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Floride : Les soins relatifs au VIH sont inadéquats pour les femmes transgenres

Les lacunes dans ces soins mettent la santé de ces femmes en danger et contribuent à l'épidémie

(Miami) – La Floride faillit à sa responsabilité de fournir des services de base relatifs au VIH, le virus du sida, à de nombreuses femmes transgenres, ce qui met leur santé en danger et contribue à une épidémie de VIH qui est actuellement hors de contrôle dans cet État, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourdhui. Les responsables floridiens et fédéraux de la lutte contre le sida parlent beaucoup de l'importance qu'ils attachent à s'occuper des groupes « à haut risque » comme les femmes transgenres. Human Rights Watch a enquêté pour vérifier si la réalité sur le terrain confirme leurs propos – ce n'est pas le cas.

Ce rapport de 88 pages, intitulé « ‘Living at Risk’: Transgender Women, HIV, and Human Rights in South Florida » (« ‘Vivre dangereusement’: les femmes transgenres, le VIH et les droits humains dans le sud de la Floride »), documente l'impact négatif des politiques de l'État de Floride et de l'État fédéral américain sur les femmes transgenres dans deux comtés de Floride – Miami-Dade et Broward – dans lesquels on compte les taux de nouvelles infections au virus VIH les plus élevés des États-Unis. De nombreuses femmes interrogées ont affirmé qu'elles se heurtaient à un manque de respect, à un traitement désinvolte et, dans certains cas, à un refus de services de la part de cliniques financées par le gouvernement. L'inexactitude et la non-exhaustivité des collectes de données en Floride sur la prévalence du VIH parmi les personnes transgenres font que le nombre de ces personnes est sous-estimé et qu'elles sont exclues des programmes gouvernementaux de lutte contre l'épidémie.

« Après des décennies de négligence, la Floride et le gouvernement fédéral ne s'occupent toujours pas de manière adéquate de la crise du VIH au sein de la communauté transgenre », a déclaré Megan McLemore, chercheuse senior sur les questions de santé à Human Rights Watch et auteure du rapport. « Les femmes transgenres ont des difficultés à trouver des prestations de santé à un coût abordable, y compris dans le domaine de la prévention et du traitement du sida, dans des conditions où leur identité de genre est respectée et où elles se sentent en sécurité. »

Rajee Narinesingh, une militante des droits des personnes transgenres, à Miami (Floride), en octobre 2018. © 2018 Human Rights Watch
L'administration Trump s'emploie à revenir sur les garanties contre les discriminations fondées sur l'identité de genre contenues dans la Loi sur des soins de santé abordables (Affordable Care Act ou « Obamacare »), dans le cadre d'un démantèlement plus général de la protection fédérale des droits des personnes LGBT. Revenir sur des protections juridiques existantes pourrait avoir des conséquences dévastatrices dans le domaine de l'accès aux soins de santé pour les femmes transgenres. À l'échelle nationale, une femme transgenre sur quatre, et la moitié des femmes transgenres noires, vivent avec le VIH, alors que l'incidence du virus dans la population américaine totale est de moins de 1%.

Human Rights Watch s'est entretenu avec 125 femmes transgenres vivant dans le sud de la Floride, ainsi qu'avec des responsables locaux et fédéraux, des prestataires de santé, des responsables de l'application des lois, des défenseurs publics, des experts en matière de santé publique et des porte-parole communautaires. Beaucoup des femmes transgenres interrogées, en particulier les noires et les latino-américaines, vivent dans une grande pauvreté, n'ont pas de logement stable, risquent quotidiennement de subir des violences et n'ont aucune assurance santé, ce qui les expose à un risque élevé de contamination par le VIH.

Des femmes transgenres ont affirmé à Human Rights Watch que se rendre chez le médecin s'apparentait souvent à une épreuve. « Serons [nous] en sécurité en public, dans la rue, dans l'autobus? Et quand [nous] serons arrivées, comment serons [nous] traitées? », a résumé une de ces femmes.

La Floride, qui a le troisième taux de contamination au VIH du pays, reçoit des millions de dollars de fonds fédéraux chaque année pour la prévention et le traitement du sida. Il ne manque pas de cliniques spécialisées dans le traitement du VIH dans les comtés de Miami-Dade ou Broward, mais les politiques de la Floride et de l'État fédéral en matière de VIH ne protègent pas les personnes transgenres des discriminations dans ces établissements, ce qui limite leurs options pour obtenir des soins. Le programme fédéral Ryan White de lutte contre le VIH/sida, qui est la principale source de financement gouvernemental pour les services et les médicaments contre le sida, ne contient pas d'obligations ou de normes concernant les soins à apporter aux personnes transgenres. Peu de cliniques offrent des soins relatifs au processus de transition des personnes transgenres en même temps que des services liés au VIH, approche intégrée que les experts en matière de santé publique considèrent comme étant essentielle pour réduire les risques liés au VIH et améliorer les résultats pour les femmes transgenres vivant avec le virus.

« Aucune personne ne devrait avoir à choisir entre vivre selon sa vraie identité et recevoir des médicaments essentiels à sa survie », a affirmé Megan McLemore.

Le fait que l'État ne dispose pas de données exactes a également pour effet de gêner la réponse du gouvernement. Les femmes transgenres sont fréquemment confondues avec des hommes qui ont des rapports sexuels avec d'autres hommes, ce qui les rend dans une large mesure invisibles et sous-évaluées en nombre et les exclut de nombreux programmes visant à réduire l'incidence des contaminations au VIH parmi les populations à risque. Le Centre fédéral de contrôle et de prévention des maladies a fait des recommandations aux États pour qu'ils améliorent leur collecte de données parmi les personnes transgenres, mais a laissé aux États le soin de les mettre en application. Les responsables de la lutte contre le sida en Floride s'emploient à régler ce problème mais reconnaissent que les informations sur lesquelles ils basent leur travail sont incomplètes.

En l'absence de protection juridique explicite à l'échelon de l'État ou à l'échelon fédéral, de nombreuses personnes transgenres se heurtent à des discriminations en matière d'emploi. La plupart des femmes interrogées étaient au chômage et vivaient dans une pauvreté extrême – 63% ont fait état de revenus annuels de moins de 10 000 dollars. Près de la moitié n'avaient aucune assurance santé. Le refus de la Floride d'élargir le champ d'application du programme d'assurance santé pour les personnes à bas revenus, Medicaid, contribue à la hausse du taux de contamination au VIH de l'État parmi plusieurs groupes, dont les femmes transgenres.

Certaines femmes transgenres se livrent à des prestations sexuelles rémunérées pour survivre. Près de la moitié des femmes interrogées ont indiqué avoir échangé des actes sexuels contre de l'argent, de la drogue ou des biens de première nécessité au cours de l'année écoulée et 40% avaient été arrêtées au moins une fois. Outre qu'un tel comportement augmente les risques de contracter le VIH auprès de clients ou de partenaires, un casier judiciaire ne peut que perpétuer le cycle du chômage et de la pauvreté.

La violence accroît également les risques de contamination au VIH et les maisons d'arrêt et prisons sont des lieux dangereux pour les personnes transgenres. À l'échelle nationale, un tiers des femmes transgenres qui sont en détention font état d'agressions de la part d'autres détenus ou de membres du personnel. Une femme transgenre a affirmé que son expérience vécue à la prison du comté de Broward avait été un « cauchemar », fait d'abus, de harcèlements, d'enfermement solitaire et de refus par l'établissement de reconnaître son identité de genre.

Les lois pénales de Floride prévoient des peines alourdies pour les personnes qui se livrent à la prostitution en sachant qu'elles sont séropositives. Mais les experts en matière de santé publique affirment que les lois qui visent expressément les personnes vivant avec le VIH sont inutiles, génératrices d'ostracisme et contreproductives car elles sont susceptibles de décourager les personnes de se soumettre à des tests de dépistage du VIH et de révéler leur séropositivité.

La Floride devrait abolir ses lois pénales spécifiquement relatives au VIH et dépénaliser les actes sexuels consensuels entre adultes, a déclaré Human Rights Watch.

« Les femmes transgenres sont identifiées par le gouvernement comme une population à haut risque », a conclu Megan McLemore. « Mais c'est précisément la négligence du gouvernement qui contribue à ce risque. Trente ans après l'apparition de l'épidémie de sida, ni le gouvernement fédéral ni celui de l'État ne sait combien de personnes transgenres vivent avec le VIH, combien d'entre elles rencontrent des difficultés pour obtenir des soins et comment cette situation affecte la santé de la communauté dans son ensemble. »

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