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Au Myanmar, des décennies d’impunité ont facilité le coup d’État

Justice et solidarité seront essentielles pour faire face aux abus passés et actuels

Le 10 décembre 2019, Abubacarr Tambadou, alors ministre gambien de la Justice, a posé une question à la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye : « Pourquoi le monde reste-t-il sans réaction et permet-il que de telles horreurs se produisent de nouveau sous nos yeux ? »

C’était le premier jour d’audience dans la procédure pour génocide engagée par la Gambie contre le Myanmar, affirmant que ce pays avait violé la Convention pour la prévention du crime de génocide en commettant des atrocités contre la communauté ethnique des Rohingyas dans l’État de Rakhine. C’était également la première fois que les abus commis par l’armée du Myanmar étaient exposés devant un tribunal international.

Pendant trois jours, l’équipe de juristes dépêchée par la Gambie a décrit les meurtres de masse, les viols et les actes de torture commis par l’armée du Myanmar et qui ont poussé plus de 730 000 Rohingyas à fuir vers le Bangladesh voisin. Cette équipe a brossé le tableau d’une force armée impénitente dans sa brutalité, se maintenant au pouvoir pendant des décennies en terrorisant les civils, sans la moindre retenue. En janvier 2020, la CIJ a ordonné à l’unanimité au Myanmar de protéger du génocide les 600 000 Rohingyas restés dans l’État de Rakhine.

Le 1er février 2021, ces mêmes généraux qui avaient orchestré les atrocités contre les Rohingyas ont exécuté un coup d’État. Depuis lors, la junte a exercé une répression sanglante contre le mouvement pro-démocratie au Myanmar, avec le même mépris impitoyable pour la vie humaine dont l’armée a fait preuve depuis longtemps dans les tactiques de la terre brûlée qu’elle utilise dans les régions peuplées de minorités ethniques.

La police et l’armée ont tué plus de 1 300 personnes et arrêté plus de 10 000 manifestants, journalistes et autres citoyens. Les abus méthodiques et systématiques commis par l’armée dans la foulée du coup d’État, comme ceux qu’elle a infligés aux Rohingyas, équivalent à des crimes contre l’humanité. Il est clair que les racines du coup d’État et de l’effusion de sang qui s’est ensuivie se trouvent dans l’impunité dont a bénéficié l’armée depuis qu’elle s’est emparée pour la première fois du pouvoir en 1962.

Il y a deux ans, la population a manifesté à travers le pays pour soutenir le gouvernement et sa dirigeante de facto à l’époque, Aung San Suu Kyi, qui a défendu l’armée sans réserves devant le tribunal de La Haye. Cette semaine, Aung San Suu Kyi a été condamnée à quatre ans de prison par les généraux qu’elle avait soutenus.

Depuis le coup d’État, de nombreux manifestants ont cherché à faire amende honorable pour le long passé d’hostilité vis-à-vis des Rohingyas au Myanmar. Le Gouvernement d’unité nationale, d’opposition, s’est engagé à mettre fin au statut d’apatride des Rohingyas et à d’autres abus. Avec des campagnes de solidarité, des activistes réimaginent le Myanmar comme un État renforcé par sa composition multiethnique et multireligieuse.

Dans ce contexte fluctuant, la procédure devant la CIJ de poursuit. La Cour va prochainement tenir des audiences sur les objections préliminaires déposées par le Myanmar 10 jours avant le coup d’État.

Il n’y a pas de voie express vers la justice au Myanmar, mais les appels pour y parvenir n’ont jamais retenti aussi fort.

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