- Au Mozambique, des adolescentes et des femmes enceintes ou qui deviennent mères abandonnent l’école parce qu’elles ne bénéficient pas d’un soutien adapté de la part des établissements scolaires.
- Les filles qui deviennent mères sont souvent victimes de discrimination, de stigmatisation et d’un manque de soutien et d’aménagements qui rendent impossible la conciliation de l’école et des responsabilités liées à la garde des enfants. L’absence de gratuité de l’enseignement pousse de nombreuses filles, surtout parmi les familles les plus pauvres, à quitter l’école.
- Le Mozambique devrait adopter des dispositions légales pour garantir aux filles le droit à l’éducation pendant la grossesse et la parentalité, et proposer une éducation sexuelle complète et des services de garde d’enfants.
(Maputo) – Au Mozambique, de nombreuses adolescentes et femmes enceintes ou jeunes mères abandonnent l’école parce qu’elles rencontrent des obstacles insurmontables et qu’elles ne bénéficient pas d’un soutien adéquat de la part des écoles, à l’un des moments où elles sont le plus vulnérables dans leur vie, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Bien que le gouvernement mozambicain ait abrogé, il y a plus de cinq ans, les mesures discriminatoires à l’encontre des élèves enceintes et des mères adolescentes, de nombreux enseignants et responsables éducatifs et scolaires ne disposent pas d’instructions claires sur la protection de leur droit à l’éducation.
Le rapport de 52 pages, intitulé « “Girls Shouldn’t Give Up On Their Studies”: Pregnant Girls’ and Adolescent Mothers’ Struggle to Stay in School in Mozambique » (« “Les filles ne devraient pas abandonner leurs études” : La lutte des filles enceintes et des mères adolescentes pour rester à l’école au Mozambique » documente les nombreux obstacles auxquels doivent faire face les adolescentes et les jeunes femmes enceintes ou mères de famille, ainsi que les problèmes auxquels elles sont confrontées lorsqu’elles tentent de rester à l’école. Les élèves n’ont pas non plus accès, ou se voient refuser l’accès, aux informations sur la santé sexuelle et reproductive, notamment à une éducation sexuelle complète, ainsi qu’à des services de santé sexuelle et reproductive adaptés aux adolescentes, y compris un large éventail d’options contraceptives et la possibilité d’avorter légalement, en toute sécurité et dans toute la mesure autorisée par la loi.
« Les filles qui deviennent mères à un très jeune âge sont souvent victimes de discrimination, de stigmatisation et d’un manque de soutien et d’aménagements à l’école, ce qui rend impossible pour bon nombre d’entre elles de jongler avec leur scolarité et les responsabilités liées à l’éducation des enfants », a déclaré Elin Martinez, chercheuse senior à la division Droits des enfants de Human Rights Watch. « Le cumul de ces obstacles fait que de nombreuses filles enceintes ou devenues mères, si ce n’est la plupart d’entre elles, quittent l’école sans avoir achevé leur éducation de base. »
En 2003, le gouvernement mozambicain a adopté un décret ministériel demandant aux responsables scolaires que les filles enceintes et les mères adolescentes puissent bénéficier d’un transfert d’une scolarité de jour vers une scolarité du soir, en s’appuyant sur l’infrastructure existante utilisée pour l’éducation de base destinée aux adultes. Ce décret a de fait autorisé et consolidé la discrimination à l’encontre de ces élèves dans le système national d’éducation, privant les élèves enceintes ou mères adolescentes du droit d’étudier dans les écoles primaires et secondaires au même titre que leurs pairs.
Plusieurs groupes de la société civile mozambicaine ont mené une campagne qui a permis de faire pression sur le ministère de l’Éducation pour qu’il abroge le décret, supprime les obstacles discriminatoires à l’encontre des filles enceintes ou des jeunes mères, et protège les filles contre les violences sexuelles généralisées dans les écoles. En décembre 2018, le gouvernement a abrogé le décret de 2003 et a demandé aux écoles de permettre aux élèves enceintes et aux parents d’étudier dans le cadre de journées scolaires normales.
En supprimant sa politique discriminatoire, le gouvernement a fait preuve de volonté politique pour faire progresser l’éducation des filles, a déclaré Human Rights Watch. Cependant, il a eu du mal à transformer ce volontarisme politique en réalité au niveau des écoles et à s’attaquer aux formidables obstacles systémiques et sociaux auxquels les filles sont confrontées pour poursuivre leur scolarité. Human Rights Watch a constaté que certains enseignants et chefs d’établissement orientaient automatiquement les élèves vers les écoles du soir en raison de la stigmatisation, des pratiques discriminatoires existantes, ou du manque de clarté ou de l’absence de conseils de la part des responsables mozambicains. D’autres enseignants ont soutenu ou encouragé les élèves de sexe féminin à rester à l’école.
Comme de nombreux élèves du secondaire au Mozambique, les filles enceintes et les jeunes mères abandonnent aussi l’école en raison de la non-gratuité de l’enseignement et d’autres obstacles systémiques et financiers qui affectent de manière disproportionnée les filles issues des ménages les plus pauvres. Parmi ces obstacles figurent le coût élevé de l’éducation lié aux frais de scolarité et d’inscription, le paiement des uniformes scolaires et d’autres coûts indirects, ainsi que les distances souvent longues et parfois dangereuses à parcourir pour se rendre à l’école, ou encore le coût du transport.
Les responsabilités liées à la garde des enfants empêchent aussi beaucoup de jeunes mères de fréquenter l’école. Le gouvernement devrait veiller à ce que les élèves soient soutenues et encouragées à poursuivre leur cursus scolaire en mettant en place des structures de garde d’enfants et d’éducation de la petite enfance qui soient facilement accessibles aux élèves qui élèvent leurs enfants.
Le gouvernement mozambicain devrait adopter des réglementations juridiquement applicables pour garantir le droit des filles à l’éducation pendant leur grossesse et leur parentalité, a déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement devrait tenir suffisamment compte des expériences et des points de vue des adolescentes et des jeunes femmes et s’inspirer des expériences d’autres pays africains, afin de définir un cadre politique qui lui est propre, respectueux des droits humains et permettant de répondre avec succès aux besoins des adolescentes enceintes et des jeunes mères.
Le gouvernement devrait aussi veiller à ce que tous les enfants aient accès à une éducation sexuelle complète, scientifiquement correcte et adaptée à leur âge et à leur stade de développement, ainsi qu’à des services de santé reproductive gratuits et sérieux répondant aux besoins des adolescentes, notamment l’accès à l’avortement dans toute la mesure autorisée par la loi.
« Le gouvernement mozambicain est confronté à d’immenses défis pour faire progresser le droit des adolescentes à l’éducation », a conclu Elin Martinez. « Le ministère de l’Éducation et du Développement humain devrait envoyer un signal fort témoignant de son engagement en faveur de l’égalité des sexes, en diffusant sans tarder des instructions ministérielles pour s’assurer que toutes les écoles et tous les enseignants comprennent les obligations qui leur incombent. »
Données de base sur l’éducation des filles au Mozambique :
- Le Mozambique se situe au cinquième rang, parmi les taux de mariage d’enfants les plus élevés dans le monde.
- Le taux de grossesse des adolescentes au Mozambique est le plus élevé d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe : 180 filles et jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans sur 1000 ont donné naissance à un enfant en 2023, alors que la moyenne régionale est de 94 naissances pour 1000 filles.
- Selon les Nations Unies, au moins une fille sur dix a eu un enfant avant l’âge de 15 ans.
- Selon une étude réalisée en 2019 sur des données recueillies au fil du temps concernant les décrochages à l’école primaire, 70 % des filles enceintes, dont beaucoup étaient encore inscrites à l’école primaire après la puberté en raison de leur inscription tardive, ont abandonné leur scolarité au Mozambique.
- En 2022, seules 41 % des filles ont terminé leur premier cycle de l’enseignement secondaire. En 2020, seules 4 % des filles ont terminé le deuxième cycle de l’enseignement secondaire.
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