louisiana Parish Jails » (« Le prix à payer : Absence de services élémentaires en matière de VIH dans les prisons de la Louisiane »), examine l'insuffisance — voire l'absence — de tests de dépistage, de traitement et de corrélation avec les soins dans les prisons. Seule une poignée parmi les 104 prisons locales de l'État propose des tests VIH à chaque détenu à son arrivée, comme le Centre de contrôle des maladies (Center for Disease Control, CDC) du gouvernement américain, le recommande. Dans de nombreux centres de détention, le traitement VIH est retardé, interrompu ou totalement non assuré et la continuité des soins est interrompue du fait de l'incapacité à corréler les prisonniers séropositifs aux soins médicaux dans la communauté lorsqu'ils sortent de prison. Le rapport a été publié de concert avec la Journée mondiale de sensibilisation du Réseau pour le plaidoyer du sida en Louisiane (Louisiana AIDS Advocacy Network) qui a rassemblé au Capitole des centaines de personnes qui vivent avec le VIH venues de tout l'État.

« La Louisiane est l’épicentre de deux épidémies aux États-Unis avec le taux le plus élevé de nouvelles infections VIH et un taux d'incarcération supérieur à la moyenne nationale », a déclaré Megan McLemore, chercheuse senior auprès de la division Santé et Droits humains à Human Rights Watch et auteure du rapport. « L'absence de traitement touche à la fois les personnes infectées par le VIH et l’ensemble de la communauté, du fait que les personnes incarcérées finissent par sortir de prison. »
 

La Louisiane est l’épicentre de deux épidémies aux États-Unis avec le taux le plus élevé de nouvelles infections VIH et un taux d'incarcération supérieur à la moyenne nationale. L'absence de traitement touche à la fois les personnes infectées par le VIH et l’ensemble de la communauté, du fait que les personnes incarcérées finissent par sortir de prison.
Megan McLemore

chercheuse senior auprès de la division Santé et Droits humains à Human Rights Watch

De nombreuses personnes qui présentent le risque d'infection le plus élevé, les toxicomanes, les travailleurs du sexe, la communauté LGBT, les pauvres, les Afro-américains et les Latino-américains sont disproportionnellement représentées dans les prisons et les pénitenciers. Des assistants sociaux ont déclaré à Human Rights Watch être quotidiennement à la recherche d'informations concernant leurs clients disparus sur les sites des prisons.

Human Rights Watch a interrogé plus de 100 personnes, parmi lesquelles des détenus récemment libérés, du personnel médical pénitentiaire, des prestataires de services en matière de VIH, des responsables de services de santé, des shérifs et l'administration pénitentiaire ainsi que des défenseurs publics, des procureurs et des juges.

En Louisiane, une personne sur sept ignore être porteuse du VIH ; or, la majorité des prisons de l'État ne propose pas de tests de dépistage du virus aux détenus, comme l'a constaté Human Rights Watch. Plusieurs responsables pénitentiaires ont déclaré ne pas effectuer de tests de dépistage systématique par manque de moyens pour traiter les séropositifs.

« La Louisiane consacre des milliards de dollars à ses prisons, mais ne trouve pas les fonds nécessaires pour dépister et traiter le VIH en milieu carcéral », a affirmé Megan McLemore. « Cela n'est pas acceptable sur le plan de la santé publique ou des droits humains et engendre des problèmes médicaux plus coûteux à long terme. »

Une personne sur trois porteuses du VIH en Louisiane finit par ne plus recevoir de soins médicaux une fois le traitement entamé et la médiocrité des services dont bénéficient les individus qui sortent de prison contribue au problème. L'observance du traitement abaisse le risque de transmission du virus et la continuité des soins est cruciale à l'efficacité du traitement du VIH en réduisant la quantité de virus dans le corps et en abaissant le risque de transmission du virus à d'autres. Or, la libération des prisons locales est souvent un processus laissé au hasard consistant en une prescription de n’importe quels médicaments qui peut être abandonnée, une liste de cliniques du VIH ou rien du tout.


Les personnes interrogées ont déclaré avoir été incarcérées des jours, des semaines, des mois durant sans recevoir de médicaments contre le VIH ou en en recevant de manière sporadique. « J'ai cru que j'allais mourir en prison », a dit l'une d'entre elles tombée gravement malade après 41 jours d'incarcération dans la prison d'Orleans sans traitement contre le VIH.

De nombreux individus qui ont rapporté des interruptions dans leur traitement lors de leur séjour en prison avaient été arrêtés pour des délits mineurs sans violence. Joyce, 54 ans, a été emprisonnée à trois reprises pour des faits de vol à l'étalage. « Ils m'ont dit que je devais appeler ma mère pour qu'elle m'apporte mes médicaments parce que la prison n'allait pas m'en fournir », a-t-elle déclaré. Certains ont affirmé que leurs amis ou familles avaient apporté leurs médicaments en prison, mais qu'ils ne leur avaient jamais été remis.

Human Rights Watch a établi que le Département de l'administration pénitentiaire (Department of Corrections, DOC) gère un système à deux niveaux qui néglige les services en matière de VIH pour les quelque 18 000 prisonniers d'État détenus dans les prisons locales. Les neuf prisons d'État de Louisiane proposent l'accès au dépistage, au traitement et à un programme fortement financé par le gouvernement visant à mettre en place des soins médicaux pour les détenus à leur libération ; or, les prisonniers d'État détenus dans les prisons locales n'ont pas accès à ces programmes. Le Département suppose que les prisons identifieront les porteurs du VIH et qu'ils seront transférés vers des installations gouvernementales pour y être soignés, mais cela n'est pas toujours le cas, même lorsque les détenus révèlent leur état à l'administration pénitentiaire. Le DOC devrait garantir aux détenus d'État emprisonnés localement les mêmes services en matière de VIH que ceux proposés dans le système pénitentiaire gouvernemental en général.

De nombreux prestataires de soins VIH et organismes de soutien ont dit qu'ils entendaient rarement parler de leurs clients par l'intermédiaire de l'administration pénitentiaire ou du personnel médical une fois qu'ils étaient emprisonnés, les laissant seulement espérer un retour aux soins à leur libération. Darren Stanley, gestionnaire de cas VIH au Philadelphia Center à Shreveport a déclaré : « Il est pour ainsi dire impossible de communiquer avec les centres de détention tant que le client est incarcéré ou lorsqu'il sort. » L'un de ses clients est décédé des suites du VIH deux semaines après avoir été libéré de la prison locale.

Le gouvernement de la Louisiane devrait continuer à mettre en œuvre des réformes pénales favorisant des alternatives à l'incarcération, ce qui diminuerait le fardeau fiscal pesant sur les prisons dans le cadre du traitement des maladies chroniques tout en promouvant la santé publique, a déclaré Human Rights Watch.

« Le gouvernement est tenu de dispenser des soins médicaux aux détenus vivant avec le VIH », a conclu Megan McLemore. « Le traitement dans la communauté est une situation gagnant-gagnant pour toutes les personnes concernées. »
 

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