Au cours de la semaine du 18 au 22 juin, Anvers organise une rencontre entre des gouvernements, l'industrie du diamant et des groupes non gouvernementaux pour faire le point sur le processus de Kimberley, processus de certification mis en place il y a près de deux décennies pour mettre fin au commerce des « diamants du sang ». Or, le processus de Kimberley n'est pas à la hauteur. L'Union européenne qui préside actuellement le processus doit préconiser le changement en faveur de l'amélioration de la protection des droits humains en commençant par l'exploitation minière et l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. La Belgique a aussi un rôle décisif à jouer en qualité de plaque tournante du commerce de diamants et d'État membre de l'Union européenne.
À des milliers de kilomètres d'Anvers, les villageois au Zimbabwe ont récemment essuyé la répression violente de la police et de l'armée. Pour quelle raison ? Ils manifestaient parce qu'ils croient que les sociétés d'État ont pillé des milliards de dollars de chiffre d'affaires des mines diamantifères locales sans que cela profite à leur communauté. Les résidents déclarent que les forces de sécurité ont frappé les femmes à coups de matraque, ont tiré en l'air à balles réelles et ont jeté des grenades lacrymogènes pour disperser la foule, envoyant trois enfants à l'hôpital.
Cela fait longtemps que les mines de diamant au Zimbabwe bafouent les droits humains. Les forces armées ont tué plus de 200 personnes lorsque les militaires ont d'abord pris le contrôle des mines en 2008 contraignant les enfants et les adultes au travail forcé. En avril, les organisations locales ont indiqué que des agents de sécurité avaient menotté les mineurs locaux et lâché des chiens d'attaque sur eux.
Or, les diamants du Zimbabwe sont exportés légalement sur le marché international selon le processus de Kimberley. Les diamants entachés d'abus au Zimbabwe ou ailleurs continuent d'arriver facilement sur le marché mondial. Le processus de Kimberley est axé sur le fait de juguler les exactions perpétrées par les groupes armés, laissant de côté celles commises par des acteurs étatiques. Il lui manque aussi un système de contrôle indépendant si les contrôles douaniers nécessaires sont réellement en place. Enfin, le processus de Kimberley ne s'applique qu'aux diamants bruts ce qui laisse en dehors du champ d'application de l'initiative les pierres précieuses qui sont taillées ou polies entièrement ou partiellement.
Cela doit cesser. Lors de la réunion « intersessions » dans le cadre du processus de Kimberley qui doit se tenir cette semaine à Anvers, les délégués devront chercher à renforcer la protection des droits humains dans les chaînes d'approvisionnement en diamants, notamment en élargissant la définition des diamants de la guerre du processus Kimberley.
En vertu des normes internationales, les sociétés doivent avoir des garanties nécessaires en place afin d'identifier et de répondre aux risques de violations des droits humains tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Or, de nombreuses compagnies diamantaires sont en deçà de ces normes. Human Rights Watch s'est récemment penché sur les pratiques d'approvisionnement de 13 marques de joaillerie et de montres de premier plan dont le chiffre d'affaires annuel combiné atteint près de 30 milliards de dollars américains. Il est apparu que de nombreuses sociétés mettent en avant leur respect du processus de Kimberley comme la preuve de leur « approvisionnement responsable » alors que peu de mesures sont prises pour identifier le travail forcé ou d'autres risques en matière de droits humains dans leurs chaînes d'approvisionnement en diamants.
Les sociétés et les gouvernements doivent consacrer davantage d'efforts pour garantir la protection des droits humains. Le processus de Kimberley doit adopter une plus large définition du terme « diamants de la guerre » pour remédier aux abus semblables à ceux qui se sont produits à Marange et mettre en place un système de contrôle indépendant tout en instaurant des contrôles plus rigoureux. L'industrie du diamant située à Anvers et ailleurs doit également prendre ses responsabilités et poser de solides garde-fous pour protéger les droits humains tout au long de sa chaîne d'approvisionnement afin de veiller à ne pas être liée ou de contribuer aux atteintes aux droits humains à Marange ou partout ailleurs.
Juliane Kippenberg est Directrice adjointe à la division Droits de l'enfant au sein de Human Rights et co-auteur du rapport intitulé The Hidden Cost of Jewelry consacré aux chaînes d'approvisionnement du secteur de la joaillerie publié en février 2018. Pour la suivre sur Twitter : Twitter @KippenbergJ