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Éthiopie : Attaques illégales contre des zones urbaines du Tigré

L'ONU devrait enquêter sur les allégations de violations des lois de la guerre

Une femme photographiée dans une cabane en tôle ondulée, qui a été endommagée par des bombardements dans la ville de Humera, dans la région du Tigré en Éthiopie, le 22 novembre 2020. Non loin de là, deux femmes et un homme âgé ont été tués par des bombardements et des tirs d’artillerie, et deux personnes ont été blessées. © 2020 Eduardo Soteras/Agence France Presse

(Nairobi, le 11 février 2021) - Les forces fédérales éthiopiennes ont mené des attaques apparemment indiscriminées contre des zones urbaines dans la région du Tigré en novembre 2020 en violation des lois de la guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les tirs d'artillerie au début du conflit armé ont frappé des maisons, des hôpitaux, des écoles et des marchés dans les villes de Mekelle, Humera et Shire, tuant au moins 83 civils, dont des enfants, et blessant plus de 300 personnes.

« Au début de la guerre, les forces fédérales éthiopiennes ont mené contre des zones urbaines de la région du Tigré des tirs d’artillerie d’une manière apparemment indiscriminée, causant inévitablement des pertes civiles et des dégâts matériels », a déclaré Laetitia Bader, directrice pour la Corne de l’Afrique à Human Rights Watch. « Ces attaques ont brisé des vies civiles au Tigré et déplacé des milliers de personnes, mettant en évidence l'urgence de mettre fin aux frappes illégales et d’exiger que les commanditaires soient tenus responsables. »

Le 4 novembre 2020, l’armée éthiopienne a lancé des opérations militaires dans la région du Tigré, en réponse à ce que le Premier ministre Abiy Ahmed a décrit comme des attaques contre les forces et les bases fédérales par des forces affiliées au Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Trois mois plus tard, en février 2021, de nombreux habitants du Tigré manquent d’accès adéquat à la nourriture, au carburant, à l'eau et aux médicaments. Plus de 200 000 personnes sont déplacées à l'intérieur du pays, et des dizaines de milliers d’autres habitants ont fui vers le Soudan, pays voisin.

Carte de l'Éthiopie, montrant la région du Tigré dans le nord du pays. © 2021 Human Rights Watch

Human Rights Watch a interrogé 37 témoins et victimes d'attaques gouvernementales menées contre Humera, Shire et Mekelle, ainsi que neuf journalistes, travailleurs humanitaires, experts médico-légaux et défenseurs des droits humains. Ces entretiens ont été menés en personne au Soudan et par téléphone, en décembre 2020 et janvier 2021. Human Rights Watch a également examiné des images satellite, des photos et des vidéos enregistrées sur les lieux de six attaques, qui ont corroboré les témoignages recueillis.

Human Rights Watch a fourni une synthèse de ses conclusions préliminaires au gouvernement éthiopien, mais n'a reçu aucune réponse. Dans un discours prononcé au parlement le 30 novembre, le Premier Ministre Abiy avait alors affirmé que les forces fédérales éthiopiennes n'avaient pas fait de victimes civiles au cours de leurs opérations militaires au Tigré durant ce mois. Sur un compte Twitter officiel créé après le début du conflit, le gouvernement a déclaré que les forces fédérales avaient « évité les combats dans les villes et villages de la région de Tigré ».

Toutefois, des témoins ont décrit à Human Rights Watch une série d'attaques par les forces fédérales éthiopiennes, qui ont procédé à des tirs d’artillerie avant de capturer Humera, Shire et Mekelle en novembre. Dans chacune de ces attaques, les forces spéciales tigréennes semblaient s'être retirées, et à Humera, les milices locales manquaient d'une présence significative suffisante pour défendre la ville. Dans plusieurs attaques, les tirs d'artillerie ne semblaient pas viser des cibles militaires spécifiques, mais ont frappé des zones peuplées. Human Rights Watch a recueilli des témoignages sur des actions similaires lors d'entretiens avec 13 habitants des villes de Rawyan et Axum.

Sites d’attaques menées par les forces éthiopiennes contre la ville de Shire dans la région du Tigré, dans le nord du pays, en novembre 2020.  Les rectangles jaunes montrent des structures civiles touchées, ou situées près des lieux des frappes. © 2021 CNES / Google Earth (image satellite) - Human Rights Watch (graphique)

Ces attaques ont fait des morts et des blessés parmi les civils. Elles ont endommagé des maisons, des magasins et des infrastructures. Certaines frappes ont été menées près d’écoles. Les services médicaux ont été perturbés, et les frappes ont poussé des milliers de civils à fuir.

Des médecins de l’Hôpital Kahsay Aberra, à Humera, ont déclaré avoir été submergés par l’afflux soudain de personnes gravement blessées, et de corps de victimes tuées. Un médecin a estimé que les bombardements du 9 novembre avaient fait au moins 46 morts et plus de 200 blessés dans cette ville.

Des habitants de la capitale régionale, Mekelle, ont déclaré que les bombardements du 28 novembre avaient tué 27 civils, dont des enfants, et blessé plus de 100 personnes.

Les lois de la guerre applicables au conflit armé au Tigré interdisent les attaques visant des civils ou des structures civiles, les attaques indiscriminées et les attaques susceptibles de causer plus de tort aux civils que le gain militaire attendu. Les individus qui commettent des violations graves des lois de la guerre délibérément ou par imprudence peuvent être tenus responsables de crimes de guerre.

La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme devrait mandater une équipe pour se rendre dans la région du Tigré afin d’y enquêter sur les violations présumées des lois de la guerre au Tigré, et de préserver d’éventuelles preuves de telles violations, selon Human Rights Watch.

Communiqué complet en anglais : en ligne ici.

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