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Certaines réponses au COVID-19 menacent les droits des personnes âgées

Il faut éviter la discrimination fondée sur l’âge et garantir l’accès aux soins et services de santé

Une femme appartenant à la communauté zapotèque dans l'État d'Oaxaca, au Mexique, se lave les mains après avoir écouté une émission de radio locale qui préconisait cette mesure, tout comme la distanciation sociale, face au risque de COVID-19, le 31 mars 2020. © 2020 REUTERS/Jose de Jesus Corte
(New York) – Les gouvernements devraient respecter les droits des personnes âgées dans le cadre de leur réponse à l’épidémie de COVID-19, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

Les données disponibles ont montré que les personnes âgées sont davantage susceptibles de souffrir de complications graves et potentiellement fatales en cas d’infection par le coronavirus. Elles sont également confrontées à un risque accru d’infection si elles vivent dans des institutions comme les maisons de retraite et peuvent souffrir d’un isolement social marqué si elles restent à leur domicile. Enfin, elles peuvent être exposées à des risques supplémentaires pour leur santé et leurs droits en détention, et dépendre d’une aide humanitaire.

« Les personnes âgées sont touchées de manière disproportionnée par le COVID-19, et de nombreux gouvernements s’empressent d’y réagir », a déclaré Bethany Brown, chercheuse sur les droits des personnes âgées, au sein de la division Santé et droits humains à Human Rights Watch. « Mais les droits des personnes âgées sont également menacés si les gouvernements ne tiennent pas compte de leurs situations spécifiques et ne luttent pas activement contre la discrimination fondée sur l’âge. »

Plus de 95 % des personnes qui seraient décédées du COVID-19 en Europe avaient plus de 60 ans. Aux États-Unis, l’agence CDC (Centers for Disease Control and Prevention) a signalé que, du 12 février au 16 mars 2020, le taux de mortalité résultant du coronavirus aux États-Unis était le plus élevé parmi les personnes âgées de plus de 85 ans, suivi par celui des personnes âgées de 65 à 84 ans.

Outre les risques accrus de maladies graves et de décès provoqués par le virus, des comportements et des actions discriminatoires menacent les droits des personnes âgées. Une tribune publiée dans un quotidien britannique sur l’impact économique du coronavirus indiquait que leur décès pourrait s’avérer être bénéfique, en « décimant les personnes âgées à charge ». Dans un entretien accordé le 22 mars, l’ancien ministre ukrainien de la Santé a déclaré que les plus de 65 ans étaient déjà des « cadavres » et que le gouvernement devrait fait porter ses efforts de lutte contre le COVID-19 sur les personnes « toujours en vie ».

Le lieutenant-gouverneur du Texas, Dan Patrick, a suggéré que les personnes âgées pourraient vouloir se sacrifier au profit de l’économie : « Mon message, c’est que nous allons reprendre le travail », a déclaré Patrick, âgé de 69 ans, lors d’une émission de télévision diffusée sur une chaîne nationale le 23 mars. « Revenons à la vie. Soyons intelligents, et ceux d’entre nous qui ont plus de 70 ans, nous prendrons soin de nous, mais ne sacrifions pas le pays. »

Certains gouvernements ont imposé des restrictions draconiennes à la liberté de mouvement en fonction de l’âge, contraignant les personnes âgées à rester confinées chez elles sous peine d’encourir des amendes ou d’autres sanctions.

À titre d’exemple, en Bosnie-Herzégovine, plusieurs semaines durant, les plus de 65 ans n’ont pas été autorisés à se rendre à l’extérieur, sans exception, pas même pour aller à l’épicerie ou à la pharmacie ou sortir les poubelles. Plus de 200 contrevenants ont été verbalisés. Le 3 avril, le gouvernement a amendé cette règlementation pour permettre aux personnes âgées de pouvoir sortir entre 7 h et midi, du lundi au vendredi.

Les personnes âgées qui se retrouvent seules de façon soudaine, en l’absence de surveillance, sont particulièrement exposées à divers problèmes de santé physique et mentale graves, voire fatals, dont le déclin cognitif. Les restrictions à la liberté de mouvement devraient être raisonnables et ne pas se fonder exclusivement sur l’âge.

Les gouvernements devraient s’attaquer aux risques d’isolement social tout en garantissant les soins de santé nécessaires dans le cadre de la « distanciation sociale », a préconisé Human Rights Watch.

Le COVID-19, comme d’autres maladies infectieuses, présente un risque plus élevé pour les populations qui vivent dans la proximité. Un risque particulièrement élevé dans les établissements réservés aux personnes âgées, où le virus peut se propager rapidement et a déjà provoqué de nombreux décès. Aux États-Unis, environ 1,5 million d’entre elles vivent dans de telles institutions, à l’exclusion des centres de vie assistée et d’autres environnements où la proximité immédiate est la norme.

Dans l’État de Washington, vingt-trois personnes sont décédées de l’épidémie dans une institution en février et mars, et les Centers for Disease Control ont signalé des cas dans 400 établissements supplémentaires dans le reste du pays au 1er avril. Le 31 mars, les autorités sanitaires de la région du Grand Est, en France, ont signalé 570 décès de personnes âgées dans des structures similaires.

Les personnes âgées se retrouvent souvent dans des maisons de retraite en raison de l’incapacité des États à fournir des services sociaux suffisants pour qu’elles poursuivent leur vie en toute autonomie au sein de leurs communautés, ainsi que de politiques ayant exposé des millions de personnes à des dangers supplémentaires de contracter le virus suite à leur placement. Les gouvernements devraient garantir la continuité des services communautaires pour que les gens ne se retrouvent pas dans de tels lieux en l’absence d’autres options.

Au lieu d’améliorer les dispositions en matière de protection sociale pour les personnes âgées, en particulier en Angleterre, le gouvernement britannique a plutôt à l’heure actuelle suspendu les exigences en matière d’évaluation des soins et des services sociaux. Certaines règlementations d’urgence, telles que les restrictions imposées aux rassemblements et aux transports en communs, peuvent être justifiées dans le contexte de la propagation continue de la maladie. Mais l’assouplissement des règles pour les évaluations et autres aspects relatifs aux aides sociales est source de violations potentielles des droits humains fondamentaux.

Le gouvernement américain, pour tenter de contrer les risques posés aux personnes âgées par le COVID-19 dans les établissements de soins, a annoncé une politique de « non-visite ». Certaines institutions australiennes vont au-delà des directives gouvernementales en matière de santé publique, qui limitent les visiteurs à un maximum de deux personnes par visite et la durée de celle-ci, et prévoient des directives relatives à l’hygiène et à la distanciation physique.

Les maisons de retraites médicalisées devraient trouver un équilibre entre la protection de leurs résidents âgés et à risque et le besoin pour ces derniers d’être au contact de leur familles, tout en tenant compte de l’importance que revêt la surveillance assurée par leurs visiteurs. Une approche plus équilibrée pour garantir la sécurité des résidents et des personnels pourrait envisager des restrictions pour les visiteurs malades, comme le font déjà de nombreux établissements ; une supervision rigoureuse, pour les visiteurs, du lavage des mains, du port du masque et du respect de la distanciation sociale ; et la mise à disposition d’une salle réservée aux visites.

De nombreux systèmes de santé nationaux sont dépassés par le nombre de patients souffrant de complications graves liées au coronavirus. L’âge ne devrait pas être un critère déterminant pour refuser un traitement. Les gouvernements devraient rendre publiques des politiques claires pour orienter le personnel médical dans ses décisions relatives à l’attribution des ressources et surveiller la discrimination dans l’accès aux services médicaux pour tous les groupes à risque élevé, dont les personnes âgées. Les gouvernements devraient également reconnaître et lutter contre la multiplication des formes de discrimination au sein d’un même groupe. Par exemple, la population LGBT vieillissante présente des taux plus élevés de VIH et de cancers, des maladies susceptibles d’entraîner un affaiblissement du système immunitaire, et par conséquent d’accroitre la vulnérabilité aux complications graves résultant de l’infection par le COVID-19.

Des milliers de personnes âgées vivent dans des camps de réfugiés et de personnes déplacées, où elles font face à des risques sanitaires en raison de la surpopulation des lieux et de l’accès limité aux articles de santé et aux produits d’hygiène. Les gouvernements devraient veiller à ce que réfugiés et déplacés âgés reçoivent des soins de santé, y compris en leur garantissant l’accès aux systèmes de santé et aux hôpitaux nationaux, quel que soit leur statut juridique. Dans les camps, les personnes âgées devraient également avoir accès aux abris, à l’eau et aux installations sanitaires dont elles ont besoin pour maintenir un état de santé satisfaisant, une attention particulière devant être accordée à des dispositifs accessibles pour se laver les mains.

Une attention particulière devrait être également accordée à la remise en liberté de détenus. Aux États-Unis, par exemple, les hommes et les femmes plus âgés constituent la population carcérale la plus en hausse, en raison de longues peines de prison, alors que les autorités pénitentiaires ont déjà du mal à leur fournir des soins médicaux adéquats en temps normal.

« Les gouvernements ne devraient pas répondre aux menaces qui pèsent sur la santé des personnes âgées par des menaces à leurs droits », a conclu Bethany Brown. « Nous sommes tous en danger si les ripostes gouvernementales à cette épidémie renforcent les préjugés âgistes et méprisent l’égalité des droits des personnes âgées. »

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