(Beyrouth) – La situation des droits humains au Liban s’est détériorée en 2016 dans le cadre de problèmes de longue date en matière de droits humains ainsi que d’une crise de gestion des déchets, d’inquiétudes relatives au traitement des réfugiés et d’atteintes aux libertés d’expression et de dissidence politique, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2017 (version abrégée en français).
L’échec du gouvernement à fournir les services élémentaires, y compris le ramassage des ordures à temps et de manière sanitaire, a provoqué des manifestations. Certains manifestants ont été poursuivis devant des tribunaux militaires alors que d’autres militants, qui se sont exprimés contre le gouvernement, ont été poursuivis pour diffamation criminelle. Les détenus ont subi des mauvais traitements et des tortures. Mais en octobre 2016, le parlement a pris une mesure à saluer, consistant dans la création d’un Institut national des droits de l’homme et d’un mécanisme de prévention contre la torture.
« Dans un climat politique caractérisé par le vide présidentiel, la situation des droits humains au Liban s’est détériorée en 2016 », a déclaré Lama Fakih, directrice adjointe de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Mais la constitution d’un nouveau gouvernement est l’occasion de transformer cette situation en adoptant des réformes législatives et politiques absolument nécessaires qui feraient en sorte que le Liban soit en conformité avec ses obligations internationales en matière de droits humains. »
Dans cette 27e édition annuelle de son Rapport mondial (version intégrale en anglais de 687 pages, version abrégée en français de 247 pages), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son introduction, le Directeur exécutif, Kenneth Roth, explique qu'une nouvelle génération de populistes autoritaires cherche à infirmer le concept d'une protection individuelle basée sur les droits humains, en caractérisant ces droits comme une entrave à la volonté de la majorité. Pour toutes les personnes qui se sentent laissées de côté par l'économie mondialisée et qui craignent de plus en plus d'être exposées à des violences et à des crimes, les organisations de la société civile, les médias et le public ont des rôles essentiels à jouer en réaffirmant la validité des valeurs sur lesquelles les démocraties respectueuses des droits humains ont été édifiées.
Parmi les personnes poursuivies en vertu des lois pénales sur la diffamation, une femme a été condamnée par un tribunal militaire le 22 août 2016 à un mois de prison pour avoir «offensé l'institution militaire» suite à ses allégations que des membres du service de renseignement militaire l’avaient violée et torturée durant sa détention en 2013. Le code pénal libanais criminalise également la diffamation et la calomnie à l’encontre du président et autres fonctionnaires publics, autorisant une peine de prison allant jusqu’à un an. Le 30 mai 2016, les autorités libanaises ont arrêté Nabil al-Halabi, un avocat et militant des droits humains, pour avoir publié des messages sur Facebook critiquant des responsables du gouvernement. Il a été relâché trois jours plus tard après avoir signé un « document de soumission ».
Un manque de coordination dans la réponse du gouvernement à la traite sexuelle expose les femmes et les filles à des risques d’exploitation et d’abus. Les femmes syriennes semblent être particulièrement exposées à la prostitution forcée et à l’exploitation sexuelle pratiquées par des réseaux de trafic sexuel. En mars, des agents de sécurité ont libéré de deux bordels jusqu’à 75 femmes syriennes. Bien que la loi du pays contre la traite humaine promulguée en 2011 ordonne au Ministère des affaires sociales de créer un fonds d’affectation spéciale pour les victimes, le Ministère n’a pas encore agi dans ce sens.
De plus, selon les 15 différentes lois libanaises relatives au statut personnel, qui s’appliquent en fonction de l’appartenance religieuse de l’individu, les femmes subissent des discriminations dont l’inégalité dans l’accès au divorce, à la garde des enfants et aux droits de propriété. Contrairement aux hommes libanais, les femmes libanaises ne peuvent pas transmettre leur nationalité à des maris étrangers et à leurs enfants et sont soumises à des lois discriminatoires concernant les droits de succession.
Alors que la crise des réfugiés syriens s’est poursuivie, les nouvelles politiques de résidence introduites en janvier 2015 ont causé la perte de leur statut légal d’environ 70 pourcent des Syriens, restreignant ainsi leur liberté de mouvement, leur capacité à trouver du travail, leur accès aux soins de santé et leur possibilité d’envoyer leurs enfants à l’école. Avec un soutien international limité, le gouvernement a eu beaucoup de difficultés pour répondre aux besoins des réfugiés. Des politiciens libanais ont demandé la relocalisation des réfugiés dans des zones situées en Syrie.
« Les réfugiés ne seront en sécurité nulle part s’ils retournent en Syrie ; de plus, toute relocalisation forcée serait illégale en vertu du droit international », a conclu Lama Fakih. « Le nouveau président devrait indiquer clairement qu’il a l’intention de respecter les obligations du Liban en matière de droits humains et désavouer les déportations forcées des réfugiés. »