(New York) – Les autorités pakistanaises ont commis de nombreux abus contre les Afghans vivant au Pakistan pour forcer leur retour en Afghanistan, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
La police et d'autres agents du gouvernement ont procédé à des arrestations massives, saisi des biens et du bétail et détruit des documents d'identité pour expulser des milliers de réfugiés et demandeurs d'asile afghans. Depuis la mi-septembre 2023, les autorités pakistanaises ont contraint plus de 375 000 Afghans à rejoindre l’Afghanistan, expulsant 20 000 d’entre eux.
« Les autorités pakistanaises ont créé un environnement coercitif pour les Afghans afin de les forcer à retourner en Afghanistan, vers des conditions de vie qui mettent leur vie en danger », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Les autorités devraient immédiatement mettre fin à ces abus et donner aux Afghans menacés d'expulsion la possibilité de chercher protection au Pakistan. »
Parmi les personnes expulsées ou contraintes de partir figurent des Afghans nés au Pakistan et n'ayant jamais vécu en Afghanistan, ainsi que des Afghans qui risqueraient d'être persécutés en Afghanistan, notamment des femmes et des filles, des défenseurs des droits humains, des journalistes et d’anciens employés du gouvernement qui ont fui l'Afghanistan après la prise de pouvoir par les talibans en août 2021.
Ces mauvais traitements s'inscrivent dans le cadre d'une campagne visant à contraindre les Afghans à quitter le pays, ont rapporté des défenseurs des droits humains et des journalistes. Cela comprend des raids nocturnes au cours desquelles la police a battu, menacé et arrêté des Afghans. Les Nations Unies et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont rapporté que 92 pour cent des Afghans quittant le Pakistan ont déclaré qu'ils craignaient d'être arrêtés par les autorités pakistanaises.
Des policiers ont également exigé des pots-de-vin et confisqué des bijoux, du bétail et d’autres biens, et détruit des maisons au bulldozer. Des femmes afghanes ont déclaré à Human Rights Watch que la police pakistanaise avait parfois harcelé sexuellement certaines femmes et filles afghanes et les avait menacées d'agression sexuelle.
Les autorités pakistanaises ont imputé aux Afghans la récente recrudescence des attaques perpétrées par des groupes militants, les liant à des « migrants illégaux ».
Les autorités pakistanaises auraient également exigé des Afghans en attente de réinstallation aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres pays qui n'ont pas pu obtenir ou, dans de nombreux cas, renouveler leur visa, de payer des frais de sortie de 830 USD. Ces frais ne s’appliquent qu'à ceux qui ne se rendent pas en Afghanistan.
Le 17 novembre, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré que l'arrivée en Afghanistan de centaines de milliers d'Afghans « n’aurait pas pu arriver à un pire moment », alors que l’hiver s’installe et que le pays est confronté à une crise économique durable qui laisse les deux tiers de la population dans le besoin d’une aide humanitaire. Parce que les autorités pakistanaises ont interdit aux Afghans d’emporter plus de 50 000 roupies pakistanaises par personne (175 USD) hors du pays, nombre d’entre eux ont abandonné leurs entreprises et arrivent en Afghanistan pratiquement démunis. Des agences humanitaires ont fait état de pénuries de tentes et d’autres services de base pour les personnes arrivantes.
Le 10 novembre, les autorités pakistanaises ont prolongé la validité des documents d’identité pour les Afghans qui pouvaient auparavant obtenir des cartes de preuve d'enregistrement (Proof of Registration, PoR), mais seulement jusqu'au 31 décembre. Cependant, des travailleurs humanitaires ont déclaré à Human Rights Watch que la police pakistanaise avait parfois confisqué ou détruit ces cartes lors de raids. Les titulaires de cartes font également partie des personnes contraintes de retourner en Afghanistan malgré leur statut enregistré. Le « Plan de rapatriement des étrangers illégaux » du Pakistan annoncé le 3 octobre comprend trois phases, l'expulsion des titulaires de carte devant suivre celle des personnes sans documents.
Ces expulsions violent les obligations du Pakistan en tant qu’État partie à la Convention des Nations Unies contre la torture et en vertu du principe de non-refoulement du droit international coutumier : ne pas renvoyer de force des personnes vers des pays où elles courent un risque évident de torture ou d'autres persécutions. Le refoulement se produit non seulement lorsqu'un réfugié est directement rejeté ou expulsé, mais également lorsque les pressions indirectes sont si intenses qu'elles laissent croire aux personnes qu’elles n'ont d'autre choix que de retourner dans un pays où elles courent un risque sérieux de préjudice. Le gouvernement pakistanais devrait mettre fin aux exactions policières et aux menaces d'expulsion et travailler avec le HCR pour reprendre l'enregistrement des demandeurs d'asile afghans.
Les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Canada devraient accélérer la réinstallation des Afghans qui sont particulièrement à risque, notamment les femmes et les filles, les Afghans LGBT, les militants des droits humains et les journalistes, a déclaré Human Rights Watch.
« Les gouvernements qui ont promis de réinstaller les Afghans à risque devraient accélérer ces processus, tout en faisant pression sur le Pakistan pour qu'il respecte ses obligations en matière de droits humains », a conclu Elaine Pearson. « Les pays devraient également intensifier leur réponse à la crise humanitaire en Afghanistan, désormais aggravée par l'afflux de centaines de milliers de personnes dans le besoin à l’approche de l'hiver. »
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