(Londres, le 11 janvier 2024) – Les protections nationales des droits humains ont été gravement érodées et les efforts visant à promouvoir les droits humains à l’échelle mondiale sapés par les politiques et pratiques du gouvernement du Royaume-Uni en 2023, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2024.
« Le Royaume-Uni a connu une nouvelle année lamentable en matière de droits humains en 2023 », a déclaré Yasmine Ahmed, directrice pour le Royaume-Uni à Human Rights Watch. « Le gouvernement a poursuivi ses attaques contre les droits fondamentaux au Royaume-Uni, notamment ceux de manifester et de demander l’asile, tout en appliquant un « deux poids deux mesures » dans sa politique étrangère, ce qui a sapé ses efforts de promotion des droits humains à l’échelle mondiale. »
Dans son Rapport mondial 2024, sa 34e édition qui compte 740 pages, Human Rights Watch analyse les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays. Dans son essai introductif, la directrice exécutive Tirana Hassan affirme que 2023 a été une année lourde de conséquences, non seulement à cause de la répression des droits humains et des atrocités liées aux conflits armés, mais aussi en raison de l’indignation sélective et de la diplomatie transactionnelle. Ces pratiques gouvernementales, indique-t-elle, ont profondément porté atteinte aux droits de tous ceux restés en marge de « deals » inavoués. Une voie différente et porteuse d’espoir est possible, affirme-t-elle cependant, appelant les gouvernements à rester cohérents en respectant leurs obligations en matière de droits humains.
En 2023, le gouvernement du Royaume-Uni a affaibli les libertés fondamentales, comme le droit de manifester, en adoptant une nouvelle législation. La poursuite par le Royaume-Uni de son projet de transfert des demandeurs d’asile vers le Rwanda et l’introduction de la loi sur l’immigration illégale ont porté atteinte aux droits des réfugiés et des demandeurs d’asile et ont eu, de manière générale, une influence corrosive sur les normes et standards internationaux.
En avril, le gouvernement a adopté la loi sur l’ordre public, criminalisant davantage le droit des citoyens à manifester pacifiquement, portant atteinte à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, et limitant les grèves des travailleurs. Cette loi s’inscrit dans le cadre d’une répression continue des personnes qui protestent contre les politiques de plus en plus régressives du gouvernement en matière de changement climatique.
En juillet, le gouvernement du Royaume-Uni a adopté la loi sur l’immigration illégale, largement condamnée, qui interdit l’accès à l’asile et porte atteinte aux protections contre l’esclavage moderne et la traite pour toute personne arrivant « de manière irrégulière » au Royaume-Uni. Le gouvernement a continué de défendre son accord controversé en matière d'asile avec le Rwanda devant la Cour suprême, après que la Cour d'appel ait statué que le Rwanda n'était pas un pays tiers sûr vers lequel envoyer des demandeurs d'asile. En novembre, la Cour suprême a confirmé que l’accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda était illégal car le Rwanda n'était pas considéré comme un pays tiers sûr. Le gouvernement a réagi au jugement en s'engageant à adopter une loi d'urgence pour confirmer le Rwanda comme un pays sûr et s’accorder avec le Rwanda sur un traité pour remplacer le protocole d'accord existant.
Malgré une crise persistante du coût de la vie, le gouvernement britannique n’a pas adopté de politiques garantissant les droits des citoyens à la sécurité sociale et à un niveau de vie adéquat, notamment en ce qui concerne l’alimentation et l’accès à un logement convenable.
Les autorités britanniques n’ont pas non plus remédié de manière adéquate aux inégalités raciales et à la discrimination. En 2018, le gouvernement britannique avait présenté ses excuses après que des milliers de Britanniques noirs appartenant à la génération Windrush aient été expulsés, détenus et privés de leurs droits en raison des échecs répétés de la politique du ministère de l'Intérieur. Pourtant, le gouvernement continue de négliger ces personnes, qui sont toujours confrontées à de sérieuses difficultés pour accéder à un programme d’indemnisation complexe et inaccessible, et a reculé en 2023 sur certaines recommandations d’une enquête indépendante menée sur ce scandale. Le Groupe de travail des Nations Unies sur les personnes d’ascendance africaine a condamné ces manquements lors de sa visite au Royaume-Uni en janvier 2023.
Le gouvernement britannique n'a toujours pas remédié à l'expulsion forcée de l'ensemble du peuple chagossien de son pays natal dans les îles de l'archipel des Chagos, qu'il avait déplacé de force il y a plus de 50 ans, en complicité avec le gouvernement des États-Unis, alors qu’un grand nombre de Chagossiens résident désormais au Royaume-Uni. Des négociations sont en cours entre le Royaume-Uni et l’Île Maurice au sujet de la souveraineté des îles, mais les Chagossiens n'ont pas été réellement consultés. Le Royaume-Uni a refusé de leur accorder des réparations complètes, notamment leur droit au retour.
Sur la scène internationale, le gouvernement a utilisé sa position et son influence pour dénoncer les abus commis au Soudan, en Ukraine, en Iran, au Bélarus et ailleurs. Toutefois, il s’est montré prêt à bafouer ses obligations juridiques internationales et à appliquer le « deux poids, deux mesures », lorsque cela arrangeait ses intérêts.
À la suite de l’attaque menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, le gouvernement britannique a condamné à juste titre les meurtres délibérés de civils et la prise d’otages par le Hamas, qui constituent des crimes de guerre. Cependant, il n'a pas dénoncé la punition collective infligée par Israël à la population de Gaza en coupant l’accès à l'électricité, à l'eau, au carburant et à la nourriture, ce qui constituent également des crimes de guerre. Il n’a pas non plus exprimé la moindre inquiétude face aux bombardements aériens incessants d'Israël qui ont tué des milliers d'enfants et d'autres civils et réduit en ruines une grande partie de certains quartiers. Les hostilités ont donné lieu à une augmentation des rapports d'incidents antisémites et islamophobes au Royaume-Uni, selon des organisations de la société civile et la police de Londres.
Depuis la signature de son accord d’asile avec le Rwanda, la position du Royaume-Uni sur le bilan du Rwanda en matière de droits humains semble compromise, car il n’a pas fait pression sur le Rwanda pour qu’il mette fin à son appui au groupe armé M23, qui commet des atrocités dans l’est de la République démocratique du Congo.